Journaliste de formation, Mamadou KANE est diplômé du Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) de Dakar après une enquête sur les Agents de joueurs au Sénégal. Passionné de sport certifié et disciple de Zinédine Zidane confirmé, il respire par le football. Depuis lors, je sers en tant que journaliste sportif et chargé de communication. Bébé écrivain à ses heures retrouvées (comme il le dit), il a deux ouvrages à son actif : Miroir sans reflet (2019) et Des Lyres d’un confiné (2020).
Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)
A Kene Ndoye,
Tu partais le 13 février 2023, âgée de 44 ans, emportée par cette longue maladie sans jamais toucher à tes primes. Toi qui as trimé toute ta vie pour élever haut les couleurs de ta nation, tu n’auras pas eu la reconnaissance que tu méritais. Sur la plus haute marche du podium, tu avais l’habitude de te trouver. Malgré ton statut de triple championne d’Afrique en longueur et en triple saut, ils n’ont jamais pris de la hauteur face à ta situation. Tu me diras que ton genre n’était pas un problème mais le nombre de préjudices subies par tes pairs ne me laisse pas penser autrement.
Les mêmes mots décrivent les mêmes maux depuis des décennies. Ils trouveront toujours des excuses, ils trouveront toujours des explications mais jamais avec la bonne raison. Les femmes ne rapportent pas autant que les hommes. Les hommes attirent plus que les femmes en sport. Elles ne sont là que pour embellir. Elles ne sont là que pour le plaisir des yeux. Oui, elles font plaisir à nos yeux par leurs performances sportives.
Femme et sport ne riment pas pour eux, à plus forte raison femme, sport et performances. Cette trinité passe mal. Pour eux, femme c’est soumission. Pour eux, femme n’a pour mission que de s’atteler aux tâches ménagères et se faire belle. Ils disent, “à force de faire ce qu’ils font, Elles ne finiront par devenir Ils”. Mais, Sport a beau être masculin de genre, chaque prouesse réalisée par le Féminin, est encore plus belle. Puisqu’ils ne les voient que par le prisme de la Beauté.
Entre préjugés, clichés et stigmatisations, elles se voient de moins en moins embrasser une discipline sportive, à plus forte raison de rêver d’une professionnalisation. Ils parlent désormais de “protéger leur féminité et ne pas abîmer leur corps”. Qui vous a donné le droit de décider pour Elles ? Ne les croyez-vous pas assez bien futées pour prendre la décision de se lancer ou pas. La différence physiologique ne doit pas vous donner le droit de les voir autrement.
Je ne veux pas te rendre triste davantage ma Kene mais tes filles et soeurs subissent harcèlement, viol et et attouchements. Ils continuent toujours de croire que leur force physique doit servir à abuser d’elles. Ils rôdent toujours autour. Elles sont toujours obligées de partager les mêmes espaces avec eux pour nourrir leur passion.
Rien n’a changé Kene. Je ne vais pas embellir la situation. Mais l’espoir est permis. Les nouvelles championnes veulent changer les choses.
“Malheureusement, le sport féminin est souvent dévalorisé par rapport à celui des hommes. Notre rôle à nous, aujourd’hui, c’est de montrer qu’une femme déterminée, qui croit en ses rêves et qui ne lâche rien, peut réaliser de très belles et grandes choses”, a dit Soukeina Sagna, vice-championne d’Afrique de Handball 2024 avec le Sénégal, dans un entretien avec le Magazine Temps-Morts (publication de décembre 2024).
Elles y croient !
Parce que les lignes bougent ailleurs. En Norvège, au Pays de Galles, au Brésil, en Australie et récemment aux Etats-Unis, les joueuses ont le même taux de rémunération que les joueurs. En tennis, dans le surf et plusieurs autres fédérations sportives ont adopté cette même égalité. A performances égales, traitements égaux ! En France et dans plusieurs autres pays européens, les sportives ont droit à des congés de maternité payés. Leur salaire est maintenu en intégralité. Malheureusement, la donne n’est pas encore au rendez-vous sous nos cieux.
Au Sénégal, le sport est encore au masculine
La championne n’a pas encore la même considération que le champion. Elle doit être en jupe pour montrer ses formes. Qu’elle soit en forme ou qu’elle se forme pour pratiquer son sport, elle n’est pas vue comme une sportive. A moins qu’elle se transforme en homme. Pourtant, elle peut briller en sportive comme en femme. Oui, elles sont des femmes, pas des « garçons manqués » comme vous dites. Mais, rien ne les diffère des autres femmes. Elles voient leurs menstrues, se marient et tombent enceintes mais n’empêchent, elles sont et restent des sportives et méritent respect et considération.
J’ai aussi oublié de te dire Kene: nous avons enfin eu une ministre des Sports.
Espérons qu’elle nous entende !
