Patrice SOKEGBE
C’est fait ! Après d’interminables négociations, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) officialise le retrait définitif du Mali, du Burkina-Faso et du Niger de l’institution sous-régionale. Dans un communiqué en date de ce 29 Janvier, la Cedeao l’a fait savoir à tous ses pays membres. Mais au lieu de s’attendre à des décisions fortes et radicales, elle est restée plutôt flexible et ouverte par rapport à certaines mesures, notamment la reconnaissance des passeports et cartes d’identité des trois pays, le libre échange commercial, la libre circulation des personnes et des biens et le maintien des fonctionnaires de la Cedeao provenant des trois pays.
De même, dans un communiqué en date du 23 janvier dernier, le Président de la confédération des États du Sahel, le Gl Assimi Goïta a indiqué que les anciens passeports Cedeao demeurent valables jusqu’à leur date d’expiration, et que les détenteurs des anciens passeports arborant le logo de la Cedeao, en cours de validité, peuvent les faire remplacer par des nouveaux passeports de l’Alliance des Etats du Sahel. Abdoulaye Diop, Ministre malien des Affaires étrangères a déclaré que : « Pour le moment, nous n’avons tenu aucune rencontre pour définir les dispositions en vue de la libre circulation des personnes et des biens entre les pays de l’AES et la Cedeao, tant sur le plan économique, à travers les échanges commerciaux, sécuritaires et d’autres axes de coopération. Il est important de penser à la manière de coopérer pacifiquement avec nos voisins de la Cedeao. Nous allons donc échanger autour des intérêts de nos pays respectifs, particulièrement la libre circulation des personnes et des biens, tout en mettant en avant le respect de la souveraineté de nos pays ».
En clair, le divorce est consommé, la pilule est amère, mais la Cedeao ne peut que l’avaler. Maintenant que la bataille de la rupture est conjuguée au passé, les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes) peuvent désormais définir leur propre politique économique, sociale et sécuritaire en toute autonomie. D’ailleurs, ils n’ont pas attendu une quelconque autorisation pour se muer en alliance afin de s’attaquer au terrorisme. Mais le plus important à retenir dans les diverses décisions prises de part et d’autre, c’est que la Cedeao et l’Aes ont fondamentalement préservé les intérêts des peuples et leurs mouvements dans la sous-région. Même si la rupture est consommée, il faut tout de même saluer la clairvoyance de ces organisations qui ont su mettre les ‘’Communautés’’ au-dessus des divergences. Au début de la crise, les premières sanctions ont lourdement pesé sur les peuples, surtout ceux habitués au commerce régional. Plus de circulation des personnes et des biens, plus de libre échange commercial, gel des avoirs des pays sous sanctions, des frontières fermées…Bref, le pouvoir des peuples tel que prôné par les pères fondateurs de l’organisation sous-régionale est toujours d’actualité. Et la Cedeao, dans sa dernière décision, s’est rattrapée. Tant mieux !
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE LA CEDEAO
Le retrait du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger de la CEDEAO prend effet à compter de ce jour, le 29 janvier 2025. Toutefois, dans l’esprit de la solidarité régionale et dans l’intérêt supérieur des populations, et conformément à la décision de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de maintenir les portes de la CEDEAO ouvertes au dialogue, les autorités compétentes à l’intérieur et à l’extérieur de l’ensemble des États membres de la CEDEAO sont priées et tenues de veiller au respect des mesures ci-après :
a) Reconnaître jusqu’à nouvel ordre les passeports et cartes d’identité nationaux portant le logo de la CEDEAO détenus par les citoyens du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger ;
b) Continuer à accorder aux biens et services provenant des trois pays concernés le traitement prévu par le Schéma de libéralisation des échanges (SLEC) et la Politique d’investissement de la CEDEAO ;
c) Permettre aux citoyens des pays concernés de continuer à jouir, jusqu’à nouvel ordre, du droit de circulation, de résidence et d’établissement sans visa, conformément aux protocoles de la CEDEAO en la matière ;
d) Apporter aux fonctionnaires de la CEDEAO des trois pays, un soutien et une coopération sans faille dans le cadre de leurs missions pour la Communauté.
Ces dispositions restent en vigueur jusqu’à l’adoption par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, des modalités complètes de nos relations futures avec les trois pays. La Commission a mis en place une structure pour faciliter les discussions sur ces modalités avec chacun des trois pays. Ce message est nécessaire pour éviter toute confusion et toutes perturbations dans la vie et les affaires de nos populations pendant cette période de transition.
29 janvier 2025