Militant de la nuance, architecte du vivre-ensemble, catalyseur d’engagement citoyen, Rock Segbe Hedagbe fait partie de ces jeunes leaders africains qui imposent leur voix sans jamais hausser le ton. À seulement 24 ans, il incarne une nouvelle génération de bâtisseurs sociaux : ancrés dans leur territoire, lucides sur les enjeux globaux, et engagés dans une quête permanente d’équité et d’impact collectif.

Une trajectoire forgée dans l’action
Né à Houègbo, au sud du Bénin, Rock grandit dans une commune rurale où peu osent rêver au-delà des champs de maïs. Lui, pourtant, se distingue très tôt par une soif d’agir et d’impacter. Collégien, il crée un club Hygiène et Santé, et devient Président du gouvernement scolaire de son établissement. C’est le début d’un parcours façonné par l’initiative et le sens du bien commun.
En 2016, il remporte la National Business Competition plan de Lokossa. Une reconnaissance précoce qui valide ses aptitudes managériales. Mais Rock ne s’arrête pas là. Il étudie la gestion des PME / PMI à l’Université d’Abomey-Calavi, à l’école VED (Volontariat Entrepreneurial et Développement), où il découvre les piliers de l’engagement citoyen : la redevabilité, le volontariat et l’action collective.
C’est là qu’il fonde Young Leaders of Benin, une plateforme aujourd’hui incontournable au Bénin, qui œuvre à la formation, la conscientisation et la mobilisation de la jeunesse autour des enjeux sociaux, écologiques et démocratiques.
Des causes incarnées, pas criées

Rock n’est ni un tribun en colère, ni un technocrate froid. Il pense et agit avec finesse. C’est notamment ce qui distingue son approche des violences basées sur le genre. Avec le programme HINNOU TCHIGAN, il propose un dialogue intergénérationnel et inclusif autour des rapports hommes-femmes. « La douleur n’a pas de sexe. Ce n’est pas parce que nous sommes femmes ou hommes que nous souffrons, mais parce que nous sommes humains », affirme-t-il.
Sa posture interpelle : il déconstruit les oppositions stériles, responsabilise sans stigmatiser. Il milite pour des transformations durables, en incluant tout le monde, y compris ceux que l’on désigne parfois comme « bourreaux ». Une démarche courageuse dans un paysage souvent polarisé.
Écologie, mérite, et justice sociale
Autre terrain d’engagement : l’écologie. Conscient de l’injustice climatique dont sont victimes les pays peu pollueurs comme le Bénin, Rock a lancé le programme Eco-Club, touchant déjà plus de 5 000 élèves des établissements publics. L’objectif ? Former une génération éco-responsable, actrice du changement.
Et puis, il y a son attachement à la méritocratie. Tout en saluant les efforts politiques pour plus de représentation féminine, il alerte sur les dérives des discriminations inversées. « Offrir une place à quelqu’un simplement pour cocher une case fragilise l’idée même de justice. Il faut outiller pour mériter, non compenser pour réparer », dit-il, en se souvenant d’un concours où une jeune fille arrivée quatrième a été promue à la place du troisième … parce qu’il faut avoir au moins une fille sur le podium.

Briser les silences : les violences faites aux hommes
C’est l’un de ses combats les plus tabous : les violences faites aux hommes. Il n’a pas peur d’aborder ce sujet souvent moqué ou ignoré. « Beaucoup d’hommes souffrent en silence. Ils ont été socialisés à se taire, à encaisser. Il faut leur redonner le droit à la vulnérabilité. »
Le succès du programme HINNOU TCHIGAN en est la preuve : de 87 jeunes mobilisés à ses débuts, ce sont aujourd’hui plus de 300 participants par édition, et des milliers rejoints à travers les réseaux sociaux. Plus qu’un événement, c’est un espace de guérison collective.
Ni pour les hommes, ni pour les femmes : pour l’humain
Rock Hedagbe ne veut pas choisir de camp. « Je ne suis pas pour les hommes ni pour les femmes. Je suis pour l’humain », martèle-t-il. Une vision qui dérange parfois, séduit souvent, mais surtout trace un sillon nouveau : celui de la co-construction sociale.
S’il rêve d’une famille épanouie, il rêve surtout d’un monde où l’on n’aura plus besoin de militer pour l’égalité, car elle sera devenue une norme. Son ambition académique ? Étudier le rôle du capital humain dans la prospérité des dynasties africaines : relier les liens invisibles entre héritage, résilience sociale et richesse.
Le militantisme du 21e siècle
Rock ne descend pas dans la rue. Il préfère les réunions, les cercles de dialogue, les plaidoyers argumentés. Il ne vocifère pas contre les institutions, il les interpelle avec respect et preuves à l’appui. Il remet en question sans rejeter, il nuance sans renoncer.
En cela, il représente un nouveau visage du leadership africain : ancré, audacieux, pacificateur. Un visage que l’Afrique d’aujourd’hui – et surtout celle de demain – gagnerait à mieux écouter et suivre l’exemple.