Le Bénin a des terres fertiles et le pays est bien arrosé dans l’ensemble. Pourquoi les prix des produits vivriers ne cessent de grimper ?
La hausse des prix des produits vivriers au Bénin, malgré des terres fertiles et un climat favorable, est liée à plusieurs facteurs :
Les problèmes dans la production agricole à savoir les faibles rendements agricoles dus aux techniques agricoles souvent rudimentaires, et un accès limité aux intrants modernes (engrais, semences améliorées) mais aussi le changement climatique caractérisé par les irrégularités climatiques (pluies tardives, sécheresses, inondations) affecte les récoltes.
Les infrastructures et logistiques inadéquates : Les routes rurales en mauvais état augmentent le coût de transport des produits agricoles vers les marchés urbains.
La multiplicité des intermédiaires de la chaîne de commercialisation qui augmente les prix pour maximiser leurs profits pourraient accentuer la hausse des prix surtout lors des périodes de pénurie.
La concurrence avec l’agriculture de rente (coton, anacarde) réduit la disponibilité des terres pour les cultures vivrières. Et enfin l’impact des marchés internationaux ; l’importation de certains produits peut perturber les prix locaux, tandis que la dépendance aux intrants importés rend les coûts de production élevés.
Les initiatives agricoles (fermes et exploitations) sont-elles suffisamment accompagnées par les pouvoirs publics ?
Les pouvoirs publics accompagnent les exploitants agricoles par des subventions agricoles, notamment la distribution d’intrants agricoles (semences, engrais, équipements) à des coûts subventionnés, la promotion de l’irrigation, avec quelques programmes d’aménagement des bas-fonds pour les cultures vivrières. Malgré les efforts pour dynamiser le secteur à travers le Plan Stratégique de Développement du Secteur Agricole (PSDSA) et les autres projets programmes, de nombreux défis restent. Les exploitants agricoles, notamment les petits producteurs, peinent encore à accéder au crédit agricole à cause de taux d’intérêt élevés et de garanties inaccessibles.
Qu’en est-il des résultats des recherches censés booster et améliorer la production agricole ?
Les résultats des recherches agricoles sont essentiels pour améliorer la productivité, la résilience et la durabilité de l’agriculture au Bénin. Cependant, leur contribution au secteur agricole reste souvent limitée par un financement insuffisant, la faible diffusion des résultats à cause d’un manque de vulgarisation, la faible adoption des innovations due à la résistance des agriculteurs à changer leurs pratiques traditionnelles, souvent par manque de sensibilisation ou de formation mais aussi à cause du coût élevé des technologies modernes pour les petits producteurs. Une autre raison pour la faible application des résultats de recherche est le manque de synergie entre chercheurs, agriculteurs, décideurs politiques et acteurs privés, ce qui limite l’impact des résultats sur le terrain.
La vallée de l’Ouémé que l’on dit très riche et très fertile, n’est pas suffisamment exploitée ? Ou est-ce un déficit de l’action publique ?
La sous-exploitation de la vallée de l’Ouémé est en grande partie liée à un déficit d’action publique coordonnée, notamment une absence d’aménagement (barrages, canaux d’irrigation, pistes rurales), une politique agricole générique qui ne cible pas spécifiquement la valorisation des atouts uniques de la vallée et à un manque d’investissements structurants. Avec des politiques adaptées, une meilleure gestion des ressources et une mobilisation des acteurs locaux, cette région peut devenir un pilier de la sécurité alimentaire et de la croissance économique du Bénin.
Le Bénin est-il à même de réussir l’autosuffisance alimentaire ?
Le Bénin dispose d’un potentiel agricole largement sous-exploité. Toutefois, des efforts concertés et des investissements significatifs sont indispensables pour surmonter les obstacles actuels. Avec une vision stratégique et un engagement à tous les niveaux, l’autosuffisance alimentaire peut devenir une réalité dans un horizon raisonnable.
Qu’est-ce qui explique le fait que les Béninois reçoivent des pays du Sahel notamment le Burkina et le Niger des produits comme la tomate, le piment et l’oignon ? Ne pouvons-nous pas les cultiver en abondance sur nos sols ?
Le fait que le Bénin importe des produits agricoles comme la tomate, le piment et l’oignon des pays du Sahel (notamment le Burkina Faso et le Niger) s’explique par une combinaison de facteurs économiques, climatiques, structurels et organisationnels. Bien que le Bénin ait le potentiel de cultiver ces produits en abondance, plusieurs défis freinent leur production locale comme les contraintes agro-climatiques locales. Bien que le Bénin ait des sols fertiles, certaines zones du sud du pays sont moins adaptées aux cultures comme l’oignon, qui nécessite des sols bien drainés. Les zones les plus favorables (ex. savanes au nord) ne sont pas toujours bien aménagées (insuffisance des infrastructures d’irrigation) pour une production maraîchère intensive. La dépendance à la pluie limite aussi les périodes de production, contrairement aux pays sahéliens qui utilisent largement l’irrigation. Cependant, des efforts structurés pour lever les contraintes actuelles, notamment en termes d’infrastructures, de technologies et une mobilisation des acteurs publics, privés et des producteurs pourrait en transformer le pays en un acteur majeur de la production maraîchère en Afrique de l’Ouest.
Que faire concrètement pour que nos sols nourrissent les Béninois en abondance ?
Le Bénin a tout le potentiel pour nourrir sa population en abondance grâce à ses ressources naturelles et humaines. Cependant, atteindre cet objectif exige une transformation structurelle du secteur agricole. Cela passe par des politiques adaptées, une modernisation des pratiques, des investissements dans les infrastructures, et une mobilisation des acteurs publics, privés et communautaires. Avec un effort collectif et une planification stratégique, le Bénin peut devenir un modèle de sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU