La quatorzième édition de la célébration de la journée internationale des travailleurs domestiques, le 16 juin écoulé, nous amène à la présente réflexion portant politique éducationnelle du gouvernement. Cela, pour définir la place que pourrait y prendre la formation du personnel domestique

Sauf déficit de documentation de notre part, tous les régimes qui se sont succédé ont fait feu de tout bois pour promouvoir l’éducation des citoyens aptes à recevoir un enseignement classique susceptible de les conduire à contribuer au développement de notre pays. Et il sied de reconnaître qu’ils ont réussi, le taux d’analphabétisation ayant régressé de façon soutenue. Le problème, c’est que l’on ne peut envisager le développement d’un pays avec les seuls cadres potentiels. Notre réflexion vise à faire toucher du doigt cette réalité. Nous commencerons par évoquer ce qui a été fait pour étendre l’éducation classique au plus grand nombre d’apprenants puis nous ferons cas de ses discriminations avec pour point de mire le développement du pays.
La massification scolaire
Jusqu’à présent, et à notre connaissance, les autorités qui nous dirigent ont privilégié cette politique. Il s’agit d’un processus qui vise à augmenter le nombre d’élèves dans les établissements scolaires classiques. Naguère fondamentalement élitiste, l’école était réservée aux enfants des parents à même de leur payer des études quand bien même leur coût paraîtrait aujourd’hui dérisoire à nos yeux. La résultante était que peu d’enfants avaient l’apanage de l’éducation scolaire. De nos jours, les autorités ont réussi à en faciliter l’accès au plus grand nombre. Elles y sont parvenues en rendant l’enseignement primaire gratuit, en le rendant obligatoire pour les enfants de 6 a 11 ans et en étendant la gratuité au second cycle du secondaire pour les filles. Elles ont par ailleurs, créé des cantines scolaires pour défrayer les parents et les encourager de ce fait à envoyer leurs enfants à l’école. Toutes ces mesures ont entraîné une réduction du taux d’analphabétisation de manière soutenue depuis les années 1990
Une massification démocratique décentralisée et éthique
En fait, la massification scolaire a été soutenue en filigrane par la valeur socio politique qu’est la démocratisation héritée de l’école nouvelle depuis 1975. D’élitiste qu’il était, l’enseignement est devenu populaire ainsi que le requiert notre Constitution qui évoque le droit de tout citoyen à une éducation de qualité. Alors, le gouvernement a pris des mesures pour décentraliser et rapprocher l’éducation des communes. C’est ainsi qu’il a créé des lycées techniques et professionnels au niveau de ces entités administratives. Notre pays compte également des lycées agricoles. Au reste, l’éducation s’est doublée d’éthique. A ce titre, le gouvernement a procédé à l’instauration des classes socio éducatives qui visent à promouvoir l’éducation aux bonnes valeurs comportementales et patriotiques, à la culture de l’excellence, au travail et à la citoyenneté.
Le point des mesures incitatives et les discriminations
- Tout ce qui précède est fort admirable, mais la formation du plus grand nombre reste adossée à un système classique conçu essentiellement pour des apprenants avec un quotient intellectuel estimé suffisant pour entreprendre des études classiques. Mais a-t-on prévu pour ceux – là qui, bien que ne répondant pas à cette exigence, contribuent quand bien même indirectement au développement du pays par leur travail au service de ceux qui s’y engagent directement ? Les gens de maison sont des personnes au service de tiers. Appel leur est fait pour tenir une maison, ce qui englobe toutes activités nécessaires pour qu’un foyer fonctionne bien et soit un lieu de vie agréable. Il implique l’entretien général, la gestion des tâches ménagères et la cuisine. A ces corvées, s’ajoute quelques fois la veille à la bonne éducation que les parents donnent à leurs enfants quand ils sont en dehors de leur domicile notamment pour raison d’ordre professionnel contributif au développement du pays. Véritables assistants incontournables des familles qui sans eux, ne peuvent s’investir dans une quelconque activité en dehors de leur domicile. Voilà une classe de citoyens au bas de l’échelle sociale qui travaillent à permettre à l’autre classe de se hisser au sommet de la même échelle. De quelle manière lui rend -t-on la pareille ? La moindre des choses que l’on puisse lui revaloir, c’est un salaire décent. L’Etat a fixé pour l’ensemble des travailleurs un salaire minimum interprofessionnel garanti qui est de 52 000 francs depuis janvier 2023. Il faut dire qu’en dehors des sociétés, la moyenne des employeurs notamment les retraités ne peuvent y faire face en raison de leur faible pouvoir d’achat. Et pour s’y soustraire à bon compte, ils se gardent de recruter des salariés et se contentent d’occasionnels permanents, c’est- à -dire d’un personnel qui travaille un certain nombre de jours fixes dans la semaine. Le résultat en est que le personnel domestique se voit contraint de travailler dans deux ou trois maisons à la fois pour pouvoir joindre les deux bouts et survivre ; cela n’est pas digne outre le fait qu’il est exténuant.
Ce que nous proposons pour ce personnel
S’il est vrai que les employeurs tirent profit du bas niveau intellectuel des gens de maison pour les mettre à leur service, ne pourraient-ils tout au moins par solidarité citoyenne, contribuer quelque peu au relèvement de leur niveau de connaissances dans leur domaine d’activité, puis dans le cadre d’une culture générale accessible à tous ? Lorsque l’employeur explique de la manière qui convient à son cuisinier la raison médicale pour laquelle celui- ci ne devrait pas mettre beaucoup de sel dans le repas qu’il lui prépare, il étoffe sa connaissance professionnelle. Lorsqu’il le convainc du fait qu’il vaut mieux avoir peu d’enfants et se donner ainsi les meilleures chances de mieux prendre soin d’eux, l’employeur élève sa conscience sociale de chef de famille. Lorsqu’il l’informe de ce qu’a été la Conférence des Forces vives la nation, l’employeur noue avec le personnel domestique des relations de solidarité citoyenne. Pourquoi alors ne pas, dans une directive citoyenne du Ministère du Travail et de la Fonction Publique conscientiser les employeurs et les exhorter à participer par solidarité citoyenne à l’élévation du niveau intellectuel de leurs employés ? Ces derniers ne les quitteront pas pour autant.
Nous suggérons en outre que l’État organise des formations sous forme de stage d’une quinzaine de jours, en langues française et nationales selon les régions, pour former au métier de personnel de maison. Ladite formation devra être gratuite et dispensée par le Fonds de développement de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage (FODEFCA ) dont le rôle est de mettre sur le marché de l’emploi une main d’œuvre qualifiée. Pour la petite histoire nous nous permettons et nous avons le plaisir de rappeler que nous avions suggéré la création de cette institution à l’image du Fonds de développement de la formation professionnelle (FDFP) de Côte d’Ivoire lorsque nous y étions en qualité d’ambassadeur du Benin. Le Ministère du Travail et de la Fonction Publique devrait l’instruire en ce sens. A terme, aucun employeur ne devrait plus faire appel au service d’un employé de maison qui n’aura pas suivi la formation susvisée. Le métier gagnera en dignité et les gens de maison n’auront plus le sentiment d’être laissés pour compte ni d’être les rebuts de la société.
Ambassadeur AHOUANSOU Candide