La consultation du fâ a relancé un débat vieux comme la démocratie. Celui de la limitation des mandats à deux, dans les fonctions de chef de l’Etat du Bénin. Les allusions mal dissimulées de l’un des prêtres qui croyait faire plaisir au maître de céans, en affirmant que ce serait une erreur de le laisser partir après ses deux mandats constitutionnels bientôt clôturés, ont indisposé plus d’un. Deux actes de portée élevée ont désavoué l’intéressé. D’abord, un communiqué par lequel, les membres du comité d’experts auquel il appartient, se sont désolidarisés de son interprétation tendancieuse. Ensuite, la cinglante réplique du porte-parole du gouvernement qui a démenti toute velléité de rempiler de la part du chef de l’Etat.
Il n’y aura donc pas de troisième mandat. Et pour preuve, devant un parterre de jeunes africains réunis à Cotonou il y a quelques années et, en prenant la communauté nationale et internationale à témoin, Patrice Talon avait rappelé les progrès démocratiques du Bénin, qui l’obligeaient à respecter les dispositions de la loi comme ses prédécesseurs, en s’interdisant de tripatouiller la constitution pour obtenir un troisième mandat. Cela n’a pas suffi. Il a fait graver dans le marbre de la Constitution en vigueur qu’aucun Béninois ne saurait exercer plus de deux mandats de sa vie. Manifestement, cela n’a toujours pas rassuré puisqu’il a fallu, devant un aéropage d’éminents journalistes du pays, expliciter de façon à clôturer le débat, les raisons qui fondent son engagement à ne pas chercher à exercer un troisième mandat. On dirait bien qu’il n’a toujours pas convaincu.
Mais pourquoi ce vieux débat revient-il systématiquement à chaque fin de cycle de deux mandats présidentiels depuis le début de l’ère du Renouveau démocratique ? C’est parce que, en réalité, le principe de la dévolution du pouvoir, exclusivement par les urnes n’est toujours pas un acquis dans notre pays. Nous avons traversé ces dernières décennies avec la même mentalité rebelle, intrigante et complotiste. La démocratie électorale est passée sur nos têtes sans s’enraciner dans notre esprit. Et certains parmi nous n’ont jamais renoncé au fond, à saisir toutes les opportunités pour prendre le pouvoir, y compris par une remise en cause de l’ordre constitutionnel.
En clair, s’il y avait un coup d’Etat au Bénin demain, la jubilation serait à son comble. Les démocrates convaincus et inconsolables seraient bien peu nombreux. Parce que l’ardoise serait effacée pour les uns, les poursuites pour les autres, et les avantages et autres privilèges, rétablis pour d’heureux jouisseurs. Et dans tous les cas, on n’aura plus besoin de passer par la case pleine d’embûches et d’incertitudes de 2026 pour redistribuer les cartes. C’est dire que le pouvoir tout de suite et à n’importe quel prix, ça reste encore le grand rêve de nombreux hommes politiques béninois, trente-quatre années après la conférence nationale des Forces vives. Voilà le Bénin du Renouveau démocratique, comme il va.
Anicet OKE