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Benoit Assouan DEGLA, Député du Bloc Républicain, revient sur les grandes questions de l’actualité politique et sécuritaire du Bénin. Dans cet entretien, il exprime son ressenti sur les récentes attaques terroristes à Banikoara, aborde la situation sécuritaire du pays, ainsi que la politique interne de la mouvance présidentielle. À propos des primaires au Bloc Républicain, il évoque la rigueur des règles du parti et le processus de sélection des candidats. Enfin, il réagit aux turbulences au sein de la mouvance, notamment la condamnation de certains de ses membres et les dissensions internes, tout en soulignant l’importance de maintenir la cohésion pour réussir les enjeux électoraux à venir.
Benoit Assouan DEGLA, Député membre du Bloc Républicain, vous êtes là pour qu’on fasse un tour d’horizon de l’actualité politique et sécuritaire nationale. Et parlant justement de l’actualité sécuritaire, vous l’avez certainement appris. Nouvelle attaque à Banikoara avec des soldats béninois tués à l’occasion, même si du côté des agresseurs, on a enregistré une vingtaine de morts, première réaction ?
C’est très difficile en pareille circonstance de prendre la parole surtout qu’en l’espace d’un mois, nos Forces de défense et de sécurité ont été durement éprouvées. C’est l’occasion pour moi de m’incliner sur la mémoire de nos compatriotes tombés sur le champ d’honneur avec beaucoup de bravoure. On leur demande beaucoup parce qu’ils veillent sur notre sécurité, ils ont fait le serment de défendre le pays jusqu’au sacrifice suprême ; ils méritent toute notre admiration. Il reste à souhaiter que nous puissions surmonter cette épreuve et nous réarmer davantage, pouvoir sécuriser notre pays ; et en cela je pense que le gouvernement et l’Etat-Major Général font le nécessaire pour que ces zones à risques puissent être contenues et que nous puissions faire face rigoureusement et efficacement aux attaques de ces jihadistes-là. Nous sommes livrés malheureusement à une guerre asymétrique. Ce n’est pas à une organisation conventionnelle que nous faisons face. Tous les jours, il nous faut être sur le qui-vive. Ils prennent pour lieu de prédilection, cette zone de Banikoara, je crois la borne B en passant par le point de Mékrou, jusqu’au point Triple, ça veut qu’il y a encore beaucoup de choses à voir là.
Pour vous qui aviez été au cœur même du dispositif sécuritaire au plan national, Ministre en charge de la sécurité publique, qu’est-ce qui à votre avis peut expliquer ce genre de revers de l’armée béninoise. Effectifs en moins ? Personnel qui n’est pas bien formé ? Manque de moyens, de stratégies ? Qu’est-ce qui se passe en réalité ?
Je vous ai parlé d’une guerre asymétrique. Donc, ce n’est pas une armée que vous avez en face de vous. En plus, les opérations des terroristes ont lieu dans des zones frontalières. Nous sommes, je crois, à 6km du Burkina Faso. Il leur est loisible de venir s’attaquer à nos positions et de retourner rapidement, se fondre dans la masse. Hors, nos voisins sont dans une autre stratégie de défense de leur territoire ; ils envoient presque toutes les Forces vers la zone des trois frontières un peu au Nord, délaissant ainsi le sud et ça laisse le temps aux terroristes au Sud, de s’organiser et de s’attaquer à notre armée. Depuis un certain temps, nous n’avons plus la collaboration qu’il faut avec ces différents pays, ces différentes Forces pour mieux échanger sur le plan des renseignements et c’est très important. On ne gagne pas une guerre contre les terroristes sans le renseignement. Aujourd’hui l’Etat béninois est en train de très bien s’équiper. Il va falloir que les vecteurs aériens jouent un rôle fondamental parce que venir en plein jour et s’attaquer à une base armée, c’est quand même assez osé. Certainement qu’ils connaissent quelques-unes de nos faiblesses. Si nous avons des vecteurs aériens, des radars de surveillance, je pense que ça permettra à défaut d’éradiquer le mal, de les affaiblir considérablement. Lors de la dernière attaque en Janvier, des recommandations ont été faites à savoir qu’il faut revoir le partenariat avec les pays frontaliers…
Mais le Chef d’Etat-Major Général a déclaré que les militaires des 3 pays se parlent et que la mésentente est politique et ne concerne que les politiques »
Bien sûr. Le Chef d’Etat béninois a été au Burkina Faso et a rencontré son collègue à deux reprises et je crois que là c’est politique encore une fois. Il fallait qu’il puisse être compris par son interlocuteur. La volonté de notre côté est bien exprimée. Mais si d’autre part, on reste dans la logique que nous sommes en face d’un pays agresseur, un pays qui abrite des bases militaires, c’est difficile que nous puissions parler et avoir le même langage. C’est vraiment difficile mais nous ne devons pas abandonner. Il va falloir continuer dans ce même sens. Travailler déjà avec les pays qui partagent des frontières avec nous, en attendant que ceux du Nord acceptent de coopérer.
Revenons à l’actualité politique et là justement celle qui nous tient à cœur, c’est la désignation prochaine et très attendue du duo de candidats pour la mouvance. Comment ça se passe au niveau du Bloc Républicain, vous serez candidat ?
Euh je n’envisage pas mais vous savez que nous sommes un parti politique sérieux, nous avons des règles qui disposent de comment on peut se présenter à la candidature et cela est en cours. Si le duo Président et vice président doit être connu en Mai ou avant Octobre, le BR ne va pas rester les bras croisés, il va participer activement au choix qui sera fait.
Que disent les textes du BR à ce propos ?
Vous avez vu les réactions au niveau du BR lorsque certains militants ont tenté de violer les principes fondamentaux du système partisan, de violer la discipline du groupe. Ils ont été exclus ; parce que cela ne se permet pas. Nous avons les textes, on doit les respecter. Il y a des instances qui décident en son temps de qui peut être retenu comme candidat. Ça va s’ouvrir et les manifestations de candidatures se feront ; le choix se fera pour une proposition à la famille de la mouvance présidentielle.
La mouvance qui est ébranlée par une affaire, la condamnation de deux de ses membres éminents : Olivier BOKO qu’on ne présente plus et Oswald HOMEKY longtemps patron des sports dans la gouvernance Talon, Comment réagissez-vous à cette actualité ?
C’est dramatique, ce qui s’est passé, parce qu’on ne peut pas avoir fait tout ce travail depuis longtemps et oser passer à des actes aussi horribles. Vous savez, si ce qui était projeté pour le 27 septembre avait eu lieu, peut-être que nous ne serions pas ici aujourd’hui. Vouloir mettre entre parenthèses l’ordre constitutionnel, c’est quelque chose à bannir définitivement de la culture politique béninoise. Vous avez vu par vous-même comment la situation s’est aplanie au niveau des populations. Même ceux qui avaient des doutes et qui pensaient à d’éventuels montages, se sont retirés et restent aujourd’hui convaincus que ce qui a été fait est suffisamment grave. La preuve, c’est que les juges dans leur intime conviction, n’ont pas retenu les 10 ans requis par le Ministère public. Ils ont plutôt condamné à 20 ans, avec de lourdes amendes.
Vous étiez encore Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique quand l’affaire de tentative d’empoisonnement est intervenue sous Yayi. Dans l’opinion publique, on est resté un peu dubitatif. Je me rappelle bien que le communiqué du Clergé catholique vous a beaucoup énervé dans le temps. Tout comme aujourd’hui, personne ne semble vraiment croire à une affaire de complot contre l’autorité de l’Etat. Après 30 ans de Démocratie, est-il encore possible que des militaires béninois pensent arracher le pouvoir par un coup de force ?
Les exemples sont légion autour de nous, on est tenté de voir ou d’envisager cela. Dans le développement qui a été fait, c’est l’image d’un coup d’Etat où il s’agira de mettre entre parenthèses le Chef d’Etat et la suite, on a vu. Vous savez, rien n’est exclu aujourd’hui, et c’est dommage parce que dans la sous-région, nous avons 4 régimes militaires. Nos Forces armées fort heureusement, sont formées et la Conférence des Forces vives de la nation constituent un bréviaire pour elles qui ont pris l’engagement de rester dans les casernes.
Oui, les tentatives de coup d’Etat et d’empoisonnement, c’est vrai il peut y en avoir. Vous savez au temps du Président Boni Yayi, avec son frère et ami, le Président Patrice Talon, le juge Angelo Houssou a déclaré un non-lieu pour le dossier, parce qu’il n’y avait pas eu commencement d’exécution de l’acte. Et quand ça a été dit, tout le monde a respecté la décision de justice. Le cas n’est pas le même aujourd’hui. Tous les éléments constitutifs de complot contre l’autorité de l’Etat étaient réunis en l’espèce. C’est ça qui fait qu’on ne peut pas comparer les deux cas.
Ce sont deux acteurs de la mouvance mais c’est l’UP R qui est plus concernée, vous devez vous frotter les mains au niveau du BR que l’autre côté s’affaiblisse ?
C’est certes la politique mais ce n’est pas bon pour nous de rester observateurs joyeux, parce qu’il s’agit de la même famille et à la veille d’échéances électorales aussi majeures que celles de 2026, on a besoin de resserrer les rangs, de consolider la cohésion et de faire en sorte que le mur ne soit pas lézardé. C’est cela qu’il faut craindre. Nous sommes peinés de voir ce qui se passe mais en même temps, nous sommes rassurés que les leaders UPR et BR sauront trouver les formules nécessaires et constituer une famille afin de passer en toute beauté, les échéances politiques de 2026.
Il faut reconnaitre aussi que chez vous au BR, on n’est pas vraiment tranquille. Samou Adambi, un poids lourd très actif vient de subir la foudre non seulement de son creuset politique mais aussi de son chef et depuis, on n’a pas vraiment une idée claire de ce qu’il a fait. On a dit qu’il est sorti des lignes tracées par le Parti ?
Oui, c’est une faute lourde. Installer des structures parallèles à celles du Parti et faire passer le message qu’on est un successeur annoncé, c’est déstabiliser la base, parce que nous avons besoin de mobiliser cette base, de la mettre en état de veille quotidienne et permanente. Et lorsqu’un responsable du parti à ce niveau-là, arrive avec des idées qui sont contraires à celles du parti, le laisser là, c’est compromettre dangereusement le devenir de notre parti. Voilà pourquoi le Bureau exécutif s’est réuni, a pris la décision et le Bureau politique a tranché, prononçant sa suspension des instances du parti
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Dans le BR, on a l’impression qu’il y a une politique du Deux poids, deux mesures. Il y a certains du parti qui s’éloignent de la ligne du parti, qui suscitent un 3ème mandat pour Patrice Talon. Ils ont même menacé de faire descendre les populations afin qu’elles marchent sur la Cour constitutionnelle. Ils ont saisi ladite Cour pour qu’elle trouve des arguments pour permettre justement l’avènement de ce 3ème mandat. J’ai écouté du côté du BR, Silence radio. C’est conforme à vos lignes ?
Pas du tout. Heureusement que ceux-là dont vous parlez, n’agissent et ne le disent pas au nom du BR. Il y en a qui se reconnaissent comme simples militants du BR. C’est ça la différence. Ils ne vont pas voir les populations pour dire ‘’au nom du BR, nous voulons ci ou ça…’’. Ils y vont et se prononcent en leurs propres noms. Vous avez donc compris que les différents recours formés devant la Cour ne concernent pas le BR … Même si nous ne disons rien au BR, ils savent qu’il y a des lignes à ne pas franchir. Et vous constatez avec moi que toutes les tentatives devant la Cour se sont révélées vaines. C’est simplement un marché de dupes.
Je pense qu’il faut s’en tenir fermement à ce qu’a dit le porte-parole du gouvernement parlant des intentions du Président de la République. Patrice Talon a eu l’occasion lors de la mandature passée de modifier la Constitution à volonté. On ne l’a pas fait, bien au contraire ! Il a tout corsé, tout verrouillé. Je suis de ceux qui ont voté ladite loi en son temps. Il n’a pas permis que quelque chose puisse constituer un soupçon pour un éventuel prochain mandat. Cet homme a de la valeur. Patrice Talon voudrait sortir par la grande porte après avoir grandement révélé le pays. Je ne pense pas que ces agitations soient de nature à ébranler le Président Talon, Non ! Il y en a qui ont envie de parler, d’animer, qu’ils le fassent !!!
Dernièrement une sortie de Maitre Adrien Houngbédji a suscité la polémique et surtout une tempête d’injures et de noms d’oiseaux. Qu’en dites-vous ?
Là encore, je suis triste parce que ça se passe au niveau des partis politiques membres de la majorité présidentielle. Et nous n’avons pas intérêt à ce que là où nous sommes aujourd’hui, on s’entredéchire. Tout le monde dit connaitre le Président Adrien Houngbédji. Oui, on l’a vu en 2016, à l’arrivée du Président Talon, on a vu la position qu’il avait prise aux côtés de Zinsou, alors même que son élection à la Présidence de l’Assemblée a été possible grâce aux efforts de Patrice Talon. Quand le régime Yayi est parti, on a entendu ses critiques…
Au-delà de la sévérité, de la rudesse des mots pour qualifier le président Houngbédji, nous devons voir que nous sommes une grande famille et que dans les tout prochains mois, nous avons un combat d’ensemble à mener. Nous devons donc pouvoir taire ses dissensions et nous consacrer à l’essentiel. Je me réjouis que le Porte-parole du Parti UPR ait dit que c’est désormais du passé. Ça veut dire qu’un travail a été fait pour qu’on puisse dépasser ces considérations. Si on n’y prend garde, cela peut faciliter le passage dans le mur, des lézards ; je veux parler de l’opposition. On n’a pas besoin de ça
On a vu comment le Parti FCBE auquel vous avez appartenu a terminé après le départ de Boni Yayi du pouvoir, est-ce qu’on n’a pas là les prémices d’une déchéance de la mouvance présidentielle, si Patrice Talon partait ?
Oui, ça c’est le propre des fins de mandat. Pour nous qui voulons conserver le pouvoir, nous avons intérêt à ne pas céder aux crises, à plutôt demeurer forts. Face à la mouvance présidentielle aujourd’hui, je ne vois pas quelle force peut véritablement nous ébranler, qui peut nous empêcher d’atteindre nos objectifs
Mais vous étiez aussi confiant en 2016, et les populations ont choisi autre chose ?
Oui, mais aujourd’hui, la donne a changé. L’espoir donné aux populations avant 2016 n’a pas été satisfait. Aujourd’hui, on va parler il est vrai, de la cherté de la vie, mais nous allons parler de la grande visibilité de notre pays. Soit on choisit de nous enfermer dans la satisfaction juste du social et on ne construit pas le pays. Si non, lorsqu’on construit des centres de santé, on fournit de l’eau potable aux populations partout, lorsqu’on construit des routes, est-ce que ce n’est pas les problèmes sociaux qui sont ainsi réglés ?
L’eau qu’il fallait se lever tôt le matin, pour se procurer dans les collines d’où je suis originaire, est aujourd’hui disponible au robinet. Le transport des marchandises est aussi facilité grâce aux infrastructures routières. Que dire des Centres de santé avec des plateaux techniques modernes disponibles. N’est-ce pas là le social ? Les problèmes sociaux sont transversaux, ce qui n’est pas malheureusement pas perçu comme tel. Et c’est bien dommage !!!
Transcription : Ange M’poli M’TOAMA
Source : Canal 3