Depuis le 04 octobre 2024 au 05 janvier 2025, plus d’une centaine d’œuvres de 48 artistes contemporains béninois se côtoient à la Conciergerie de Paris. Emblématique monument du pouvoir des rois capétiens, puis tribunal pendant la Révolution française, la Conciergerie de Paris qui abrite l’exposition : Révélation ! Art contemporain du Bénin est un édifice chargé d’histoire. Le choix de ce bâtiment dans le cadre de cette exposition n’est pas anodin. Il rappelle la rencontre de deux civilisations à travers les œuvres d’art contemporain du Bénin qui racontent l’histoire dans un lieu historique. C’est aussi la démonstration d’une coopération culturelle bilatérale renforcée par la restitution des trésors royaux au Benin par la France.
Elie AFFOUDA (coll)
A travers une diversité de médiums et de supports, les artistes béninois aux profils variée, révèlent les traditions royales, les croyances ancestrales (vodun) et la créativité moderne du Bénin au public. De la peinture au stylisme, en passant par la photographie, la sculpture, le dessin, l’installation, la performance, la vidéo et le design, l’exposition offre une vue panoramique sur l’art contemporain du Bénin tout en mettant en exergue l’influence de son histoire sur la perception des artistes. Utilisant leur créativité pour établir une connexion entre le monde des morts et celui des vivants, les artistes ont exhibé la richesse de la culture béninoise. Les différents tableaux et portraits bordent des articles de presse et de publicité, mais aussi des objets du quotidien, sans oublier les contenus audios et multimédia. Le figuratif ou encore l’impressionnisme ont permis aux artistes de peindre non seulement la place des jumeaux dans la société béninoise, mais aussi celle de la femme en lien avec la fertilité. Le pouvoir de la métamorphose, l’importante place de la femme dans la gestion du pouvoir traditionnel, l’esclavage et ses corollaires, les difficultés de la vie quotidienne sont, entre autres, les thématiques présentes dans cette exposition.
Aux amateurs et passionnés de l’art et de la culture, l’exposition offre l’opportunité de trouver un moyen de divertissement à travers diverses expressions artistiques. Quant aux acteurs culturels, aux professionnels de l’art et de la culture, ils y trouvent des outils didactiques, de la matière pour alimenter le débat sur l’art contemporain africain et des objets de recherche sur l’histoire et la culture béninoise.
Les trois moments forts de l’exposition
Dans l’intention de rendre le contenu de l’exposition accessible à tous, les curateurs de l’exposition ont choisi de la montrer en trois scènes. Chacune de celle-ci est marquée par une variation de couleur ou du décor auquel les amateurs ne prêtent forcément pas attention. En visitant cette exposition, les observateurs avertis y décèlent trois différentes scènes. D’un côté, des déesses et des dieux entraînent le visiteur dans un univers mystique, dominé par le culte vodun et l’esprit des morts. Ici, que l’on soit croyant ou athée, on aperçoit deux mondes différents.C’est peut-être ce que Platon qualifiait du monde intelligible et du monde obscur. Une résonance comme celle d’une voix intérieure relate les déboires de son séjour terrestre, est-ce une réincarnation, un cauchemar ou la rencontre avec les esprits ? C’est la magie de l’artiste qui a tendance à transporter le visiteur dans un voyage inattendu à la rencontre des croyances ancestrales béninoises. Cette première partie de l’exposition témoigne de l’influence des religions traditionnelles sur la création artistique contemporaine.
La seconde scène de l’exposition met le projecteur sur les souverains du royaume du Danxomè avec un accent particulier sur l’exceptionnel règne de la sœur jumelle du roi Akaba, la reine Tassi Hangbé (1708-1711), longtemps effacée de la liste des rois. Inspirés par le prestige, le succès et la puissance de ses rois, les artistes béninois trouvent le moyen de les immortaliser à travers l’art contemporain.
Aussi profonde que touchante, la troisième scène interpelle le public sur les questions d’actualité relatives à la modernité et à la mondialisation. Sur cette dernière scène, les représentations montrant la peine, la joie, l’espoir et le désespoir s’entremêlent. Ce parcours présente aux visiteurs les liens entre le passé et le présent, les traditions et les pratiques nouvelles.
Le commissariat de l’expo
La finesse de l’exposition tient à la qualité de ses commissaires, qui ont déjà donné les preuves de leurs performances à plusieurs occasions. Yassine Agnikè Lassissi, directrice du département arts visuels de l’ADAC, a été commissaire de l’exposition « Art contemporain du Bénin » à Cotonou, à Rabat, à Fort-de-France et commissaire associée du pavillon du Bénin à la Biennale internationale d’art de Venise en 2024. Quant à Emmanuel Daydé, historien de l’art qui éprouve un plaisir particulier pour l’art et les cultures extra-européennes, il a coordonné la direction générale de saisons culturelles à Paris : sur le Vietnam, Haïti, le Maroc ou le Brésil. Il a également été commissaire de l’exposition Ousmane Sow sur le Pont des arts en 1999 et du Pavillon de Madagascar avec Joël Andrianomearisoa à la Biennale de Venise en 2019.
Faut-il le rappeler, l’exposition : Révélation ! Art contemporain du Bénin n’est pas à sa première présentation au public. Elle a été présentée pour la première fois au Palais de la Marina à Cotonou en février 2022 dans le cadre de la restitution des trésors royaux sous le thème « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation : Trésors royaux et Art contemporain du Bénin ». Suite à son succès, cette exposition a entamé son itinérance au musée Mohammed VI à Rabat en janvier 2023, à la Fondation Clément en Martinique en décembre 2023, puis à la conciergerie de Paris en Octobre 2024.