Alimentation équilibrée des enfants à Tchaourou: Koukiri, une référence en matière de nutrition 

(Une résilience portée par le ‘‘Club des pères’’)

Dans certaines localités du Bénin où la malnutrition des enfants est endémique, une fait exception à la règle. Il s’agit de Koukiri où la lutte pour une alimentation équilibrée est une priorité pour le ‘‘Club des Pères’’. Du fœtus à la naissance, chaque étape de l’enfant est minutieusement suivie, ce qui confère à la localité une notoriété.

Patrice SOKEGBE

17 Décembre 2024. Nous sommes à Koukiri, village de Kinoukpanou dans l’arrondissement de Tchatchou, commune de Tchaourou à moins de 400 km de Cotonou. Il est 16 heures. L’harmattan sévère n’empêche pas les populations, majoritairement constituées de Peulhs, d’accueillir l’équipe de l’Unicef avec ferveur. Mais ce qui retient plus l’attention, c’est le calme, la propreté et surtout l’ordre qui règnent dans ce village. Visiblement, tous les enfants paraissent bien portants. Tous débordent d’énergie et ne présentent aucun signe de maladie ni de malnutrition, contrairement à leurs parents qui paraissent maigrelets. Pour preuve, tous les jours, ces enfants sont soumis à un test de dépistage de malnutrition, ceci à l’aide du périmètre brachial qui renseigne que les indicateurs sont au vert. Les signes physiques et cliniques de chaque enfant sont régulièrement passés aux peignes fins. A ce sujet, Sahadatou Sanni, ménagère confie : « On a appris qu’on doit donner uniquement le lait maternel à notre enfant pendant 6 mois. Cela assure la croissance normale de l’enfant et évite certaines maladies à la longue. Après 6 mois, nous avons des aliments de croissance, de force et de protection que nous donnons aussi à nos enfants. Tout ceci a été possible grâce à l’Unicef qui nous aide énormément ».

Les femmes enceintes, quant à elles, sont régulièrement suivies pour les Consultations prénatales jusqu’à l’accouchement. « Quand nous sommes enceintes, l’un des responsables du village nous recommande d’aller régulièrement nous faire consulter au centre de santé pour protéger le fœtus. Il veille à ce que nous prenions nos comprimés. Même à l’accouchement, il y a un autre responsable qui insiste que nous donnions le premier lait maternel au nouveau-né. Je dois avouer que nos époux nous accompagnent beaucoup ici… », déclare dame Zalia, une femme ménagère de Koukiri. De plus, ces habitants veillent au respect des règles d’hygiène élémentaire. Il y a un dispositif traditionnel de lavage de main. Contrairement à d’autres localités, Koukiri a conjugué le phénomène de défécation à l’air libre au passé. En un mot, ce village est une référence en matière de nutrition.

Des Super-Papas à Koukiri !

Pour remporter ce pari d’un Village avec zéro enfant malnutri, les hommes de Koukiri ont été d’un apport remarquable. Aux côtés de leurs femmes, ils relèvent le défi des bonnes habitudes alimentaires et d’hygiène en milieu rural. Selon la chargée du projet de l’Ong Sianson, Véronique Tineponanti, la mise en place du ‘‘Club des Pères’’ a été un tournant décisif dans l’exécution du projet. « Lorsque nous sommes en situation de visite à domicile, on s’est rendu compte qu’il y a des mères qui n’arrivent pas à allaiter convenablement leurs enfants parce qu’elles n’ont pas suffisamment de temps pour le faire. Il y a des femmes qui n’arrivent pas à aller faire les Consultations Prénatales si le mari ne donne pas l’autorisation. Il y a des femmes qui ne peuvent même pas dire qu’elles vont faire l’allaitement maternel exclusif, si la grand-mère ne donne pas son autorisation », déplore-t-elle. Après des échanges avec les hommes, poursuit-elle, ils se sont rendus compte que leurs épouses s’occupaient toutes seules du ménage et des enfants. Ainsi, ils ont décidé de les aider en créant le ‘‘Club des Pères’’. Au nombre de ceux-ci, il y a entre autres Papa hygiène, Papa Consultation Prénatale (Cpn), Papa Mise au Sein Précoce (Msp), Papa Alimentation Complémentaire Adéquat, Papa Allaitement maternel exclusif et Papa Vaccination.

Ainsi, le rôle de ‘‘Papa Allaitement Maternel Exclusif’’ est de veiller à ce que les enfants de moins de 6 mois prennent uniquement le lait maternel. « Cette phase est capitale pour l’enfant car, c’est le lait maternel qui donne la croissance aux enfants afin qu’ils évitent certaines maladies. Ce lait contient tous les nutriments capables de nourrir de façon plus équilibrée », ajoute Benjamin Gansari, Papa Allaitement Maternel Exclusif. Quant à Ibrahim Sanni dit Papa MSP, il clarifie : « Je sensibilise les femmes de Koukiri à donner le premier lait à leurs bébés, une heure après l’accouchement. Ce premier lait aide l’enfant à libérer les premières matières fécales qui sont généralement noirâtres, et à croître sans difficultés. Aussi, ce premier lait aide à arrêter le saignement chez la femme ». De son côté, Alpha Djabi, dit Papa Vaccination, organise fréquemment des séances de sensibilisation sur l’importance de la vaccination au profit des enfants et invite les femmes à respecter le calendrier vaccinal.

Joseph Adamou, dit Papa Alimentation Complémentaire Adéquat, s’emploie de son côté à indiquer aux femmes l’importance des repas équilibrés à partir des aliments locaux vecteurs de force, de croissance et de protection. A ce sujet, il a représenté une alimentation équilibrée par une maison où les aliments de force tels que les céréales et féculents représentent la fondation, le mur est caractérisé par les aliments de croissance tels que les protéines animales et végétales et le toit qui désigne les fruits et légumes. Dans une démonstration culinaire, Joseph Adamou a prouvé qu’il est bien possible d’adopter des habitudes alimentaires saines à partir des ressources locales disponibles. En somme, le fort engagement communautaire n’est pas passé inaperçu.

Un travail de longue haleine

Cependant, si la performance de Koukiri est aussi remarquable en termes de « Village avec zéro enfant malnutri », c’est grâce aux efforts conjugués de l’Ong Sianson et de la zone sanitaire de Tchaourou, avec le soutien technique et financier de l’Unicef et de Power of Nutrition. En effet, l’expérience ‘‘Koukiri’’ est le fruit de la mise en œuvre du projet « Promotion et Consolidation des bonnes pratiques d’hygiène, d’assainissement et d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans 282 localités rurales de la commune de Tchaourou » où les enfants de 0- 59 mois, les femmes enceintes et les mères d’enfants de 0 à 23 mois sont pris en compte.

Pour Gaëlle Logozo, Chargée de nutrition à l’Unicef, ce projet a impacté plus de 4000 localités réparties dans 679 villages. Sur ces localités, certaines se sont démarquées par leurs engagement. « Nous avons réussi à avoir cette appropriation de tout ce que le projet prônait comme bonnes pratiques en termes d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. On a traduit à travers un modèle appelé ‘‘Village Propre avec zéro enfant malnutri’’. Ce sont des villages qui ont réussi à atteindre un certain nombre d’indicateurs de santé sur l’état nutritionnel des enfants », a-t-elle expliqué, tout en précisant qu’il y a moins de cas de malnutrition, comme l’assainissement dans ces localités. « Chaque ménage dispose de latrine. Ils ont mis en place des initiatives communautaires comme des jardins de case. Ceci à l’existence des groupes de soutien et des ‘‘Clubs des Pères’’. C’est pour nous une grande joie, d’avoir pu implémenter ce projet surtout dans la commune de Tchaourou », a-t-elle ajouté. En définitive, le village de Koukiri est un exemple de résilience en termes de pratiques d’alimentation et d’hygiène responsable et sans aucun doute, une expérience à perpétuer et à généraliser.