Dans les rues de Cotonou, la nouvelle génération s’invente ses propres rendez-vous. Ils ont délaissé les soirées classiques au profit d’un nouveau vocable en vogue. On parle désormais de chills. Ce sont des événements explosifs où la musique est à fond, la poudre vole, et personne ne reste dans son coin. Entre délire collectif et créativité sans limite, focus sur un phénomène qui transforme la ville… à coup de couleurs et de vibes.

Loïck SOGLO (Stag)
Ils arrivent en groupe, en tenue décontractée ou en respectant un dress code précis. Ce qui les réunit, c’est une promesse : celle d’un moment de liberté pure, sans barrière, sans stress, mais avec du son, de la poudre et de l’énergie à revendre. Cotonou n’a pas attendu qu’on lui donne la permission pour créer sa propre scène festive. Elle l’a inventée, à sa façon. Et elle l’a appelée : le chill.
Depuis quelques années, une nouvelle forme de rendez-vous jeune prend d’assaut la ville. Des événements à ciel ouvert, organisés dans des lieux souvent détournés de leur fonction première : un jardin, un coin de plage ou un espace vague, deviennent l’espace d’une journée, le théâtre d’un délire organisé où la musique résonne à fond, les corps dansent sans retenue, et les habits sont couverts de poudre colorée. Le chill, ici, ce n’est pas le calme. C’est l’explosion. On ne vient pas pour se reposer mais pour s’enjailler, crier, courir, rire, jouer, faire des batailles de poudre, se faire de nouveaux amis ou revoir des visages familiers. À un chill à Cotonou, impossible de rester dans son coin. La vibe est collective. C’est ça, ou rien.
Parmi les collectifs les plus actifs dans cette dynamique, Immatures Event’s fait figure de pionnier. Depuis plusieurs années, leur événement signé Picnic ne cesse de grandir. Chaque édition a son identité, son style, son dress code. La dernière en date, Picnic 7.0, avait pour thème les couleurs bleu et blanc. Avant cela, il y eut Picnic 6.0, et ainsi de suite, chaque rendez-vous attirant une foule plus nombreuse que le précédent. À chaque fois, le concept est renouvelé, mais l’énergie reste la même : vibrante, joyeuse, débordante.
Mais derrière cette réussite se cachent de véritables défis. «Le plus grand défi à chaque édition, c’est le nouveau concept», explique un membre du staff d’Immatures Event’s. «Nous, à chaque fois, on se débrouille pour amener un truc unique et nouveau. Maintenant, quand on parle de quelque chose de nouveau, c’est quelque chose qui convient à tout le monde. Que tu sois vieux, jeune ou enfant, quand tu viens à un événement d’Immature, forcément tu vas kiffer ». Et cette volonté de proposer quelque chose d’inédit à chaque fois a un prix. «Un nouveau concept, c’est aussi un nouveau budget», poursuit-il. «Nous rencontrons régulièrement des problèmes financiers. Des fois, on est obligés de cotiser entre nous pour offrir un service qui, au final, ne nous rapporte rien en vrai». Pourtant, ce sacrifice, ils l’assument. Car au final, ce que proposent Immatures Event’s et les autres collectifs derrière ces chills, c’est bien plus qu’une simple fête. C’est une expérience de liberté collective, un moment où chacun peut exister pleinement, sans jugement, sans pression. Un moment où la ville appartient aux jeunes, où les barrières sociales tombent, et où tout le monde devient une même couleur… celle de la poudre. Un autre membre du collectif le résume bien : «Quand on fait un chill, c’est pas juste pour organiser un événement. C’est pour rassembler, donner de la joie et laisser une trace. On veut que les gens repartent avec des souvenirs plein la tête. Et ça, ça vaut tous les efforts du monde».
À Cotonou, les chills ne sont plus de simples rendez-vous : ce sont des marqueurs générationnels, des capsules d’énergie, de mémoire et de fête. Un besoin vital d’exister autrement. Une jeunesse qui ne demande pas grand-chose, juste un espace pour être ensemble, faire du bruit, danser, s’éclabousser de poudre et se dire, le temps d’une journée, que tout va bien.