Karim Oscar ANONRIN
Au Bénin, la réforme du système partisan a mis en exergue l’activité des femmes au sein des formations politiques. A titre illustratif, au nombre des structures du parti Bloc Républicain, il y a l’Organisation des femmes républicaines (OFR). Même sans dénomination au sein d’autres partis politiques comme l’Union Progressiste le Renouveau (UP le Renouveau), Les Démocrates, pour ne citer que ceux-là, les femmes s’organisent également. Les efforts pour plus d’engagement des femmes béninoises en politique continuent d’être déployés. Mais à quelques mois des premières élections générales de l’ère du renouveau démocratique au Bénin, prévues pour janvier 2026, beaucoup de questions restent en suspens. Comment les militantes s’activent-elles au sein des partis politiques et quelles sont leurs attentes ? Quid de la question de la parité homme/femme dans les instances de prise décisions ? Pour répondre à ces questions, trois femmes militantes dans trois différents partis ont accepté se prononcer. Il s’agit de Mahougnon Rolande Edwige Dansi, Juriste de formation et Secrétaire aux affaires sociales du parti Les Démocrates dans la 19ème Circonscription électorale (Adjarra, Aguégués, Sèmè-Podji). Pour cette dernière, il y a mieux à faire que ce qui se passe actuellement pour plus de femmes sur les listes électorales pour les prochaines joutes électorales. L’autre femme qui s’est prononcée sur le sujet est Rosaline Ahounou, Professeur certifié d’anglais et membre du parti Union Progressiste le Renouveau. Pour cette femme engagée en politique depuis plusieurs années, il faudra absolument que les partis politiques maintiennent la dynamique insufflée par le gouvernement en positionnant plus de femmes sur les listes électorales. Elle rêve que le Parlement, 10ème législature, la prochaine, soit composée d’au moins 60 femmes contre 29 aujourd’hui sur les 109 députés membres de l’institution. Dr Nadine Akogbéto Aïssi, membre du parti Bloc Républicain, semble aussi être sur la même longueur d’onde que ses compatriotes Mahougnon Rolande Edwige Dansi du parti Les Démocrates et Rosaline du parti l’UP le Renouveau.
Mahougnon Rolande Edwige Dansi du parti Les Lémocrates

La question de la parité du genre au Bénin et surtout celle relative à la présence des femmes dans les instances de prise de décisions. Quel est le bilan que vous en faites depuis l’avènement du régime de la rupture ?
La présence des femmes dans les instances de prise décisions a connu des progrès significatifs. Par exemple, il y a eu cette discrimination positive en faveur des femmes qui a permis d’avoir une augmentation de la représentativité féminine à l’Assemblée nationale avec aujourd’hui un taux de 18,4% en 2023. Plus précisément, à l’issue des élections législatives de janvier 2023, nous avons eu 29 femmes élues à l’Assemblée nationale. Lorsque nous observons les autres institutions de la République, nous avons une femme qui préside la Haute Cour de Justice, une femme qui préside la Cour des comptes, une femme qui est Vice-présidente de la République. Cependant, malgré ces avancées, les femmes restent sous représentées dans les institutions de la République. Le gouvernement ne compte que 5 femmes sur 19 membres et il y a 3 femmes Maires sur les 77 au Bénin ; ce qui est insignifiant par rapport à nos aspirations.
Est-ce que vous n’exagérez pas un peu ? Le gouvernement dit le contraire de ce que vous dites.
Certes ! Avec le soutien des organismes internationaux, le gouvernement fait des efforts pour renforcer le leadership féminin, mais il faut plus d’efforts pour soulever les obstacles à l’atteinte réelle des objectifs. Moi qui vous parle, je suis une bénéficiaire de l’un des programmes à l’égalité du genre au Bénin. Mais de ma position, je pense que le chemin est encore semé d’embûches. C’est le sens même de notre engagement politique au sein du parti Les Démocrates. Au sein de notre parti, nous avons 27 femmes leaders réparties dans les 77 Communes du Bénin qui travaillent chacune avec des milliers d’autres femmes dans ces Communes selon les directives bien définies par le parti ; l’objectif étant d’atteindre des résultats plus probants. Nous devons travailler à inverser la tendance. Par exemple, il existe encore des facteurs socioéconomiques, culturels et éducatifs qui expliquent le faible taux de présence des femmes dans les formations politiques qui constituent le creuset par où l’on passe pour accéder à des postes électifs et nominatifs.
Dans ce combat que vous menez au sein de votre parti et pour la gent féminine béninoise, qu’espérez-vous déjà pour les prochaines élections ?
Pour les prochaines élections, nos attentes sont en droite ligne avec les idéaux du parti Les Démocrates. Nous nous battons pour une forte présence des femmes sur les listes électorales. Certes ! Nous sommes pour la discrimination positive en faveur des femmes avec le poste de ‘’femme bonus’’ dans chaque circonscription électorale, mais nous voulons aussi être sur les listes principales. Au sein du parti Les Démocrates, nous travaillons pour qu’il y ait au moins 30% de femmes sur la principale liste de candidatures aux prochaines élections aussi bien pour les législatives que pour les communales. Nous espérons qu’il en sera de même avec les autres formations politiques parce que le combat que nous menons est avant tout pour la gent féminine béninoise. Déjà au sein du parti Les Démocrates, nous priorisons la formation de nos militantes pour accroître leurs capacités à prendre part aisément aux élections. Il faut absolument que plus de mesures soient prises par nos gouvernants pour éliminer les barrières favorisant la discrimination négative des femmes, le sexisme, les stéréotypes et autres violences faites aux femmes en politique. Ceci permettra de garantir un environnement électoral sûr et équitable.
Votre mot de la fin
La politique est une chose commune à laquelle tout le monde doit participer pour le développement d’une Nation. Les femmes ne sauraient être mises à l’écart ou s’écarter elles-mêmes de ce combat. Voici pourquoi moi j’encourage les femmes à ne pas négliger les formations, les programmes de mentorat, le réseautage professionnel et le militantisme au sein des partis politiques. Mais au-delà de tout ceci, j’ai l’intime conviction que le secret pour voir plus de femmes engagées en politique est leur véritable autonomisation financière et l’éducation des filles.
Rosaline Ahounou du parti Union Progressiste le Renouveau

Quel bilan faites-vous de la question de la parité homme/femme dans les instances de prise de décisions depuis l’avènement du régime de la rupture ?
Il n’est aucun doute que nous avions connu des avancées sur la question de parité. Il est aussi vrai que le gouvernement en place a démontré sa bonne foi parce qu’il existe désormais une volonté politique. Néanmoins, nous les femmes, nous restons encore sur notre soif. Bien sûr, l’exemple que tout le monde cite aujourd’hui et que je cite également avec fierté, c’est l’augmentation significative du nombre de femmes à l’Assemblée nationale. Grâce aux dispositions de la Constitution du Bénin et de la loi électorale, nous avons l’assurance qu’au moins 24 femmes feront leur entrée au Parlement en tant que députées. Nous avions fait la première expérience lors des législatives de 2023 avec au total 29 femmes.
Alors, qu’espérez-vous pour les prochaines élections. Vous n’êtes pas sans savoir que ce sont des élections générales ?
Déjà pour les élections législatives, nous espérons qu’il y aura plus de 29 femmes. Pourquoi pas 60 femmes élues députées. Idem dans les conseils communaux et municipaux. Il faut qu’il y ait plus de femmes dans les conseils communaux et municipaux. Est-ce que vous pouvez imaginer qu’au sein du conseil communal de Sèmè-Podji, il n’y ait pas de femme conseillère? Et pourtant, par le passé une femme a occupé le poste de Première Adjointe au Maire de cette Commune, en l’occurrence Bérénice Djègui Koukoui. Lorsque la femme contribue à la gestion de la cité, les objectifs sont vite atteints parce qu’elle est au cœur du développement.
De façon concrète, quelles sont vos attentes pour les élections qui s’annoncent ?
Nous attendons que beaucoup de femmes soient positionnées sur les listes électorales des partis politiques. Il ne faut pas qu’on nous contente avec les positionnements de ‘’femmes bonus’’. Ce n’est qu’en agissant en faveur de la gent féminine pour ces élections de 2026 que nous verrons davantage de femmes qui vont s’engager en politique dans notre pays.
Dr Nadine Akogbeto Aïssi DU Bloc Républicain

Quel bilan faites-vous de la question de la parité des femmes dans les instances de prise de décisions ?
La question de la parité a connu des avancées notables ces dernières années au Bénin, grâce aux réformes courageuses engagées par le président Patrice Talon et son gouvernement. L’institutionnalisation de la loi sur la parité, la création de sièges réservés aux femmes à l’Assemblée nationale et la promotion des femmes à des postes de responsabilité illustrent une volonté politique affirmée. Il faut saluer ici l’engagement personnel du président de la République, qui a su faire de la promotion du leadership féminin et de l’autonomisation des femmes une priorité nationale. C’est un exemple rare en Afrique de l’Ouest, et nous en sommes fières. Toutefois, le chemin reste encore long. La parité ne doit pas être perçue comme une faveur accordée, mais comme un droit légitime. Il faut aujourd’hui consolider les acquis, renforcer la formation des femmes et surtout changer les mentalités à la base. Le combat continue, et en tant que femme engagée au sein du Bloc Républicain, je me réjouis de la dynamique portée par notre formation politique, qui ne cesse de promouvoir les femmes et de leur offrir des opportunités de leadership politique à tous les niveaux. Nous sommes dans un parti qui croit en la valeur ajoutée des femmes.
Quid du positionnement des femmes sur les listes électorales ?
C’est une question sensible mais essentielle. Trop souvent, les femmes sont positionnées en fin de liste, dans des zones peu éligibles. Ce qui compromet leurs chances réelles d’être élues. Cependant, il faut reconnaître que des efforts sont faits, notamment au sein du Bloc Républicain, pour améliorer la représentativité féminine. Le parti s’inscrit pleinement dans la dynamique impulsée par le président Patrice Talon en matière de discrimination positive. Je suis témoin, dans la 19ème Circonscription électorale, d’une prise de conscience progressive de l’importance stratégique de la femme dans les batailles électorales. L’enjeu aujourd’hui est d’aller au-delà des textes, d’encourager les partis à opter pour un positionnement stratégique des femmes, basé sur le mérite, l’engagement de terrain, et la légitimité communautaire. Le potentiel féminin existe, il faut juste le valoriser de manière audacieuse et sincère.
Quelles sont vos attentes par rapport aux prochaines élections au niveau des partis politiques ?
Mes attentes sont claires : une meilleure considération des femmes dans les choix stratégiques, un accompagnement réel et structurel de leurs candidatures, et surtout, le respect de l’esprit de la parité dans les positionnements. J’attends de mon parti, le Bloc Républicain, qu’il continue d’être un acteur du changement, en misant sur des femmes compétentes, loyales et enracinées dans leurs bases. D’ailleurs, je tiens à saluer le rôle moteur que joue le président Patrice Talon dans la transformation politique et sociale du Bénin, notamment à travers ses actions en faveur des femmes. Grâce à lui, la femme béninoise prend de plus en plus sa place dans les arènes décisionnelles. La politique féminine ne se résume pas à un quota, c’est un levier de transformation. Nous voulons des femmes au cœur des décisions, pas à la périphérie. En tant que femme leader à Porto-Novo, je suis prête, avec d’autres sœurs engagées, à porter cette dynamique. Les prochaines élections doivent être celles de la crédibilité et de la confiance envers les femmes. Nous sommes prêtes !
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN