Les Organisations de la Société Civile (OSC) et les leaders religieux du Bénin ne sont pas du reste dans le débat en prélude aux élections générales de 2026. En réaction au vote du nouveau code électoral adopté par l’Assemblée Nationale en début de l’année 2024, ces acteurs de la vie publique ont tiré la sonnette d’alarme face aux risques d’exclusion et aux tensions potentielles que l’application de la loi pourraient générer. Ils ont en l’occurrence soulevé de nombreuses inquiétudes. Entre dialogue, recommandations et appels à la retenue, tous souhaitent des réformes qui garantissent des élections inclusives, transparentes et démocratiques.
Ange M’poli M’TOAMA
Au lendemain du vote du code électoral, les organisations de la société ont réagi pour relever des zones d’ombre au sujet de certaines dispositions de la loi et attirer l’attention des acteurs politiques sur les éventuels risques encourus en appliquant la nouvelle loi. La Plateforme Électorale des OSC du Bénin (PEOSC) a organisé un atelier d’analyse de la loi 2024-13 modifiant le Code électoral. Lors de cette rencontre, les membres du Comité de pilotage et des experts ont débattu avec des parlementaires des implications des nouvelles dispositions. Selon la PEOSC, certains amendements visent une meilleure organisation des scrutins, tels que la dématérialisation du traitement des candidatures ou le zonage de certains arrondissements. Cependant, d’autres, comme les articles 132 et 146 nouveaux, suscitent des inquiétudes. Ces derniers, bien qu’en cohérence avec la réforme du système partisan, pourraient entraîner des risques d’exclusion politique et une impasse électorale. De leur côté, les leaders des confessions religieuses à savoir l’Islam, l’Église protestante méthodiste et l’Église catholique, exhortent les députés à adopter des réformes conformes à l’intérêt supérieur de la nation. Dans une déclaration datée du 5 mars 2024, ils ont rappelé la nécessité de rétablir l’équité, notamment en ce qui concerne le pouvoir de parrainage des maires, conformément à la décision 24-001 de la Cour constitutionnelle. Ils insistent sur le rejet de toute disposition législative pouvant engendrer des tensions ou exclure des acteurs politiques. « Les violences des précédentes élections doivent servir de leçon. Il est impératif de préserver la paix et le vivre-ensemble, conditions sine qua non du développement national », ont-ils souligné dans une déclaration. Par ailleurs, l’Eglise catholique a organisé un colloque scientifique le 25 avril dernier autour du thème : « Les modifications du Code électoral au Bénin de 1990 à aujourd’hui : le Code électoral, le vivre-ensemble et la participation de tous à la construction de la Nation ». A l’issue des travaux, l’Église a appelé le chef de l’Etat à intensifier les échanges avec l’ensemble des parties prenantes du processus électoral. Au-delà de cet appel, les évêques encouragent également l’exécutif à initier un dialogue national, visant la réconciliation et le rassemblement des citoyens béninois. Face à ces préoccupations, une question demeure : le nouveau Code électoral pourra-t-il renforcer la confiance des électeurs et des acteurs politiques ? Si certains ajustements techniques sont salués pour améliorer l’organisation des scrutins, les enjeux de transparence et d’inclusion restent centraux.
Les dispositions remises en cause
Plusieurs dispositions du code électoral sont épinglées par les membres de la société civile pour lesquelles ils appellent à une nouvelle relecture pour des amendements. Ils pensent que ces points sont crisogènes et pourront être sources de tensions. Les articles 132 et 146 du Code électoral sont les plus querellés. Pour les OSC, ces dispositions pourraient consolider la domination des grands partis et menacer les petites formations politiques de disparition. Face à cette perspective, ils dénoncent une volonté de réduire la pluralité politique qui est un pilier essentiel de la démocratie. Les critiques attaquent également les dispositions sur le zonage des arrondissements ou la dématérialisation des candidatures. Selon la PEOSC, elles pourraient entraîner des malentendus ou des complications administratives et risquent de retarder ou de perturber l’organisation des élections. Les leaders religieux ont mis en avant une problématique spécifique : l’inégalité dans le pouvoir de parrainage des maires. Pour ces derniers, cette situation, jugée non conforme à la décision de la Cour constitutionnelle, pourrait créer des frustrations et un sentiment d’injustice parmi les acteurs politiques. Les tensions et violences ayant marqué les élections précédentes demeurent une préoccupation majeure. Pour éviter leur répétition, les OSC et les leaders religieux insistent sur la nécessité d’un cadre législatif et organisationnel qui apaise les rivalités politiques et rassure les électeurs. Enfin, les OSC et leaders religieux craignent que le nouveau Code, en dépit de ses avancées techniques, ne réponde pas aux attentes de l’ensemble des citoyens. Un processus perçu comme excluant risque de délégitimer les scrutins à venir. Face à ces préoccupations, la Plateforme Électorale des OSC et les leaders religieux appellent les députés et les institutions à œuvrer pour des réformes inclusives et consensuelles. Le défi de 2026 dépasse les considérations techniques : il s’agit de garantir la paix, la transparence et la confiance dans le processus démocratique. Il incombe aux députés et aux institutions de garantir un processus électoral crédible. Pour les OSC et les leaders religieux, la route vers 2026 passe par un dialogue soutenu, des réformes consensuelles et un engagement collectif en faveur de la stabilité et de la démocratie.