Quels sont les avancées, défis et perspectives des réformes de digitalisation démarrées depuis 2016 au Bénin. Selon Dr Julien HOUNKPE, la dématérialisation est un levier incontournable pour la modernisation du Bénin. Toutefois, pour en maximiser les bénéfices, il est crucial de relever les défis liés à l’accessibilité, la cybersécurité et la formation des acteurs impliqués.
Depuis 2016, le Bénin a entrepris une vaste réforme de digitalisation. Quel bilan peut-on dresser aujourd’hui ?
Depuis 2016, le Bénin a accompli des progrès notables en matière de digitalisation, notamment sous l’impulsion du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG). Plusieurs services administratifs ont été dématérialisés grâce à des plateformes comme service-public.bj, facilitant ainsi l’accès des citoyens aux services publics. Pour piloter ces réformes, l’Agence des Systèmes d’Information et du numérique (ASIN) a été mise en place. Toutefois, des défis demeurent, notamment l’adoption des outils numériques par l’ensemble de la population et la sécurisation des infrastructures numériques.
La délivrance des pièces d’état civil a été dématérialisée. Quels défis pose cette réforme selon vous ?
La digitalisation des actes d’état civil représente une avancée majeure, mais elle soulève plusieurs défis. L’un des principaux enjeux est d’assurer une interopérabilité efficace entre les bases de données des différentes institutions afin de garantir un accès fluide et sécurisé aux documents d’état civil. Par ailleurs, la protection des données personnelles et la lutte contre les fraudes numériques constituent des priorités. L’accessibilité de ces services aux populations rurales et non connectées reste également un défi à relever, tout comme la formation des agents administratifs à l’usage des nouveaux outils numériques.
En général, quels sont les principaux obstacles techniques ou administratifs rencontrés dans le processus de digitalisation au Bénin ?
Le processus de digitalisation au Bénin rencontre plusieurs obstacles, tant sur le plan technique qu’administratif. D’un point de vue technique, l’insuffisance des infrastructures numériques constitue un frein majeur, notamment en raison d’un réseau Internet instable dans les zones rurales et d’une faible capacité des centres de données locaux. Sur le plan administratif, la rigidité des procédures, la résistance au changement au sein de l’administration et le manque de formation des agents publics aux outils numériques ralentissent considérablement la mise en œuvre des réformes.
Comment garantir l’inclusion numérique et éviter une fracture entre les populations ayant accès aux technologies et celles qui en sont éloignées ?
L’inclusion numérique ne peut être effective sans un effort accru dans plusieurs domaines. Le déploiement d’infrastructures adaptées, notamment l’extension du réseau Internet haut débit et l’amélioration de la couverture mobile, est essentiel pour toucher toutes les couches de la population. En parallèle, il est indispensable de renforcer la formation et la sensibilisation à l’usage des outils numériques afin de permettre à chacun de s’approprier ces nouvelles technologies. L’accessibilité financière des services est également un enjeu majeur, ce qui passe par une réduction du coût de la connexion et la mise en place de subventions pour l’achat d’équipements numériques. Enfin, la création d’espaces numériques publics, où les populations non connectées pourront être accompagnées dans leurs démarches, constitue une solution concrète pour favoriser l’adoption du numérique par le plus grand nombre.
La cybersécurité est un enjeu majeur dans la digitalisation des services publics. Quelle analyse faites-vous des mesures mises en place pour sécuriser les données des citoyens ?
Le Bénin a adopté plusieurs mesures pour renforcer la cybersécurité et garantir la protection des systèmes informatiques. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) joue un rôle clé dans la régulation et la mise en œuvre des politiques de cybersécurité. Par ailleurs, une législation spécifique encadre désormais la protection des données personnelles, tandis que la signature électronique et les certificats numériques ont été introduits pour sécuriser les échanges en ligne. Malgré ces avancées, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour sensibiliser davantage aux cybermenaces, renforcer la protection des infrastructures critiques et améliorer la capacité de réaction face aux cyberattaques.
Selon vous, quelles devraient-être les prochaines étapes du gouvernement béninois en matière de digitalisation des services publics ? (Intelligence artificielle, blockchain etc.)
Pour aller plus loin dans la digitalisation du pays, plusieurs axes de développement sont envisagés. L’intelligence artificielle pourrait être mise à profit pour automatiser certains services administratifs, notamment à travers l’utilisation de chatbots pour l’assistance aux citoyens ou encore l’exploitation des données pour optimiser les politiques publiques. La technologie blockchain pourrait quant à elle sécuriser les registres d’état civil, améliorer la gestion des titres fonciers et garantir la traçabilité des transactions publiques. L’interopérabilité des systèmes représente également un enjeu majeur, car l’unification des bases de données gouvernementales permettrait de fluidifier l’échange d’informations entre les administrations. Enfin, le renforcement de la gouvernance numérique, notamment à travers un cadre réglementaire plus strict et des stratégies avancées de protection des données personnelles, demeure une priorité pour assurer une digitalisation sécurisée et inclusive.
Propos recueillis : Bergedor HADJIHOU (Coll)