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Entretien avec Nadège Bignon Anago, spécialiste genre : « Il faut dénoncer toutes les violences dont vous êtes témoins »

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(Entretien)De nombreux enfants, femmes et hommes vivent dans l’ombre des Violences Basées sur le Genre, immobilisés par la peur et la honte. Entre chiffres alarmants et témoignages poignants, Nadège Bignon Anago, spécialiste genre et activiste des droits humains, insiste sur l’importance de la sensibilisation et rappelle que les lois existent pour protéger les victimes. Dans cet entretien exclusif, elle nous éclaire sur les diverses formes de Violences Basées sur le Genre (VBG), un phénomène en progression au Bénin.

Vous êtes spécialiste genre et auteure, titulaire d’un master en genre et gestion de projet de développement. Lorsque nous parlons des Violences Basées sur le Genre (VBG), à quoi fait-on référence ?

Les Violences Basées sur le Genre (VBG) sont des violences exercées contre une personne en raison de son genre. Attention, le genre ne se limite pas au sexe biologique. Il peut aussi être lié à d’autres caractéristiques, comme un handicap physique, moteur ou visuel. Le genre peut également concerner l’orientation sexuelle. Ainsi, une personne peut être victime de violence parce qu’elle est différente, par exemple en raison de son orientation LGBTQ+ ou parce qu’elle est homosexuelle.

Pouvez-vous nous expliquer les différentes formes de violences ?

Il existe plusieurs types de violences : physiques, verbales, économiques et psychologiques. Chacune de ces catégories a ses spécificités. La violence physique se manifeste lorsque l’on utilise la force contre quelqu’un. La violence verbale, c’est l’utilisation de mots pour nuire. La violence économique, quant à elle, consiste à empêcher une personne d’exercer une activité économique, de contrôler ses revenus ou de décider comment elle doit les utiliser.

Il y a aussi d’autres formes de violences, comme les violences foncières, par exemple. Celles-ci surviennent lorsqu’une femme se voit refuser l’héritage d’un parent décédé, simplement parce qu’elle est une femme. Ces violences prennent diverses formes dans nos communautés.

Quel est l’état des lieux des VBG au Bénin ?

Depuis 2019, les chiffres relatifs aux violences sont en forte augmentation. Selon les données du Système Intégré de Données relatives à la Famille, la Femme et l’Enfant (SIDoFFE-NG), entre février 2019 et février 2022, 49 907 cas de VBG ont été recensés. Entre 2022 et octobre 2024, ce chiffre a grimpé à 55 982 cas. Les violences psychologiques et morales sont les plus répandues, représentant 47,06 % des cas enregistrés entre 2020 et 2023. Les violences physiques concernent entre 21,1 % et 33,1 % des adultes, avec une légère prévalence chez les femmes.

Les violences sexuelles affectent davantage les femmes, 33 % d’entre elles âgées de 15 ans et plus en étant victimes, contre 27,3 % des hommes. Chez les enfants de 3 à 14 ans, les filles sont plus exposées (21,9 %) que les garçons (17,6 %). Les violences en ligne touchent 12,1 % des femmes et 15 % des hommes de 15 ans ou plus. Chez les enfants, la prévalence est de 7,3 % pour les filles contre 5,6 % pour les garçons.

Ces chiffres ne concernent que les cas rapportés. Il y a énormément de personnes qui subissent la violence au quotidien, mais qui n’osent pas en parler, soit par peur de représailles, soit parce qu’elles ne savent pas vers qui se tourner.

Pourquoi les victimes ne dénoncent-elles pas ces violences ?

Que l’on pense aux enfants victimes de pédophilie, aux femmes violées ou battues, la question est souvent : pourquoi ne parlent-elles pas ? La première raison est la peur. Ensuite, il y a la honte.

Elles ont peur parce que celui qui exerce la violence a généralement une autorité sur elles. Le bourreau peut être un parent, un oncle, un membre de la famille ou une figure d’autorité dans l’environnement de la victime. L’époux peut aussi jouer sur cette autorité, en menaçant la victime : « Si tu parles, je vais t’arracher les enfants, tu ne les verras plus ». J’ai déjà entendu des pédophiles dire à des enfants : « Si tu me dénonces, je tuerai tes parents ».

Bien fréquemment, avant même de passer à la violence physique, l’agresseur exerce une violence verbale et psychologique, ce qui brise déjà la victime mentalement. Il sait qu’en levant la main sur elle, elle ne réagira pas. Parfois, les victimes sont des personnes comme vous et moi, voire des figures d’autorité, des directrices d’institutions. Elles ont honte de se retrouver dans cette position. Elles craignent aussi le regard de la société. Des femmes violées ne dénoncent presque jamais leur bourreau de peur que cela se sache et qu’elles soient stigmatisées.

Pourquoi associe-t-on principalement les femmes au terme de « victimes » lorsqu’on parle de violence ?

Comme vous pouvez le constater avec les chiffres, la violence faite aux femmes est plus fréquente que celle faite aux hommes. Cependant, l’attention ne se tourne pas uniquement vers les femmes ; les enfants et les filles sont aussi concernés. Nous vivons dans une société patriarcale où, dès l’enfance, on enseigne aux filles qu’elles doivent se soumettre aux hommes. De leur côté, les hommes grandissent souvent persuadés qu’ils sont supérieurs aux femmes.

Quand ils ne maîtrisent pas leurs émotions, ils peuvent facilement devenir violents. Aujourd’hui, les lois existent et les victimes doivent savoir qu’elles sont protégées. D’ailleurs, l’État peut désormais s’auto-saisir d’une affaire. Cela signifie que même si la victime ne porte pas plainte, l’État peut poursuivre l’auteur de la violence. Que ce soit pour harcèlement, viol ou attouchements sur enfants, la loi s’applique et la justice sera rendue.

Quel est votre rôle dans la lutte contre les Violences Basées sur le Genre ?

En tant que spécialiste du genre, activiste des droits humains et communicante, mon rôle principal est la sensibilisation. Il s’agit d’informer que des lois existent aujourd’hui pour protéger les victimes. Par exemple, l’Institut National de la Femme (INF) est une institution qui protège les femmes. La loi sera appliquée si vous subissez des violences.

Un appel à lancer ?

Si vous vous taisez, vous renforcez le système de violence. Vous donnez plus de pouvoir aux auteurs de violences basées sur le genre. Chacun de nous a un rôle à jouer en sensibilisant et en diffusant la bonne information. Même si nous ne connaissons pas les lois, nous pouvons dénoncer les violences dont nous sommes témoins, et cela, de manière anonyme. Il est crucial d’aider les victimes, car comme on le dit souvent : « Les droits des femmes, ce sont les droits humains ».

Propos recueillis par Edouard Gnansounou (Coll)

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