De l’envoûtante Izziii (Isabelle) au ténébreux Charles Tonnerre (Charles Ornel) vers la Terre d’Or de Caodji, la dame qui insuffle vie aux « Apparences » manie avec adresse la torche qui enflamme les cœurs. Totalement, la wassangari a dompté l’équidé ailé qui déchaîne les passions au Ciné : l’agent 00K embras(s)e l’écran.
Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)
D’ici au Festival de Cannes où elle était en 2024, son clap fait mouche. Entrée dans le pays des Eléphants en 2016, par la porte des stagiaires à la RTI, la princesse Bariba n’a pas barri bas. Aujourd’hui, au delà du pays de Nana Boigny, il est su et reconnu que la jeune réalisatrice est une « Debout ». Même la NISA ne nie ça. Si hôtesse de l’air était son « Plan A » de carrière envisagée, elle n’a pas attendu un certain Alex Ogou, réputé cinéaste et bienveillant devancier, avant de faire voyager les cinéphiles. Quand elle n’était pas à la réalisation de « Help War » (2015), « Tink tank » et « Game over » (2017), Suru (2019) ou à l’écriture scénaristique de « La bonne maitresse » (2016), c’est dans « Rumeurs », série plusieurs fois distinguée, qu’elle jouait. Faut-il se dire que Kismath adore le kongossa (commérage) et la bagarre ? Assurément non ! Il est vrai qu’elle n’a pas volé le surnom d’agent 00K (référence faite à James Bond, l’agent 007) parce qu’elle est méthodique, rigoureuse, acharnée au travail, professionnelle et perfectionniste… mais son allure de militaire est naturelle. Très tôt, son père et idéal masculin, avait décelé ce que d’autres n’ont vu qu’au FESPACO 2023 pour la sobriquer « El Capo ». En effet, il la voyait bien au Prytanée militaire mais préférait que les siens agissent par choix et non par contrainte. Avec cette conviction paternelle devenue aussi sienne, Kismath carbure depuis toujours à « l’Excellence ». Le 7ème art n’a aucunement été un choix défaitiste pour elle. Élève de série S puis titulaire d’un BAC D, il y a longtemps que Kismath kiss les maths. Elle voit clair dans les chiffres. Il n’y a qu’en Lingala que cette polyglotte ne voit plus grand chose. Cela dit, ce n’est pas la raison pour laquelle elle porte de grandes lunettes: c’est pour se rappeler de voir grand et loin.
Sur les plateaux de tournage, sur les panels et ailleurs, Kismath est humble, solidaire (surtout pendant le carême), rigole et beaucoup. Savourant un bon plat d’igname pilée ou en colère, le sourire ne la quitte point. Dans une discussion ou surprise sur A+Bénin par le Président Djangoun dans une sape atypique (en sachet), elle reste bienveillante, souriante et avenante. Ceci, même derrière la caméra ! Ce n’est pas Christiane Chabi Kao, la mère des « Apparences » qui dira le contraire.
N°3 de la fratrie BAGUIRI, elle a toujours été précoce et rendue autonome par l’éducation familiale. Élevée avec 2 grands frères, les hommes sont son domaine de définition. Oui! Il y a un bail que la seule « go » (demoiselle) du groupe de rap « réaktion directe » a la « boy attitude ». Droite dans ses baskets, en chemise de pagne tissé, son crush avec les cheveux courts remonte à un doux souvenir de sa tendre enfance: son baptême de princesse à la Gaani. Sa rencontre mémorable avec un coiffeur ghanéen clair au marché Arzekè de Parakou va sceller son choix des cheveux coupés. Aujourd’hui encore, elle sait compter sur sa belle tête qui ne la lâche pas dans ce choix.
Élevée au carrefour du rap (avec ses frères), de la musique française (avec sa mère) et de la salsa aux saveurs du groupe Africando (avec son père), elle sait dégainer son talent de chanteuse.
A la table des vérités, elle est franche.
Pour les plus jeunes, elle change des ainés qui se plaisent à ressasser la même ritournelle : « A mon époque, je souffrais mais j’ai excellé. Je faisais ci, je faisais ça ». Combien de kilomètres n’ont-ils pas parcouru ? Et tous n’étaient-ils pas systématiquement « premiers de classe »? A croire que tous les derniers de salle de ce temps, ont migré en Afghanistan.
Loin d’être une mauvaise élève, elle faisait partie des 3 premiers de sa classe à l’école « Les Merveilles » de Parakou jusqu’à son CEP. Pas toujours première mais jamais dernière !
Déterminée ? Oui ! Fonceuse ? Ah ça encore plus! Il suffit de se renseigner auprès du cinéaste nigérian Kunlé Afolayan qu’elle a pourchassé 7 mois durant et qui est devenu son ami. Attention si vous êtes dans son viseur !
Kis est ainsi. Elle se pose rarement des limites car selon elle, la difficulté apporte du sel à la vie ! « On ne peut que te dire non mais on ne te tuera pas », affirme t-elle l’air rieuse mais très sérieuse. Sa recette : changer de stratégie et recommencer… TOUJOURS AVEC LES BONS MOYENS – SON HONNEUR DE PRINCESSE NE SE MARCHANDE PAS !
Nul besoin de chercher le béret sur sa tête, il coiffe son âme de combattante.
C’est une certitude: si elle avait été un poisson, elle n’aurait pas pu être une madeleine. Encore que l’agent 00K pourrait confesser un tout petit peu qu’elle est fleur bleue. Son parcours de vie n’a pas été que rose mais dans toute la reserve qui la peint, elle pose le sourire et ne dit mot. A contrario, son acharnement au travail est un têtu griot. De l’ISMA au Studio Sankara, du Bénin vers le monde, la jeune femme s’est construite pierre après pierre, sacrifice après sacrifice. Peut-être a-t-elle oublié ses premiers cachets mais jamais, Kismath n’a oublié sa terre natale.
Très jeune et depuis toujours, un puissant désir la brûlait: Interconnecter les professionnels du cinéma béninois entre eux – éveiller une saine émulation – propulser les talents – célébrer les légendes. C’est ainsi qu’est né le Ciné 229 en 2017, une initiative qu’elle porte depuis huit (08) ans avec l’association Terre d’ébène.
Femme engagée
Fascinée par le contraste entre la férocité et la douceur de la panthère, elle ne rechigne pas à prendre part aux Journées cinématographiques de la femme africaine, au FIFF et autres initiatives pour une seule raison : « Je suis une Femme ». Pour elle, c’est suffisant. Sur les conditions et les agissements des femmes, elle lève les yeux et le voile sur tout. Ce qui est clean ou l’est moins comme dans « Suru ».
Elle aime dire les choses telles qu’elles sont, qu’on les aime ou pas. Pour elle, il faut aussi montrer ce que les femmes sont d’obscur. Elle aime dire ce que tout le monde n’aime pas dire et sait compter sur un associé très fiable: Dieu. » Le gars m’accompagne très souvent. Il met son véto, il valide avant que je n’y arrive » dit-elle du Tout-Puissant.
Fidèle, elle est. En amitié comme en amour car elle évite les éternels recommencements, gagne du temps. « Grandir ensemble avec ceux avec qui on a commencé » lui tient à cœur. Toute sa bande le sait. Elvis de Dravo – Alain Nounagnon – Olivier Medjigbodo et bien d’autres le confirment: Kismath est loyale …comme à ses boucles d’oreilles cerceaux.
…Que ce soit dur, qu’il y ait des crasses ou que ça stagne, elle avancera vers le succès car elle a librement choisi ce métier. Pas pour les titres, mais avant tout par amour pour ce qu’elle fait et pour sa satisfaction personnelle. Il ne faut pas se faire avoir par l’air très sérieux qu’elle peut afficher: elle ne boude pas son plaisir sur la Kizomba. D’ailleurs, il lui faudra casser avec ses poses habituelles quand elle sera devant l’objectif, vêtue de son Kimono, au Japon ou en Corée. Favorable aux nouvelles rencontres et très fière de ses origines, la fille de « Monsieur BAGUIRI » touchera certainement les étoiles avec les projets qu’elle tisse soigneusement. En attendant, attachez vos ceintures, parez-vous au décollage ! Elle arrive et vous allez rêver !
