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Voix d’homme N° 1 – Au sujet des pesanteurs sur l’homme: Diarouga Aziz Balde sans langue de bois

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Actuellement étudiant en master 1, au Centre universitaire d’enseignement du journalisme (Cuej) de l’Université de Strasbourg, Diarouga Aziz BALDE n’a d’yeux que pour capter la mise au point d’une caméra, de voix que pour la radio et des mains que tenir un crayon. Pur peulh de naissance, dissident en devenir, le jeune homme n’a accepté ni être nomade comme ses ancêtres, même s’il aime le lait, ni être un petit commerçant de marché hebdomadaire même s’il est le meilleur ami de son père. C’est justement auprès d’Abdoul Aziz BALDE, son père, qu’il entendait des voix sortir d’une radio.

Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)

À Fatoumata,

Sœurette,

À mesure que mon âge avance, plus je médite sur ma condition d’homme, en lissant ma barbe qui refuse de pousser. Ne me regarde pas avec ce sourire moqueur, Fatoumata. C’est au contraire un signe d’angoisse, ne vois-tu pas ? Que mon menton, mes joues et ma mâchoire ne poussent qu’une barbiche, m’est égal !

L’angoisse, c’est comment concilier : réussir mes études et bâtir une carrière d’un côté, prendre en charge la famille et, surtout, le tout dans le respect des normes de la société, de l’autre. Bref, comment être un homme respectable et respecté dans une société jusque-là réputée patriarcale ? Difficile d’y répondre !

Être un homme, c’est un poids

Avant tout, j’aimerais apporter une précision nécessaire sur ce que je te dirais. Plutôt que de m’appuyer sur des lectures résumées sur la masculinité ou des travaux scientifiques basés sur un échantillon représentatif, je vais te partager un ressenti personnel fondé sur mon vécu. Je n’en serai pas légitime, sinon, je ne suis qu’un étudiant en journalisme, ni anthropologue, a fortiori sociologue.

Le nez dans le texte, si mon vécu se recoupe avec celui à qui tu feras lire ce texte, j’en serai ravi. À défaut, qu’ils considèrent avoir découvert une histoire.

Et encore, une histoire de plus.

« Tu as déjà un actif, mais il te reste des choses à prouver, me pique sans sourciller mon esprit, à chaque fois que l’occasion sied. Et même si elle ne sied pas », regrettai-je. Aîné de notre famille polygame et modeste de sept enfants, il est normal d’être atteint de la personnalité obsessionnelle compulsive. En creux, je suis outsider, comme beaucoup. J’aime donc l’ordre, être parfait et contrôler les situations contre et comme les gens dits « bien nés ». « C’est obsessionnel », diras-tu.

Droit dans les yeux, je te dis que j’ai toujours senti que je n’ai pas droit à l’échec dans le regard des autres. Armé seulement d’une très bonne éducation parentale et du courage, mais c’est tout.

Est-ce alors suffisant ?

Ne dis rien ! Je suis souvent incrédule face au fait que l’effort mène réellement au résultat escompté. Je me dis qu’il faut aussi une part de chance. Une grande chance !

Alors, sur ses épaules, je pleure.

Le combat est dual. Mon for intérieur tourmenté par le non-accomplissement et le regard extérieur, celui de la société. Tiens, ce serait bien de te parler de la société dans laquelle tu grandis : elle est inégalitaire entre les populations qui la composent, sexiste envers toi et les autres femmes et discriminante à l’endroit de nous les pauvres. Ces réalités injustes de la société pèsent aussi, et peut-être plus, sur nous, le genre masculin que vous. Tu imagines, Fatoumata, qu’être garçon dans une famille admet le regard scruté de tous mes actes avec des attentes de responsabilité sociale : maîtrise de soi, puissance et même mariage.

Pour fuir le regard des autres, alors, je ferme mes paupières sur mes yeux rougis pour masquer mon scepticisme. Pour fuir les exigences de la société que même Fairouz, la dernière diva du monde arabe en vie, « a fermé les yeux de peur que les gens puissent te voir te cacher dans mes yeux », adresse-t-elle à son ‘’habi’’ (amour) à la disparition de ce dernier. Mais, la nature s’alliant à la société, « et le vent souffla et me fit pleurer », chante la libanaise dans son titre iconique ‘’Saalouny El Nas’’ (les gens me demandaient).

Les angoisses pesantes, je prie comme Fairouz que le vent me fasse pleurer. Là encore, mon âme s’interpose et murmure : « Un homme, ça ne pleure pas ». L’argument est en fait un préjugé social assimilant les larmes à la féminité, à la lâcheté et à l’impuissance. Tu l’as sûrement compris, hein ! J’ai eu honte de pleurer, ayant peur d’être assimilé à une femme.

Mais, devant la glace, je me suis rappelé qu’en pleine nuit, j’ai souvent appelé Nênè pour vous parler ou les nombreuses femmes qui sont mes amies pour surmonter mes angoisses. Me le rappelant, je n’ai plus eu besoin que le vent souffle pour voir couler mes larmes, Fatoumata.

Ton frère qui t’aime

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