Qui a compris Attindéhou…?
Faisant la veille informationnelle continue, comme tout bon journaliste, j’ai été accroché, tôt ce lundi, dans un forum de discussions du média social WhatsApp, par la légende d’une capsule vidéo, extrait d’une émission de la radiodifdusion privée à Cotonou, Bip radio. Ladite émission recevait dans un monologue, Olivier-Charles Attindéhou, secrétaire général du Haut commissariat à la prévention de la corruption (Hcpc) au Bénin. En fait, ç’aurait été uniquement le binôme nom et titre de l’invité qui figure d’ailleurs sur le document que je ne m’y intéresserais pas. Mon appétit vorace à cliquer, avec empressement, sur le lien pour le visionner est plutôt mu par cette phrase interrogative que j’ai lue : <<Au nom de la transparence, les Béninois ne devraient-ils pas savoir à combien sont payés les membres de l’exécutif par exemple?>>. Après avoir scruté, à maintes reprises, l’élément qui fait un peu moins de quatre minutes, je me garde d’affirmer que j’ai été déçu, tant je suis un adepte de la contradiction et respectueux de l’opinion des autres. Mais, quelle confusion s’est jusque-là installée dans ma tête quand j’ai fini d’écouter tout cela ! Diantre ! Comment le Sg rétribué par nos impôts et censé oeuvrer pour prévenir la corruption peut-il dire de telles choses dans un monde aussi hautement ouvert aujourd’hui ?
Le point de l’intervention de Olivier-Charles Attindéhou sur bip radio
Afin que vous, lecteurs, vous y compreniez peut-être quelque chose, je me permets de faire ici un point de la short video. En effet, à la question de ma brillantissime consœur, Yénoukunmè Rachida Houssou de savoir si la transparence n’est-elle pas aussi synonyme d’avoir une idée des salaires des membres de l’Exécutif, le secrétaire général du Haut commissariat à la prévention de la corruption répond carrément <<Non>>, et d’une voix rauque ; même s’il déclare être <<entièrement d’accord>> qu’il doit y avoir la transparence dans la gestion des affaires publiques. Cependant, nuance-t-il, la transparence ne revient pas à <<une exhibition jouissive>>. Et là où la journaliste va mettre l’invité mal à l’aise, c’est lorsqu’elle lui demande à combien lui-même est payé. Dans un faux-fuyant, et tentant de tourner en dérision son vis-à-vis, Olivier-Charles Attindéhou n’a jamais répondu de façon franche à la préoccupation en avançant un montant réel. Suivez le verbatim : <<Moi, je suis du genre à ne pas, peut-être que c’est le fait, comme m’a dit quelqu’un il y a quelques jours, c’est le fait d’avoir fait la France, le Canada. Mais je n’ai aucun problème avec cela. Il y a entre je veux savoir quelque chose, et…>>. Il n’achève pas la phrase, en tout cas selon l’élément témoin, mais entame une autre : << Je vais vous donner une phrase d’un monsieur : la gestion d’une cité ne se fait pas dans le théâtre. Et si le théâtre revient à générer une curiosité, je ne dirai pas malsaine, mais si c’est pour connaître le salaire d’un ministre, d’un député…, et si vous voulez prendre cela comme étant de la transparence, je dirai on a tout faux. La transparence, c’est autre chose de la gestion de la vie publique que cette curiosité jouissive.>>. Le Sg du Hcpc ne s’est pas arrêté là : <<Moi, ça ne me suffit pas. Si c’est ça qui fait de la transparence, vous avez tout faux sur le paradigme ou sur l’approche, la définition du mot transparence>>, martèle-t-il. Et pourquoi ne peut-on pas avoir une idée des salaires en question ?, inisiste l’animatrice de l’émission. <<Ce n’est pas à moi d’ailleurs qu’il faut poser la question>>, réplique l’invité. Ma consœur ayant la police de l’entretien, relance M. Attindéhou sur son salaire. <<Vous voulez que je dise combien je perçois ? Mais c’est de notoriété. Il y a le décret 2024 -1087. Sauf que je reviens là-dessus, quand on veut bien gérer les choses de la cité, il y a des informations qu’on appelle des informations cloisonnées stratégiques. Et le Bénin n’est pas différent du Togo, du Ghana, de la France, du Canada… >>, relève-t- il en soulignant qu'<<il y a des choses qu’on ne déverse pas sur la place publique.>> . Et comme s’il lui avait été demandé d’être on ne peut plus clair dans un enseignement magistral, il ajoute : <<Attention ! Ce n’est pas parce qu’on ne déverse pas sur la place publique qui fait qu’on n’est plus en démocratie. Nous sommes toujours en démocratie. Sauf qu’en démocratie, la bonne manière de conduire la cité, c’est de pouvoir placer l’information au moment où il faut et là où il faut.>>. L’autre question embarrassante que la journaliste n’aurait, peut-être, pas dû adresser à son interlocuteur, c’est le coût d’un kilomètre de route sous le pouvoir de la Rupture. <<Ce n’est pas à Olivier-Charles Attindéhou de vous dire cela. Parce qu’on dit secrétaire général du Haut commissariat à la prévention de la corruption, je dois vous dire absolument combien coûte un kilomètre de route ?>>, interroge-t-il en répondant tout simplement : <<si le Bénin n’avait pas ce bon taux de notoriété, nous ne pourrions jamais avoir accès aux marchés des capitaux pour faire ce que nous faisons.>>
Le Bénin n’est pourtant pas différent de la France…, selon le Sg du Hcpc Bénin.
Sur le point relatif au prix de routes bitumées sur 9 ans de gouvernance, il faut reconnaître que le secrétaire général du Haut commissariat à la prévention de la corruption, Olivier-Charles Attindéhou et le ministre conseiller aux infrastructures et au cadre de vie, Jacques Ayadji se rejoignent. Ce dernier, dans une émission télévisée ce même dimanche 19 janvier 2025, n’a pas daigné non plus révéler un montant précis des réalisations routières. Sauf que lui, après avoir été secoué, a fait savoir habilement à son intervieweur qu’il ne s’était pas préparé pour un tel exercice avant de se rendre sur le plateau. Mais revenons au decryptage du discours tenu par le Sg du Hcpc, rapporté supra ; lui qui semble maîtriser les principes de transparence <<au Togo, au Ghana, en France, au Canada…>> et qui pense, en des termes à peine voilés, que si le contribuable béninois cherche à savoir le salaire des acteurs à qui il a confié le privilège de la gestion de la cité, il est dans une <<curiosité jouissive>> voire malsaine. Pis, il confie que << quand on veut bien gérer les choses de la cité, il y a des informations qu’on appelle des informations cloisonnées stratégiques>>. À quoi fait-il allusion au juste ? Et puis, la France, parlons-en.
Dans une confrontation des propos de M. Attindéhou, je suis allé dans le moteur de recherche Google et j’ai tapé juste « Salaire Macron ». Que n’ai-je pas eu comme informations de divers médias sur ce que gagne le premier des Français aujourd’hui ! L’article qui m’a d’ailleurs le plus amusé et je voudrais le partager avec le secrétaire général du Haut commissariat à la prévention de la corruption, c’est celui du site ouest-france.fr publié en septembre 2021, intitulé : <<Le salaire d’Emmanuel Macron est-il plus élevé que celui des autres chefs d’État ?>>. Dans le chapô, on peut lire : <<Lors de la visite d’Emmanuel Macron à Marseille, des écoliers ont interrogé le président de la République sur son salaire. L’intéressé a répondu spontanément en déclinant son salaire mensuel net, avant et après retenue de l’impôt à la source. Nous avons comparé sa rémunération avec celle d’autres chefs d’État.>> Et plus loin dans le corps du texte, <<Combien vous gagnez d’argent ?, c’est la question directe posée à Emmanuel Macron par une écolière marseillaise jeudi 2 septembre. Sous les rires des autres enfants, le chef de l’État a répondu qu’il était payé comme président de la République, avant le prélèvement à la source, environ 13 500 €, et de détailler qu’il restait 8 500 € après le prélèvement de l’impôt.>>. Au média d’ajouter que <<c’est une information publique>> avant de dévoiler : << le salaire du président de la République est d’environ 15 200 € bruts mensuels, ce qui fait un salaire annuel de 182 400 € (162 000 € net)>>. Espérant que nous avons tous bien noté l’auteure de la question, et sans qu’elle ne soit bêchée ou que le président de la France n’ait éprouvé une grosse gêne parce qu’il aurait détecté <<une curiosité jouissive>> chez cette écolière.
Dans un autre article publié le 17 mai 2024, le site d’information Notretemps.com qui citait une publication de Libération, la veille, placarde : <<Le bulletin de paie d’Emmanuel Macron dévoilé: voici tous les détails du salaire du président>> avec en support le bulletin de paie. <<Emmanuel Macron touche 16 039 euros bruts par mois, un salaire qui intègre plusieurs postes et indemnités. Certaines lignes ont toutefois été grisées, ce qui empêche le calcul du net>>, lit-on par ailleurs. Le cas Macron n’est qu’un parmi tant d’autres sur la toile. Mais comme le dit un adage yoruba, pourquoi cherchons-nous loin ce qui est tout près, sous nos yeux ? Pour quel but ou à quelles fins avait-on alors rendu publics, au Bénin, les salaires des secrétaires généraux, secrétaires généraux adjoints, directeurs de cabinet, directeurs adjoints de cabinet des ministères ainsi que des préfets, secrétaires exécutifs et consorts, est-on tenté de demander au secrétaire général du Haut commissariat à la prévention de la corruption. Est-ce par <<curiosité jouissive>> ou malsaine de la population béninoise ?
Et pour finir…
Docteur en sciences politiques, M. Attindéhou, comme vous avez su bien le dire dans une émission, sur radio Sèdohoun, en novembre 2024, dont j’ai croisé sur internet le compte rendu lors de mes fouilles dans la préparation de la présente rédaction : <<…les enjeux actuels sont directement rattachés à la nécessité de lutter contre la corruption mais de prévenir aussi cette corruption>>. La lutte contre_ou pour la prévention de_ la corruption, ne doit donc pas concerner que les autres citoyens non impliqués directement dans la gestion de la cité. Elle ne doit pas se limiter aux professionnels des médias, aux policiers, aux douaniers, aux magistrats ou aux acteurs impliqués dans la manipulation de produits chimiques ou leurs dérivés après une explosion… Du reste, elle doit commencer par vous. Et l’efficacité de cette lutte passe nécessairement par la transparence en amont, dont la déclaration de son salaire et de son patrimoine est un aspect très important, qui ne doit nullement être vu comme <<une curiosité jouissive>> ou malsaine. Tenez ! Si le Béninois lambda ne sait pas que vous gagnez, peut-être 3 millions de Francs Cfa mensuellement, et du jour au lendemain il vous voit tantôt au volant d’une Ferrari, tantôt d’ une Lamborghini, comment peut-il vous dénoncer aux structures compétentes ? N’est-ce pas là le début de la lutte ? Ou bien sont-ce les Opj et la justice qui ont l’exclusivité de la lutte contre la corruption ou pour sa prévention ? De quoi avez-vous peur pour dire publiquement, et non exhiber de manière ostentatoire, votre salaire ? Pour ne pas donner du tournis aux gens ou pour éviter de vous attirer de probables regards malveillants d’esprits retors? Rassurez-vous, les préfets, les Se, les Sg, Sga, Dc et Dac jouissent tranquillement de leur paie, en dépit de la divulgation.
Jacques BOCO