Si l’écriture est arrivée tardivement, comme un besoin trop longtemps refoulé, l’auteur Michel Tourscher n’a pas eu à chercher bien loin la matière de ses histoires. Commandant de police ayant exercé à Paris, sur la Côte d’Azur puis au Bénin comme coopérant au sein de la Police Républicaine, il a eu largement le temps d’être confronté à ce que l’homme portait de plus sombre en lui et heureusement de plus lumineux aussi. Avec quatre romans à son actif dont « Flics requiem » vainqueur du prix VSD du polar et dont l’adaptation est sortie sur Netflix en février 2025 , ses fictions ne visent pas à dénoncer ou à exorciser quelques démons enfouis. Juste à raconter une histoire dans laquelle le lecteur pourra s’immerger et partager les sentiments de tous les protagonistes.
Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)
À ma fille
Ma chérie,
La nuit dernière, j’ai fait un rêve.
Un rêve étrange et pénétrant pour reprendre les vers du poète Paul Verlaine parce que je ne vois pas d’autres mots susceptibles de mieux le décrire. La différence notable, c’est qu’il ne concernait pas une femme, mais la femme dans toutes ses représentations de mère, d’épouse, de confidente, de travailleuse… toutes celles que tu deviendras un jour, ma fille.
C’était un drôle de rêve, un de ceux où la fiction embrasse la réalité au point que ce matin encore, ses images dansent toujours devant mes yeux et que j’ai l’impression de ne plus distinguer ce qui relève du monde présent ou de l’imaginaire.
Oh, bien sûr, je ne voudrais pas te paraître grandiloquent. Je sais bien que ces visions nocturnes, certes un peu naïves, sont loin de posséder la force et la puissance de celles du pasteur Martin Luther King où il imaginait une terre débarrassée du racisme et de la discrimination. Pourtant, je me dois de protéger ces images, de les conserver en moi, car je ne pourrais continuer à aimer ce rêve que tant que je le tiendrais pour réalité.
Je vois déja tes sourcils se soulever et tu dois te demander si je n’ai pas trop abusé de boissons fermentées lors de ma sortie hier soir, mais rassure- toi, ce n’est pas le cas. Alors, pose ton cartable et écoute-moi te relater l’histoire un instant. Après tout, nous disposons encore de quelques minutes avant que je te conduise à l’école.
Bizarrement, ce rêve a débuté au moment où retentissait la sonnerie du réveil sur mon Smartphone. La nuit avait été courte et pourtant je me sentais en pleine forme. Même les courbatures que je traîne depuis un moment paraissaient s’être volatilisées. J’ai posé les pieds au sol et me suis approché de la fenêtre pour savourer enfin la chaleur des premiers rayons du soleil sur mon visage car depuis une semaine, de violents orages s’étaient succédé sur Paris. Un véritable déluge qui avait fait sombrer la ville dans le froid et l’obscurité, comme pour la punir de tous ses péchés. Et aujourd’hui sonnait enfin ce qui ressemblait à la fin de ce châtiment.
Comme d’habitude, je suis passé ensuite à la cuisine me préparer mon premier café de la journée. La maison était endormie et rien ne semblait pressé. Alors, je me suis confortablement installé dans le salon, allumant dans le même temps la TV pour me brancher sur une de ces fameuses chaînes d’informations en continu qui vous débitent une catastrophe à la minute. J’en étais encore à me demander quels nouveaux malheurs avaient bien pu se déverser durant la nuit sur notre pauvre terre quand le présentateur a annoncé avec un large sourire que les présidents russes et ukrainiens avaient signé un accord de paix. L’image a sauté sur deux femmes qui se donnaient l’accolade. J’ai failli renverser mon café sur le canapé en lisant leurs noms en incrustation: Olga Pavlovnava, présidente de la Fédération de Russie et Olena Roschina Cristina, présidente de la République d’Ukraine.
Tu imagines ma surprise. J’ai même pensé m’être trompé de canal et que je visionnais un film. Mais non, c’était là, bien réel. Un nouveau bandeau a défilé en bas de l’écran. La présidente des États-Unis, Rachel McAdams se réjouissait de cet accord. Sous le choc, j’ai zappé frénétiquement pour m’arrêter sur l’annonce d’un représentant français du palais de l’Élysée. Cette fois, j’avais bien à faire à un homme, mais quelle surprise quand il a déclaré qu’au nom de l’union européenne, la présidente Pauline Leblé, venait de signer avec Christine Quenum, présidente de la république du Bénin et de l’union africaine, d’importants accords en matière d’éducation, de santé, de commerce qui respecteraient chacune des parties.
Sur toutes les chaînes, c’etait la même chose. Idem sur mon Smartphone. Soudan, Yemen, Haïti, Proche Orient… De toutes parts, les femmes avaient accédé au pouvoir. Ce fantastique élan avait permis de résoudre sinon de réduire les tensions et les conflits qui ravageaient le monde. Sur certaines chaînes, des intellectuels, des psychologues tentaient d’expliquer ces résultats. Selon eux, ils étaient dûs aux capacités d’empathie et de compréhension des femmes, à leurs compétences en communication et en négociation, à leur sensibilité ainsi qu’au leadership qu’elles avaient enfin pu acquérir à force de travail et de persévérance. De plus, ces qualités qu’elles avaient aussi mis en oeuvre dans les Forces armées et de sécurité avaient inspiré des milliers de jeunes filles notamment celles vivant dans les communautés touchées par la violence. Bien sûr, ces aptitudes auraient pu, auraient dû s’appliquer aussi aux hommes, mais le fait était là. Ils avaient échoué et c’était les femmes qui avaient ramené la paix tant attendue.
Voilà, tu comprendras un peu mieux pourquoi ce matin, incapable de retenir ce rêve, je me suis éveillé merveilleusement bien avec un sentiment de sérénité et d’apaisement que je n’avais plus ressenti depuis longtemps. Et la première personne avec laquelle j’ai voulu partager ce moment, c’est toi ma fille, parce que je sais maintenant que le poète Aragon a raison lorsqu’il dit que la femme est l’avenir de l’homme.
Alors, pour que ce rêve ne se transforme pas en mensonge s’il ne se réalisait pas, c’est à toi et à tes soeurs qu’il appartient maintenant de rendre notre monde meilleur. Et moi ton père, comme des millions d’autres, je serai toujours présent à tes côtés pour t’y aider.
Avec amour,
Ton papa Michel
