Au Bénin, la mise en place d’un registre périnatal dans quatre maternités, dans le cadre de l’initiative ALERT, est devenue comme un miroir dans lequel les professionnels de la santé voient le reflet de leurs pratiques, apprennent sur leurs forces et les dysfonctionnements, améliorent la qualité des soins et réduisent les décès maternels et néonatals. Enquête.
Fulbert ADJIMEHOSSOU (Coll. Ext)
Mireille ne s’en revenait pas. Sage-femme dans un hôpital confessionnel à Porto-Novo, elle venait de recevoir le point des indicateurs sur les pratiques de soins relevés par le registre périnatal déployé dans sa maternité par le Centre de recherche en reproduction humaine et en démographie (Cerrhud).« J’ai été scandalisée quand on nous a fait toucher du doigt le travail que nous faisons et tout ce qu’il y a comme anomalies », confie-t-elle.
Les observations paraissent banales, mais présentées sous forme de données, elles attirent l’attention sur des points d’amélioration. Gynécologue dans le même hôpital, Dr Armande Godjo Honfo était elle aussi, à la fois stupéfaite mais heureuse de disposer de ces données pour améliorer la qualité des soins administrés à la mère et au nouveau-né.
« On constate que sur une période donnée, les tensions ou les bruits du cœur n’ont pas été mesurés pour certaines patientes. Ce qui est pourtant fait. Là, on attire l’attention des sages-femmes sur la nécessité de consigner immédiatement les soins prescrits et exécutés dans les dossiers médicaux », explique-t-elle.
Jusque-là, les maternités béninoises exploitent en grande majorité de registres sous format papier, rangés par la suite dans des armoires. « Les professionnels de santé passent beaucoup de temps à documenter les supports physiques alors qu’ils doivent aussi s’occuper des patients », explique Christian Agossou, statisticien au Cerrhud.
Une belle expérience de digitalisation
En attendant que le vent de la digitalisation des services publics n’emballe les formations sanitaires à ce point, le régistre périnatal électronique déployé par l’initiative Action Leveraging Evidence to Reduce Perinatal Mortality and Morbidity in Sub-Saharan Africa (Alert) dans les maternités du Bénin, du Malawi, de la Tanzanie et de l’Ouganda , est une belle expérience de digitalisation.
Des tablettes ont été mises à disposition des personnels de santé des maternités bénéficiaires, avec une application de collecte de données développée sous REDCap. Les sages-femmes étaient invitées à remplir, pour chaque femme prise en charge ou ayant accouché dans la maternité, son dossier médical via cette application. Une fois la saisie faite, les données sont vérifiées par le gynécologue ou un médecin du service pour s’assurer de leur complétude et de leur qualité.
Maxime Cohoun, surveillant général et statisticien dans l’un des hôpitaux bénéficiaires, affirme que le dispositif n’était pas une charge de travail supplémentaire, encore moins compliqué à utiliser. « Nous savons tous utiliser une tablette ou un téléphone Android. Et le dispositif est semblable à ces outils connectés que nous possédons. Ce n’est rien d’extraordinaire. Si déjà quatre hôpitaux au Bénin ont pu l’utiliser, tous les autres peuvent le faire », ajoute-t-il.
Des données facilement accessibles
Durant toute la période de l’initiative, le registre périnatal électronique a permis de documenter les soins prénatals, le travail d’accouchement et également les soins postnatals de toutes les femmes ayant accouché dans ces maternités d’une grossesse d’au moins 28 semaines d’aménorrhée et d’un nouveau-né pesant au moins 1 kg.
Sont suivis le nombre d’accouchements, le nombre de décès maternels et périnatals enregistrés, la qualité du suivi intrapartum, le délai entre la décision et la réalisation d’une césarienne, ainsi que les principales complications observées.
Pour Christian Agossou, les équipes de soins peuvent ainsi facilement mesurer les progrès réalisés et les changements observés dans les pratiques de soins. « Par exemple, ils peuvent apprécier si le délai entre la prise de décision pour une césarienne d’urgence et l’accouchement est en train de se réduire. Ou encore, si les mortinaissances enregistrées diminuent au fil du temps, sans devoir commanditer des études », précise le statisticien.
Les prestataires peuvent alors se poser les bonnes questions au niveau structurel et identifier des dysfonctionnements qui ne relèvent pas uniquement de la maternité. « Nous faisions les enregistrements manuellement. Chacun écrivait à sa manière, et c’était difficile à lire. Mais avec le registre périnatal électronique, nous identifions plus facilement les problèmes et les centralisons vers la direction pour des analyses afin de trouver des solutions idoines, au cas par cas. Le e-registre nous a encore plus facilité le travail », ajoute Cohoun.
Cette expérience devrait être étendue à d’autres formations sanitaires dans un pays en pleine ascension dans le domaine du numérique, mais où près de 400 femmes meurent chaque année pour 100 000 naissances.