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Phénomène des hommes battus : L’autre tabou des violences basées sur le genre

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A bien d’égards, les violences basées sur le genre constituent un frein à l’égalité et au respect des droits humains. Au Bénin, les nombreuses dispositions légales contre les inégalités témoignent de la volonté des autorités à garantir aux citoyens leurs droits sans distinction de sexe ou d’appartenance quelconque. Toutefois, les violences affligées aux hommes restent, à tort ou à raison, peu abordées.

Par Michèl GUEDENON (Collaborateur)

La lutte contre les violences basées sur le genre connaît depuis 2016 des avancées considérables au Bénin. Toutefois, les dispositions légales et institutions de protection semblent plus se pencher sur le cas de la Femme, écartant ainsi la probabilité qu’un homme puisse être agressé d’une manière ou d’une autre. Or, comme les femmes, nombreux sont aussi les hommes victimes des violences physiques, émotionnelles, psychologiques, sexuelles, financières,… Plusieurs raisons expliquent le fait que cet aspect demeure moins ou presque pas médiatisé. D’abord, il est important de souligner que dans la plupart des cas, les hommes victimes n’arrivent pas à se confier à leurs proches ou toute autre personne par peur d’être ridiculisés. A en croire Sandrine Liliose Chikou, docteure en Socio-Anthropologie et enseignante chercheuse à la Faculté des sciences humaines et sociales (Fashs), la majorité de ces hommes ont peur de ne pas être pris au sérieux. « Il y a aussi et surtout les stéréotypes sociaux qui font des hommes des êtres nés pour encaisser sans se plaindre, destinés à dominer et à ne pas jouer les victimes. Même quand le petit garçon pleure, on lui dit déjà qu’il doit cesser de le faire et être fort », remarque-t-elle. Ainsi donc, les hommes ont-ils honte de dénoncer ou de se confier quand ils se retrouvent dans de telles situations. Selon Jérémie Orou Timothée, psychothérapeute et spécialiste de la famille et du mariage, les hommes sont plus confrontés aux violences psychologiques que celles physiques. « Il y a beaucoup de cas qu’on voit tous, mais la société reste silencieuse dessus et aucune disposition légale n’est prévue pour réprimander cela. », précise-t-il. Pour lui, bien qu’elles soient moins abordées, les violences psychologiques sont plus destructrices que les agressions physiques.

Une bagatelle qui bousille des vies

Plusieurs facteurs peuvent conduire une femme à violenter son homme. Selon Henri Sohoungan, la situation financière, l’éducation dite « de rue » reçue et priorisée sur celle familiale, la jalousie, le manque de communication et de confiance, l’envie de s’imposer, et aussi l’impatience sont quelques-unes des causes des violences basées sur le genre. Cependant, outre les violences physiques, qui ont les mêmes conséquences sur la femme et sur l’homme, celles morales, sexuelles, ou financières, impactent différemment les deux sexes, en dépit des points communs. Les hommes violentés psychologiquement, sexuellement ou financièrement finissent généralement par se renfermer sur eux-mêmes, par s’isoler complètement et à fuir leur propre foyer qui, pour eux, représente un brasier. Ainsi devient risquée l’éducation des enfants. Comme sentiments conduisant à des troubles psychologiques très alarmants pour lesquels les victimes nécessitent une prise en charge rigoureuse, Jérémie Orou énumère la colère, la honte, la déception et le découragement. Selon le psychothérapeute, dans ces conditions, quand l’homme n’arrive pas à s’extérioriser à la bonne personne pour bénéficier d’un soutien moral, les risques sur la santé sont légions et varient entre le stress, l’anxiété, la dépression, la baisse des capacités décisionnelles, l’hypertension, l’AVC, les addictions, la perte de confiance en soi, les délires mentaux, l’autodestruction (les idées suicidaires),… En outre, nombreux sont les hommes qui perdent leur boulot, soit à cause du manque de concentration suite aux tensions du foyer, soit parce que leurs femmes ne cessent de se plaindre à leurs patrons ou de débarquer dans leurs lieux de travail pour réclamer de l’argent malgré leur situation financière.

Des témoignages bouleversants

Psychologue et conseillère conjugale, Isabelle Gandaho Kindjinou confie avoir récemment traité un homme régulièrement battu par sa femme. A ses dires, tout a commencé par des disputes incessantes au cours desquelles la femme a toujours prouvé sa puissance en injuriant l’homme. Elle ne manquait pas de rejeter publiquement les avis et décisions de l’homme. Finalement, elle est allée jusqu’à le battre. Celui-ci n’arrivait pas à s’imaginer qu’il avait été frappé par sa femme. Les faits s’aggravant, l’homme s’est vu obligé de tout arrêter pour vivre mieux ailleurs. Jérémie Orou évoque le cas d’un autre homme à qui la femme révèle lors d’une dispute qu’il n’est pas le vrai géniteur de leurs enfants, car incapable de provoquer une grossesse.  « Les tests de spermogramme effectués ont confirmé une azoospermie chez l’homme dont le benjamin des enfants qui lui sont attribués est déjà à l’université, les autres hors du pays pour des études. La femme a eu la garde des enfants et l’homme a récolté des revers sanitaires sérieux. » Henri Sohoungan révèle un cas toujours en cours. « Gravement malade, paralysé et faible physiquement, l’homme n’arrive plus à se tenir sur ses pieds. Malgré son état, sa femme le contraint à satisfaire ses envies sexuelles. Ne pouvant y arriver avec son état, l’homme est maintenant face à des critiques et jugements de la société, des gens du quartier à qui la femme a raconté la dysfonction érectile du mari en question. A ce niveau, l’on se demande comment le couple a eu ses enfants s’il s’avère que l’homme est impuissant.

Malgré les nombreux cas signalés des hommes qui arrivent à faire connaître leur souffrance, « aucune disposition, au niveau du code des personnes et de la famille, ne prévoit que l’homme peut être violenté », fait savoir Jérémie Orou, spécialiste de la famille et du mariage.

« Le combat féministe, c’est pour les deux sexes »

L’existence de l’Institut national de la femme et pas celui des hommes, ou toute autre institution de protection de l’homme, semble constituer une preuve de ce que sont considérées comme seules victimes des violences basées sur le genre les femmes. A cela, Angela Kpeija, journaliste spécialisée dans les questions de santé, qui s’investit désormais dans la lutte contre les violences basées sur le  genre, fait savoir que toutes les violences subies par les femmes sont également affligées aux hommes. Elle rappelle quelques cas du passé et des situations vécues par des hommes à qui elle a apporté son soutien tel qu’elle le fait pour les femmes. Toutefois, a-t-elle précisé, c’est le nombre alarmant des victimes féminines et le silence des institutions compétentes, surtout dans le cas des violences sexuelles, qui fait que l’on sensibilise plus sur les violences faites aux femmes. A l’en croire, l’Institut national de la femme (Inf) est créé dans une seule option, celle d’harmoniser les relations entre les genres. « Ce qui se fait à l’Institut National de la Femme, c’est aussi pour le garçon, pour l’homme. Parce que le mouvement féministe, c’est vraiment pour supprimer les inégalités, pour améliorer le vivre ensemble, la cohabitation des deux sexes. », fait-elle savoir, tout en précisant qu’il s’agit aussi de conscientiser les femmes sur le fait que toutes les charges du foyer ne reviennent pas exclusivement à l’homme. La spécialiste des questions relatives aux Vbg fait constater que les stéréotypes sociaux, qui ont tendance à priver les hommes des réactions naturellement humaines (les pleurs, les plaintes,…) sont les vraies raisons du silence observé par ceux-ci. « Il ne faut pas écouter cette société-là. Acceptez de vous battre pour être libre face à elle. Sinon, c’est elle (la société) qui vous brise. C’est aussi bien chez la femme que chez l’homme. », admet-elle.

En considération de ces données, il est évident que les hommes souffrent aussi le martyr dans plusieurs foyers. L’absence à ce jour de dispositions légales pour protéger ces derniers pourrait être repensée pour un meilleur équilibre dans le respect des droits. Et comme l’a su expliquer Angela Kpeidja, les hommes, étant les seules personnes mieux placées pour faire connaître leurs vécus, devraient commencer à dénoncer, puisque le but de la lutte contre les Vbg est d’éradiquer toutes les violences sans distinction aucune.

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