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Paysage éducatif : AME : entre passion, opportunité du moment et défis

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Le Bénin a enregistré un tournant dans le secteur éducatif avec l’introduction du terme « Aspirants au Métier d’Enseignant » (Ame). C’est un système qui consiste à recruter des jeunes diplômés pour combler les manques d’enseignants dans les écoles primaires et les collèges publics. Bien que certains n’éprouvent pas le besoin d’un parcours à long terme, ils apportent néanmoins une nouvelle dynamique au secteur de l’enseignement qui en a vraiment besoin.

Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll.)

Une nouvelle génération d’enseignants. Dans les établissements scolaires et universitaires, leur nouvelle appellation attire les attentions.  Les Aspirants au métier d’enseignant (Ame) occupent de plus en plus le champ lexical de l’éducation au Bénin. Une vocation pour certains et une passerelle pour d’autres. Dans tous les cas, leur engagement témoigne d’une volonté de participer activement à la formation des jeunes générations. «Avant l’arrivée des Ame, certains enseignants semblaient plus distants et moins dynamiques. Mais avec les jeunes, on sent qu’ils s’investissent davantage, qu’ils veulent vraiment que nous réussissions », avoue sans complaisance Rita, élève en classe de Tle au Ceg Toffo. Dans le même sens, Aminata, élève en Première littéraire pense que : « les Ame apportent de la nouveauté, mais ils ont aussi un côté plus accessible. Parfois, il y a des moments de complicité, ce qui n’était pas aussi fréquent avec les enseignants plus âgés ». Abdoulaye, élève en 1ère au Ceg Toffo clame : « les Ame en général, et ceux qui nous dispensent des cours en particulier, sont jeunes, donc plus proches de nous. Ils comprennent mieux nos préoccupations, notamment avec l’ère numérique et les défis de la vie scolaire. Les enseignants plus âgés sont parfois moins en phase avec notre époque, mais avec les jeunes Ame, on sent une connexion ».

De façon générale, les Ame sont également perçus comme plus motivés, rendant l’apprentissage plus aisé. Cependant, certains élèves soulignent qu’ils manquent parfois d’expérience et de l’autorité des enseignants plus âgés. Globalement, les élèves voient l’arrivée des AME comme un renouveau positif, espérant que cela améliorera le climat scolaire et l’adaptation de l’enseignement aux défis actuels.

Un choix qui n’était pas toujours un rêve

Quant aux enseignants, ils ont leur idée sur le nouveau phénomène des AME. Pamphile Azonyi, Ame en Mathématiques au Ceg Zè dans le département de l’Atlantique confie au détour d’un entretien : « j’ai toujours eu un intérêt pour le partage des connaissances et aider les autres à apprendre est un plaisir. Cependant, devenir enseignant n’était pas nécessairement un projet mûri de longue date. Les circonstances, notamment les opportunités qui se sont présentées, m’ont permis de m’engager dans cette voie. Une fois dans le métier, j’ai découvert une réelle vocation pour cette carrière ». Comme lui, nombreux sont ces jeunes AME qui ont vu leur choix se tourner vers le chemin de la craie malgré un désintéressement quand ils étaient jeunes.  « Il n’y a vraiment pas de lendemain sûr après de longues années d’études. Nous vivons la peur au ventre. Nous avons peur du lendemain. Manger est difficile et ça se complique davantage », se lamente Rosemonde, Ame, dans une EPP de la place. « C’est vrai que c’est un métier noble, mais en venir à exercer ce métier sans amour, sans passion mais pour seulement une occupation et de l’argent, c’est comme pécher ; mais on n’a pas le choix, on y est en attendant autre chose de mieux et de meilleur », fait savoir Arnaud, lui aussi, Ame.

Cependant, dans le lot, il y en a qui sont bien passionnés par l’enseignement et devenir AME aujourd’hui était un vœu qu’ils caressaient depuis l’enfance. C’est le cas par exemple de Valentin Akodédjro, Ame en Français au Ceg Savi-Gakpé dans la commune de Ouidah. « J’ai toujours voulu être enseignant. Et c’est ce désir ardent qui a fait que lorsque je suis arrivé sur le campus, j’ai fait les Lettres Modernes. J’ai eu la chance de voir ce rêve se réaliser en devenant enseignant », a-t-il avoué, tout confiant et serein.

Les défis de l’Ame et des approches de solutions …

En définitive, qu’ils soient passionnés ou pas, du moment où ils portent le titre d’Ame, ils rencontrent au quotidien des défis. Pamphile Azonyi confie : « les principales difficultés ont été d’adapter mes méthodes pour répondre aux besoins variés des élèves, gérer une classe et gagner la confiance des élèves et des parents malgré mon jeune âge. Pour surmonter cela, j’ai suivi les conseils de mes collègues expérimentés, observé leurs pratiques, et appris par l’expérience. La préparation minutieuse des cours et l’établissement d’une relation basée sur le respect avec les élèves ont aussi été essentiels ». Pour Valentin, les défis sont quasiment les mêmes et l’approche la plus pressante est de vaincre la peur de se présenter devant un parterre d’élèves, prêts à ricaner ou à rigoler en cas de placement d’un mauvais mot.

Des rêves d’avenir

Contrairement à Rosemonde, Arnaud et consorts qui, lorsqu’une opportunité de taille se présenterait à eux, laisseraient, sans aucun doute la craie, Pamphile Azonyi, lui, semble retrouver l’appétit en mangeant comme le dit si bien l’adage populaire. « Je souhaite continuer à développer mes compétences pédagogiques et évoluer dans le système éducatif pour occuper des fonctions avec plus de responsabilités, comme devenir conseiller pédagogique ou formateur. A long terme, j’aimerais contribuer à la réforme du système éducatif pour qu’il soit plus inclusif et adapté aux besoins des élèves d’aujourd’hui », dévoile le mathématicien.

Mais en attendant, ces Ame plaident, par ailleurs, pour un accompagnement renforcé, notamment par des programmes de mentorat ou des formations continues, de meilleures conditions de travail, des classes moins surchargées, et une reconnaissance salariale plus juste qui permettraient de motiver davantage les jeunes enseignants. « Le salaire est modeste. Je fais attention à mes dépenses et je cherche des moyens d’optimiser mes revenus », fait savoir Pamphile. D’ailleurs, il donne des cours particuliers de maison sans oublier ses activités champêtres, et aussi du commerce, toujours dans le but de compléter ses ressources financières.

Relation avec l’administration et les collègues !

Sur tout un autre plan, pour la plupart des Ame notamment Pamphile Azonyi, Valentin Akodédjro, la collaboration avec l’administration et leurs collèges se passe bien. « Mes relations avec l’administration et mes collègues sont globalement bonnes. Je fais preuve de respect et d’humilité, ce qui facilite les échanges. J’apprends beaucoup de mes collègues plus expérimentés et ils apprécient aussi mon enthousiasme et mes idées nouvelles. Chaque jour est une nouvelle occasion d’apprendre et de m’améliorer », fait entendre Valentin. En somme, les Aspirants au Métier d’Enseignant jouent un rôle important dans la transformation du système éducatif public béninois. Leur jeunesse, leur dynamisme et leur capacité à s’adapter aux exigences du métier apportent un vent de fraîcheur dans les établissements scolaires du pays. Si les défis restent nombreux, notamment en termes de formation, de conditions de travail et de rémunération, les Ame sont néanmoins déterminés à bâtir un avenir meilleur pour l’éducation au Bénin. Et avec l’accompagnement et la reconnaissance nécessaires, cette nouvelle génération d’enseignants pourrait bien être la clé de la réforme éducative attendue.

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