Les règles arrivent chaque mois chez les filles. Mais le sujet reste tabou et le silence fait mal. En effet, il empêche de parler, d’apprendre et de bien vivre ce moment naturel. Voici des témoignages pour comprendre ce malaise et proposer des pistes de changement.

Samirath MOUMOUNI
Un moment gênant ! La plupart ressentent de la honte à l’apparition des premières règles. C’est un moment fort, souvent marqué par la peur, la honte ou la surprise. « Un souvenir horrible, je n’étais pas préparée à cela. J’ai caché mes règles à ma mère pendant une semaine. Je pensais que c’était une maladie grave », confie Mariane Doubogan. De son côté, Érica Anagonou raconte avoir grandi dans une famille où la sexualité était un sujet extrêmement tabou, rendant impossible toute discussion sur les règles. « Aujourd’hui, je peux en parler avec mes amis ou mon couple, mais pas avec mes parents », explique-t-elle. La peur de la découverte est encore très présente : « Je cachais toujours mes règles, je ne voulais pas qu’on sache, et je ne lavais pas mes protections quand mes parents étaient à la maison », raconte une autre jeune fille. Certaines ont même vécu des situations marquantes liées à ces croyances : « Une fois, j’ai fait à manger, mais mon père n’a pas mangé, car dans notre famille, quand une femme est réglée, les hommes ne doivent pas manger ce qu’elle cuisine », témoigne une autre. « Ce silence autour des règle s’enracine dans des représentations culturelles anciennes, où le corps féminin était perçu comme impur, gênant ou honteux », explique Rachel Yabi, psychologue clinicienne. « Cela conditionne les filles dès leur plus jeune âge à taire ce naturel.
Tabous et croyances pèsent encore
Ces témoignages traduisent une réalité sociale : les menstruations sont encore enveloppées d’un lourd tabou. « C’est souvent lié à des situations familiales tendues, à des parents sous-informés, ou à des traditions culturelles », explique Érica. Les fausses croyances persistent : « Beaucoup pensent que les règles sont une impureté spirituelle, que la femme est “souillée” pendant cette période », rappelle la sage-femme Céline Amouyewa. Ce poids culturel pèse aussi sur les filles et les femmes au quotidien : « Certaines familles considèrent la menstruation comme un sujet honteux, et cela influe sur l’accès aux soins et au dialogue », ajoute-t-elle.
Le silence sur les règles crée gêne et isolement
La gêne et la honte ne disparaissent pas avec l’âge. « J’ai souvent ressenti la peur d’être tachée, depuis le collège jusqu’à l’âge adulte », confie Francesca. Et même dans la vie adulte, les tabous restent bien ancrés : « Les mentalités changent doucement, mais la honte reste, parfois inconsciemment », constate-t-elle. Ce silence conduit à un isolement réel : « On apprend aux filles à se cacher, à ne pas en parler. Certaines sont exclues d’activités quand elles ont leurs règles, ce qui crée un mal-être », souligne la sage-femme.
Pour certains garçons, la méconnaissance et les stéréotypes renforcent cette situation. « À l’adolescence, je trouvais les règles dégoûtantes, et mon copain me demandait souvent de rester loin de lui pendant cette période », confie une jeune fille. Oumar Savi, lui, explique : « On n’en parle jamais dans l’éducation des garçons, pourtant ça devrait être ouvert, pour que les femmes ne se sentent pas seules ».
Les hommes entre ignorance et changement
Pour beaucoup d’hommes aussi, les règles restent un sujet peu abordé et mal compris. « Je savais que c’était un saignement mensuel, mais on en parlait rarement », témoigne Ismail. « C’est un sujet tabou aussi à cause des religions, qui assimilent la menstruation à l’impureté », ajoute Ziad.
Pourtant, certains notent une évolution : « Sur les réseaux, je vois de plus en plus d’hommes qui soutiennent leurs compagnes, qui prennent soin d’elles pendant leurs règles », observe Grâce.
Parler des règles libère les femmes
« Une élève de terminale m’a un jour écrit : “S’il vous plaît, aidez-moi à calculer mon cycle. Je ne sais pas comment faire”. Cette demande prouve à quel point le sujet reste méconnu, même à un âge avancé », confie la psychologue. Malgré les tabous persistants, les mentalités évoluent doucement. « Aujourd’hui, je transmets une parole différente à la jeune génération : leur corps grandit, c’est normal, il ne faut pas avoir honte », explique Érica. Céline, sage-femme, insiste sur la nécessité d’actions concrètes : « Il faut des campagnes d’information, du dialogue dans les familles et les écoles, pour que les règles soient enfin vues comme ce qu’elles sont : un processus naturel, sans honte ni silence ».
Libérer la parole sur les menstruations, c’est ouvrir la voie à un mieux-être pour des milliers de filles et de femmes. Cela passe par une meilleure éducation, le soutien des proches, et la fin des croyances erronées. Le chemin est encore long, mais le poids de la honte peut et doit être allégé.