Le mariage, en tant que contrat, « ne profite ni ne nuit aux tiers qui sont les membres de la famille du conjoint défunt ». C’est la conviction de maître Richard Adékou, avocat au barreau du Bénin, qui profite pour insister sur le moment où le choix du régime matrimonial doit se faire par les époux. Il les éclaire donc sur l’étape des préparatifs du mariage au cours de laquelle ils doivent s’entendre sur la manière dont ils comptent gérer leurs biens pendant le mariage et en cas de dissolution.

Fraternité : Quels sont les préalables que doivent régler les futurs époux avant de se présenter devant l’officier d’état civil pour la célébration du mariage ?
Me Richard Adékou : En République du Bénin, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme célébrée par l’officier d’état civil. Il est précédé de plusieurs étapes fondamentales que formelles. Il faut d‘abord être un homme et une femme âgés de dix-huit (18) ans révolus, à défaut, bénéficier d’une dispense judiciaire. En tout état de cause, les futurs époux doivent disposer de toutes leurs facultés psychiques, psychologiques et mentales. Ensuite, il importe de procéder aux fiançailles. Elles se traduisent par la connaissance mutuelle des familles au cours de laquelle les deux partenaires, qui ont consenti à la promesse de mariage, deviennent des fiancés. Enfin, il revient aux futurs époux de choisir le régime matrimonial devant s’appliquer au contrat de mariage. En l’absence d’un tel choix, le mariage est supposé être régi par le régime de la séparation des biens. Ainsi, se résument les préalables que doivent observer les futurs époux avant de se présenter devant l’officier d’état civil.
Vous évoquez le choix du régime matrimonial par les futurs époux. Pensez-vous qu’ils y sont réellement préparés ?
Le mariage est un contrat, rappelons-le. Il est conclu librement, de manière éclairée et solennelle. Ainsi, les futurs époux ont une connaissance approfondie sur le régime matrimonial choisi, ses effets et portées. Il existe deux types de régimes : la séparation des biens (le régime légal) et le régime conventionnel (communauté réduite aux acquêts et la communauté universelle des biens). Qu’il s’agisse donc du régime de la séparation des biens ou du régime conventionnel, les futurs époux ne manquent point d’en être informés et/ou d’y être préparés. Le régime retenu est consacré par un acte notarié, ce qui implique le respect scrupuleux d’information qu’observe le notaire à leur égard. Tout ce formalisme précédant le mariage, il en découle que les futurs époux s’y sont préparés.
Êtes-vous sûr que cette préparation est effective ?
Cette préparation est effective puisque le contrat de mariage contenant expressément le régime choisi par les futurs époux est rédigé par acte devant notaire. C’est en l’absence d’un tel contrat qu’ils sont réputés mariés sous le régime de la séparation des biens. Il ne peut y avoir de rétention d’information de la part du notaire quant aux effets et portées de chacun de ces régimes lors de leur choix. Il est même prévu que le partenaire qui se sent lésé dans le choix du régime dispose de la faculté de demander sa modification et ce, en l’absence de toute intention dolosive ou de déséquilibre du contrat de mariage. Cette préparation est, à tous points, effective de sorte que les futurs époux ont la liberté et le pouvoir discrétionnaire de décision sur le régime du contrat.
Nous savons que le code des personnes et de la famille a érigé la monogamie comme principe. C’est – à – dire l’union doit être exclusivement entre un homme et une femme. Et contre toute attente, ce n’est pas la communauté des biens qui est promue comme le régime légal mais la séparation des biens. En agissant ainsi, le législateur béninois n’est-il pas incohérent ?
Effectivement, à ce jour, la seule et unique union légalement reconnue en République du Bénin est celle entre un homme et une femme devant l’officier d’état civil. Ce qui constitue la monogamie. Il s’agit d’un principe légal qui n’admet pas d’exception. Une telle prévision, à mon avis, ne manque pas de logique et n’est pas facteur du régime matrimonial. Il s’agit d’une disposition légale prévue de manière discrétionnaire par le législateur. Quel que soit le régime choisi, c’est la monogamie qui est admise. Nous sommes donc en présence d’un ensemble harmonieux sans équivoque.
Pourquoi le législateur n’a pas voulu faire de la communauté des biens le régime légal parce que le mariage est bâti sur la monogamie ? Nous ne sommes plus dans la polygamie où nous pouvons dire que le législateur cherche à protéger les époux.
Je répondrai à votre question en exhortant peut-être à une étude sociologique du régime matrimonial. Il faut y analyser les tenants et les aboutissants au regard des faits réels ; des faits sociologiques. Sinon, d’un point de vue juridique, la monogamie est un régime juridique où un homme ne peut avoir plusieurs conjoints en même temps. La communauté des biens quant à elle suppose un régime qui établit une fusion totale des patrimoines des époux tant antérieurs que ceux acquis pendant le mariage quelle que soit l’origine. La polygamie est l ‘opposé de la monogamie, c’est-à-dire un régime où un homme a plusieurs conjoints en même temps. De ces définitions, l’on note que la prévision du régime de séparation de biens en tant que régime légal n’est pas fonction du type d’union, la seule interprétation émanant de cette disposition procède d’un choix discrétionnaire du législateur.
Quel choix allez-vous opérer pour des futurs époux étant dans l’embarras de déterminer le type de régime qui leur convient ?
Je ne peux pas leur proposer un régime. Je suis praticien du droit et si je le fais, ils pourront dès cet instant se dire, c’est le meilleur choix. Mais cela peut ne pas être le cas, étant donné que chaque couple avec ses réalités. Personnellement, je leur présenterai simplement les types de régimes, leurs contenus, leurs caractéristiques et leurs effets sur le contrat de mariage. De ce développement, ils choisiront ce qui leur semble plus approprié. Ce sera plus libre et éclairé. Comme il est légalement prévu par ailleurs.
En observant la pratique qui consiste à chasser l’épouse du domicile conjugal après le décès de son époux, sous prétexte que le mariage avait été célébré sous le régime de la séparation des biens, n’est – on pas en droit d’indexer le législateur de favoriser un tel comportement social ?
Il y a lieu, avant toutes réponses, de préciser que l’épouse, conjoint survivant ne subit pas de telles violences à cause du type de régime. Le contrat de mariage règle les effets patrimoniaux dans les rapports des époux entre eux et à l’égard des tiers. En tant que contrat, il ne profite ni ne nuit aux tiers qui sont les membres de la famille du conjoint défunt. Il s’agit d’actes répréhensibles qui ne proviennent ni de la réglementation du contrat de mariage des époux ni de celle de la dissolution du lien conjugal. En somme, il n’est prévu nulle part qu’en cas de régime de séparation de biens, les membres de la famille du conjoint décédé peuvent agir en interdisant le domicile conjugal à l’épouse survivante. Le législateur n’est point responsable ni complice de tels actes puisque d’ailleurs, il existe des lois, notamment, le code pénal qui réprime de tels agissements des membres du conjoint défunt.
Pourquoi ce phénomène perdure ?
Ce phénomène perdure à cause de l’ignorance des textes régissant le lien conjugal entre époux. Il est par ailleurs entretenu par la perception sociologique. En effet, sous nos cieux, après un décès, on cherche toujours un bouc émissaire. Et la première personne qui est indexée, quand c’est l’homme qui décède, c’est l’épouse. A cause de cela, la famille de l’époux décédé nourrit l’idée selon laquelle, elle ne doit pas hériter. Elle doit aller chez ses parents. Ceux qui agissent ainsi oublient qu’il y a des descendants. En effet, la loi prévoit qu’en matière de succession, le conjoint survivant a droit au quart et ses enfants ont droit aux trois quarts. Ce sont les héritiers privilégiés et d’ailleurs les seuls reconnus par la loi. Si un membre de la famille s’accapare des biens d’un couple après le décès d’un des conjoints, il peut être poursuivi pour abus de confiance, vol ou toute autre infraction que le procureur pourrait retenir à son encontre. Heureusement, qu’avec la répression plus présente des violences basées sur le genre et les dispositions assurant la protection de l’époux survivant, il est constaté que de tels agissements connaissent et connaîtront davantage une diminution accrue.
Propos recueillis par Vadim QUIRIN