
À tous ceux qui ont connu ce temps là, où la parole était rare mais le regard clair.
À tous ceux qui ont bu l’eau de la rivière, en délogeant les petites bêtes qui y dansaient le cha cha cha.
À tous ceux pour qui le gari à l’ eau sucrée, accompagné de cacahuètes grillées, c’était byzance.
À tous ceux pour qui la résilience n’était pas un mot, mais un mode de vie.
À tous ceux pour qui papou, papounet, dad ou daron étaient des jurons inconnus du vocabulaire.
À tous ceux qui savaient que l’éducation d’ un enfant ne se faisait pas seulement à la maison ou à l’école, mais aussi par tous les cheveux blancs du quartier.
À tous ceux qui se dépêchaient de rentrer de la messe du dimanche, pour donner à manger au totem familial qui, tolérant et bon prince, acceptait l’offrande dominicale.
À tous ceux qui rentraient du foot, la fringale au corps et la tendresse à la bouche : » elle est là la vieille ? « .
À tous ceux qui sont revenus du bal du samedi soir tard, très tard, les pas feutrés, en chuchotant à qui peut répondre : » il dort le vieux ? « .
À tous ceux-là et aux autres aussi, un petit bout d’une Afrique où la fraternité se contait le soir à la veillée, pour apprendre à se donner la main au premier chant du coq.
C’était nous, c’est toujours nous, affranchis du regard de l’autre, pour retrouver la source vitale, là où tout a commencé, là où tout peut se dire et se reconstruire, sous les sourcils apaisés des Mânes de nos Ancêtres, vers une modernité choisie, assumée, et partagée.
Roger Sidokpohou