
C’est déjà les vacances et les enfants se trouvent livrés à eux-mêmes face aux écrans. Entre dessins animés films, séries et autres certains contenus inadaptés s’invitent dans leur quotidien. Ce qui n’est pas sans conséquence sur leur développement. Hippolyte SESSOU, Psychopédagogue et Expert en éducation et formation des adultes, alerte sur les effets pédagogiques et cognitifs de cette surexposition et propose des pistes éducatives concrètes pour encadrer les loisirs numériques des enfants.
Quels sont les impacts pédagogiques et cognitifs de l’exposition des enfants à des contenus violents ou sexualisés pendant les vacances ?
Je vous remercie de l’intérêt que vous portez aux enfants par ces temps de vacances. Vous m’offrez ainsi l’opportunité d’aborder les effets silencieux mais déstabilisateurs de l’exposition des enfants à des contenus violents ou sexualisés.
En effet, après huit mois de travail scolaire intense, les vacances représentent pour l’enfant une bouffée d’air indispensable. Elles offrent un espace-temps favorable à la détente, à la créativité, à l’épanouissement affectif et à la redécouverte de soi dans un cadre moins contraignant. Le jeu, le sport, les lectures ludiques, les activités manuelles et les moments en famille participent à cet équilibre émotionnel nécessaire à la croissance harmonieuse. Encourager les « loisirs sains » n’est donc pas un luxe, mais une responsabilité éducative.
Cependant, cette liberté temporelle et la réduction du contrôle parental ou scolaire peuvent aussi ouvrir la porte à des formes de consommation médiatique peu encadrées, parfois dangereuses. Dans un environnement où l’accès à Internet est de plus en plus précoce, où les contenus circulent rapidement sur les téléphones androïd et sur les écrans de téléviseurs, un grand nombre d’enfants se retrouvent exposés à des images violentes, hypersexualisées ou moralement inadaptées à leur âge. Loin d’être anodine, cette exposition répétée affecte profondément leur développement cognitif, social et scolaire.
On peut enregistrer à terme, une perturbation des schémas cognitifs et affectifs
Figurez-vous que le cerveau de l’enfant est en construction. Les contenus violents provoquent une activation des zones de stress et peuvent dérégler les processus d’auto-régulation émotionnelle. L’enfant assimile alors des normes de résolution de conflit centrées sur la domination ou l’agression. Il perd en empathie, et développe parfois des conduites de rejet ou d’intimidation de ses pairs. Les contenus sexualisés, quant à eux, génèrent une confusion des repères identitaires et affectifs, précipitant une sexualisation précoce et incontrôlées au pire des cas ou prédisposant les enfants au viol, dans une certaine mesure. Tout compte fait, à cet âge, l’enfant n’a pas encore la maturité nécessaire et les ressources pour interpréter ces signaux correctement, ce qui perturbe la construction de son image de soi et de l’autre.
On peut également observer une altération de l’attention et de la motivation scolaire.
Une surexposition aux écrans et aux contenus stimulants (jeux violents, clips suggestifs, séries hyperactives) peut entraîner des troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire de travail. À la rentrée, certains enfants semblent désengagés, démotivés ou « absents », comme absorbés par une réalité virtuelle plus excitante que les exigences scolaires. Cela crée un décalage pédagogique que les enseignants doivent corriger au prix d’efforts supplémentaires.
Par ailleurs, le risque de déviance et d’isolement n’est pas nul chez les enfants exposés à des contenus violents ou sexualisés.
Dans certains cas, l’enfant reproduit des comportements observés en ligne : propos sexuels précoces, agressivité verbale ou physique, comportement hystérique, fascination pour la transgression. L’imitation devient ici un mécanisme inconscient d’apprentissage social. En outre, l’immersion dans ces contenus peut favoriser le retrait relationnel, la perte d’intérêt pour les activités collectives et pour des exercices de concentration. Le choc émotionnel qui est l’un des effets induits de l’agression théâtralisée ou de la pornographie, peut provoquer la dépression chez les tout- petits.
Face à ces constats, il est important d’adopter une posture éducative équilibrée : ne pas diaboliser les loisirs numériques, mais les encadrer. La solution ne réside pas dans l’interdiction totale, mais dans l’éducation à l’image, l’instauration de temps partagés, la médiation parentale et le développement de l’esprit critique. Les vacances doivent rester une période de repos, mais aussi d’apprentissage informel, de découverte positive et de consolidation des valeurs.
Je vais conclure sur cette question en faisant remarquer que le cerveau de l’enfant est une terre fertile. Ce qu’on y sème pendant les vacances germera à la rentrée. Soyons des jardiniers vigilants, bienveillants, mais responsables. Offrons aux enfants des loisirs sains, équilibrés, et riches de sens, afin qu’ils grandissent libres, lucides et solidement armés face à la complexité du monde.
En quoi le choix des programmes visionnés peut-il influencer la réussite ou l’échec scolaire de l’enfant ?
Le choix des programmes visionnés par l’enfant joue un rôle déterminant dans son parcours scolaire, car il influence directement ses capacités cognitives, sa motivation à apprendre, et sa représentation du savoir.
En effet, les contenus éducatifs bien conçus (documentaires, émissions scientifiques, dessins animés pédagogiques) stimulent la curiosité intellectuelle, enrichissent le vocabulaire, renforcent la mémoire visuelle et favorisent l’acquisition de connaissances transversales. Ces programmes peuvent aussi développer des habiletés spécifiques comme la résolution de problèmes, la compréhension logique ou la conscience écologique, tout en contribuant à forger une culture générale solide. À l’inverse, les programmes pauvres sur le plan cognitif, centrés sur la violence, la vulgarité ou la superficialité, affaiblissent la capacité d’attention, créent des attentes irréalistes face à l’apprentissage, et dévalorisent l’effort intellectuel. De plus, une consommation excessive de contenus distractifs diminue le temps consacré à la lecture, au repos, l’interaction sociale, ou les travaux manuels ; ce qui affecte négativement la concentration et la performance en classe. Ainsi, l’enfant qui s’habitue à des gratifications immédiates et à des images hyperstimulantes peut éprouver des difficultés à s’adapter aux rythmes scolaires plus lents et plus exigeants. Le choix des programmes éducatifs, loin d’être anodin, agit donc comme un filtre silencieux qui oriente la structuration mentale de l’enfant, soit en soutenant son épanouissement académique, soit en compromettant sa réussite scolaire. Une médiation active et consciente des parents, tuteurs et éducateurs dans ce domaine est donc indispensable.
Quelles stratégies éducatives recommandez-vous aux parents pour développer chez l’enfant un rapport équilibré aux écrans et aux images ?
Il y a évidemment une série de dispositions que les parents pourront prendre pour limiter les effets de la surexposition des enfants aux contenus hyperactifs et sexualisés. Dans la mesure du possible, il serait intéressant de commencer par instaurer des règles claires et cohérentes sur le temps d’exposition aux écrans et les contenus autorisés, avec la participation de l’enfant.
L’OMS et de l’UNESCO recommandent qu’il n’y ait pas d’écran avant 3 ans et qu’il faut au maximum 1h par jour entre 3 et 6 ans ; Jusqu’à 2h pour les enfants plus âgés, avec des pauses régulières.
Ces règles doivent être expliquées, non imposées, pour que l’enfant les comprenne comme des repères de santé et non comme des punitions.
Les parents doivent privilégier le co-visionner et accompagnement actif du petit enfant
Regarder ensemble certains programmes permet aux parents de guider la lecture des images, de poser des questions, de corriger des perceptions erronées, et de faire émerger un esprit critique. Cela transforme l’écran en outil de dialogue et de construction de sens, plutôt qu’en simple distraction passive.
Il faut favoriser une diversité de contenus
Les parents doivent orienter le choix des programmes vers des contenus enrichissants, variés et adaptés à l’âge et à la maturité de l’enfant. Cela permet de stimuler les schèmes culturels, artistiques et scientifiques dont l’enfant est naturellement doté. Il ne s’agit pas de bannir les dessins animés ou les jeux, mais de diversifier les types d’expositions pour éviter l’enfermement dans des contenus pauvres ou stéréotypés.
Les parents doivent valoriser les activités hors écran
Il est important d’encourager d’autres formes de loisir : lecture, jeux de société, sport, bricolage, jardinage, musique, contes, devinette, discussions en famille, activités spirituelles, etc. En multipliant ces occasions, l’enfant découvre d’autres sources de plaisir et d’apprentissage, ce qui réduit naturellement la dépendance aux écrans.
Les parents ou les aînés doivent eux-mêmes donner l’exemple par la modération
L’enfant imite ce qu’il voit. Si les parents sont constamment absorbés par leurs téléphones ou leurs écrans, l’enfant aura du mal à intégrer les règles posées. Un parent qui lit, qui éteint son téléphone au dîner, ou qui propose une balade au lieu de la télévision, enseigne par l’exemple.
Il faut surtout créer des zones et des moments sans écran
Délimiter des espaces sans écrans (chambre à coucher, salle à manger, lieux de prière) et des moments sans écrans (repas, devoirs, soirées en famille) favorise l’ancrage relationnel, le repos visuel et la concentration.
Enfin, les parents devront s’évertuer à dialoguer sur les images vues
Les parents doivent inviter l’enfant à parler des images qu’il voit : « Raconte-moi un peu ce que tu as regardé » « Qu’as-tu compris ? », « Cela t’a fait peur ou rire ? », « Est-ce vrai, selon toi ? ». Ce questionnement développe l’analyse, la distanciation critique et la capacité à faire la différence entre fiction, réalité et publicité.
Éduquer aux écrans, ce n’est pas interdire mais apprendre à choisir, à doser, à comprendre et à résister. C’est préparer l’enfant à vivre dans un monde connecté, sans le livrer passivement à ses excès. Le rôle du parent est de former un citoyen éclairé, et non un consommateur captif.
Propos recueillis par Meuris Véran DANSOU