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Digitalisation des inscriptions à l’Université d’Abomey-Calavi : un défi d’inclusion pour les étudiants handicapés

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À partir de l’année académique 2024-2025, les inscriptions à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), au Bénin, se font exclusivement en ligne. Cette réforme, inédite pour le premier campus du pays, intègre également les étudiants en situation de handicap.

Sur le campus d’Abomey-Calavi ce vendredi 27 décembre 2024, Igor Daassi, organisateur général de l’Association des scolaires et étudiants handicapés du Bénin (ASEHB), malgré son handicap moteur, distribue des tracts pour encourager ses pairs à s’inscrire en ligne. « Sur 10 étudiants handicapés que j’ai rencontrés ce matin, six m’ont confié avoir réalisé leur inscription en ligne sans aide. C’est une bonne nouvelle », se réjouit-il. A l’en croire, cet engouement s’explique par l’élimination des déplacements incessants qu’imposait l’inscription en présentiel. Désormais, les apprenants peuvent créer leur espace étudiant sur le site https://www.etudiant.uac.bj/, télécharger leur fiche de préinscription, et prendre rendez-vous en ligne à un horaire précis pour la prise de photo et l’impression de leur carte d’étudiant. Cette procédure réduit le temps d’attente et confère une autonomie appréciable aux étudiants vulnérables.

« Sans me déplacer, j’ai pu m’adapter à la réforme numérique. Le site est relativement simple comparé à d’autres plateformes. Mon lecteur d’écran m’a aidé, mais il faudrait que le site prenne en compte les différents types de handicaps », explique Sourou Donou, étudiant mal voyant en deuxième année de sociologie.

Cependant, tout le monde ne partage cet enthousiasme. Judith Anagonou, ingénieure en modélisation et simulation numérique, souligne que « le site n’est pas adapté aux étudiants malvoyants ou aveugles. Intégrer des options comme le réglage du contraste ou un mode accessible, faciliterait leur navigation. Il aurait été judicieux de tester la plateforme avec des étudiants handicapés en fonction des profils et des situations très variées avant son lancement. »

Malgré les avancées, plusieurs barrières subsistent et empêchent les étudiants en situation de handicap d’accéder aux infrastructures publiques numériques comme tout le monde.

Au milieu d’une discussion animée sur l’un des bancs de jardin installés autour du terrain de basket-ball, Christelle G., étudiante malvoyante, partage ses difficultés : « Je ne dispose pas d’un téléphone adapté pour lire les contenus. Il faut un grand moyen financier. J’ai tenté d’utiliser la plateforme avec l’aide d’un camarade, mais je me sens mal à l’aise de demander ce genre de soutien. Je ne veux pas être stigmatisée. Cela pose aussi un problème de confidentialité, car il faut partager ses informations personnelles, comme le mot de passe. Etant aveugle, on ne peut pas toujours deviner les intentions de celui qui nous propose son assistance. »

Une législation à renforcer pour l’accessibilité numérique

L’accessibilité numérique est essentielle pour garantir l’égalité d’accès aux services en ligne et à l’information. Au Bénin, la loi n° 2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin marque une avancée majeure en matière d’accès des personnes handicapées aux services publics. En outre, les articles 92 à 112 de la loi n° 2017-20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en République du Bénin modifiée par la loi n° 2020 – 35 du 06 Janvier 2021, évoquent le service universel des télécommunications. « En parcourant ces dispositions, on voit que des mesures particulières, en faveur de certaines catégories de personnes vulnérables, handicapées, de consommateurs vivant en zones rurales, les zones géographiquement isolées, les établissements scolaires, sanitaires et universitaires sont prévues. En plus, la notion de service universel n’est plus limitée à la téléphonie, mais englobe les services de données dont l’internet », analyse Julien Hounkpè, Docteur en droit et spécialiste du numérique. L’article 25 de la  loi n° 2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin prévoit également que : « L’Etat crée les conditions d’accès à tous les services et structures pour répondre aux besoins spécifiques des personnes handicapées ».

Cependant, ces textes restent insuffisants. Il reste des efforts à faire pour identifier et éliminer tous les obstacles et barrières à l’accessibilité numérique des personnes handicapées. Les textes en vigueur ne prévoient pas des dispositions spécifiques sur le recours aux infrastructures publiques numériques par les personnes handicapées ou des normes minimales à observer dans la conception des applications mobiles et autres plateformes électroniques afin d’en faciliter l’usage aux concernés . Les normes et meilleures pratiques applicables ne sont pas développées : « Au Bénin, ce n’est pas encore un réflexe pour les développeurs d’applications, de sites web et de logiciels d’intégrer systématiquement les normes d’accessibilité. Les besoins des utilisateurs déficients visuels par exemple, ou d’autres personnes sensibles, ne sont pas pris en compte lors de la conception », constate Judith Anagonou.

Chaque année, l’Association des scolaires et étudiants handicapés du Bénin (ASEHB) recense une centaine d’étudiants handicapés à l’UAC. D’après le plan stratégique 2020-2024 de la Réadaptation à Base Communautaire (RBC) au Bénin, parmi les personnes handicapées les plus alphabétisées, 19,2 % ont atteint le niveau primaire, 8,2 % le secondaire et seulement 0,8 % le supérieur. Par ailleurs, selon le rapport de supervision des activités des 37 districts RBC en 2018, sur les 1 714 enfants handicapés suivis, 947 étaient inscrits au primaire, 470 au secondaire, et seulement 58 dans l’enseignement supérieur.

Pour réduire ce fossé, il est impératif de renforcer le cadre juridique et d’éliminer les obstacles numériques. Avec des efforts concertés, l’accessibilité numérique pourrait devenir un levier d’inclusion pour les étudiants handicapés au Bénin.

NB : Une infrastructure publique numérique regroupe les systèmes et plateformes numériques déployés par l’État ou des institutions publiques pour servir l’intérêt général. Elle vise à améliorer l’accès aux services publics, à favoriser le développement de l’économie numérique, et à renforcer la transparence ainsi que l’efficience des démarches administratives.

Cet article a été rédigé par Bergedor HADJIHOU dans le cadre de la Bourse de journalisme sur les IPN organisée par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest et Co-Develop.

Bergedor HADJIHOU

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