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Alexia Fanou, militante féministe : «Le féminisme n’a pas à modérer ses mots quand les femmes meurent en silence »

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Sur les réseaux sociaux comme dans les débats publics, certaines réactions des féministes suscitent la controverse. A force de propos jugés hostiles envers les hommes, le discours féministe est parfois perçu comme un rejet de l’autre sexe. Militante engagée depuis près de dix ans, Alexia FANOU prend position. Dans cette interview elle partage sans détour sa vision du féminisme entre engagement, dénonciation et sensibilisation.

FRATERNITE : Comment définissez-vous le féminisme aujourd’hui, notamment dans le contexte béninois ?

Lorsqu’en 1708, à la mort du roi AKABA, sa sœur jumelle, stratège et leader incontestée, écrasa l’ennemi du royaume du Danxomè et leva une armée de plus de 4 000 femmes guerrières, le patriarcat, allié à la colonisation et à l’historiographie masculine s’employa pourtant à effacer méthodiquement sa mémoire. Aujourd’hui, je définis le féminisme comme une réponse multiforme à l’oppression, dont l’objectif ultime est d’abattre le patriarcat. Pour qu’aucune existence ne soit plus sacrifiée au profit d’un système criminel.

Certains discours tenus au nom du féminisme semblent parfois hostiles aux hommes. À quoi attribuez-vous cette radicalisation ?

Cette question suppose que les femmes devraient se justifier de leur colère, comme si des siècles d’oppression patriarcale devaient être dénoncés avec politesse pour ne pas froisser les bourreaux. Non, ce n’est pas « parfois hostile » ça DOIT l’être envers les misogynes qui profitent du système, ceux qui violent, excluent, exploitent et tuent en toute impunité.

Les hommes qui ne se reconnaissent pas dans ces critiques n’ont rien à craindre : ce n’est pas une attaque, mais un miroir. Si certains se sentent agressés, c’est que leur privilège leur a toujours épargné la remise en question. Pendant ce temps, les femmes meurent sous les coups, sont privées d’éducation, spoliées de leurs terres, réduites au silence et on ose parler de « tonalité » ?

La vraie question n’est pas « Pourquoi les féministes sont-elles radicales ? », mais « Pourquoi le patriarcat est-il encore toléré ?

Quelle est, selon vous, la différence fondamentale entre un féminisme légitime et la misandrie ?

Poser cette question, c’est déjà supposer une équivalence fallacieuse entre la lutte pour la libération des femmes et la haine des hommes. Aucune comparaison n’est possible.

Le féminisme qu’il soit africain, décolonial ou radical est un mouvement de justice, né de la résistance contre un système qui opprime, mutile et tue les femmes depuis des millénaires. Son but ? Détruire le patriarcat, pas les hommes.

La misandrie, elle, n’est qu’un fantasme réactionnaire, un épouvantail agité par ceux qui refusent de voir l’horreur du statu quo. Où sont les lois misandres ? Où sont les féminicides masculins ? Où sont les millénaires d’esclavage des hommes par les femmes ? Nulle part, parce que la misandrie n’a aucun pouvoir systémique.

La différence fondamentale ? L’une combat un système de domination réelle. L’autre n’existe que dans l’imaginaire des oppresseurs qui préfèrent jouer aux victimes plutôt que de rendre des comptes.

Ne venez pas nous demander de négocier avec un système qui, lui, ne connaît aucune modération dans sa violence.

Pensez-vous que ces dérives peuvent nuire à la crédibilité du mouvement féministe ? Si oui, de quelle manière ?

Quelles ‘dérives’ ? Celles où des femmes osent enfin refuser de sourire à leurs bourreaux ?

La seule chose qui nuit à la ‘crédibilité’ du féminisme, c’est l’obsession malsaine pour le ton des opprimées plutôt que pour les crimes des oppresseurs. Depuis quand exiger des droits fondamentaux doit-il se faire dans le murmure poli ?

La ‘radicalité’ n’est pas un excès, c’est une réponse proportionnée.

  • Quand des filles de 12 ans sont mariées de force à Savalou, doit-on modérer nos mots ?
  • Quand les veuves sont dépouillées de leurs terres à Tori, faut-il ‘nuancer’ nos slogans ?

Ce qui nuit vraiment au mouvement ? ce sont les faux alliés qui préfèrent le confort du silence.

Ecoutez, nous n’allons pas gaspiller notre énergie à apaiser l’égo fragile des complices du système. Notre ‘crédibilité’ se mesure aux lois arrachées, aux violeurs emprisonnés, aux filles sauvées de l’excision, pas aux applaudissements des oppresseurs jamais !

Comment les hommes peuvent-ils être des alliés du féminisme sans se sentir accusés ou rejetés ?

Être un allié, ce n’est pas exiger une médaille pour avoir fait le minimum. C’est un engagement quotidien, pas une performance de vertu.

Si certains hommes se sentent ‘accusés’ ou ‘rejetés’ par le féminisme, c’est souvent parce qu’ils confondent remise en question et attaque personnelle. Voici quatre points que je viendrai détailler et qui mentionnent comment être un allié sans centrer son ego dans la lutte :

1. Écouter au lieu de se défendre

2. Dénoncer les autres hommes, pas seulement en ligne, mais dans vos cercles

3. Partager le pouvoir, pas juste les slogans

4. Accepter d’être mal à l’aise

Et pour finir, les vrais alliés ne pleurnichent pas « Mais je suis un bonhomme, moi ! » – ils agissent. Si vous attendez des féministes qu’elles vous tiennent la main pour vous guider vers l’anti-sexisme, vous n’êtes pas un allié, vous êtes un projet inachevé.

Quelles solutions éducatives ou sociales proposez-vous pour promouvoir un féminisme inclusif et éviter les dérives haineuses ?

Le féminisme n’a pas à ‘éviter les dérives’, il doit pulvériser le patriarcat, point. Et si vous voulez des solutions, les voici :

  1. Éducation anticoloniale dès l’enfance : Des manuels scolaires qui célèbrent les reines, résistantes et amazones d’Afrique, pas seulement les rois guerriers.
  2. Ateliers obligatoires dans les écoles, mosquées et églises : Pour démonter les mythes religieux et coutumiers qui légitiment l’oppression.
  3. Tribunaux féministes autogérés : Face à la justice patriarcale corrompue, créons des cellules communautaires qui jugent les violeurs et maris abuseurs.
  4. Boycott économique : Pas un franc dans les entreprises, médias ou partis politiques qui excluent les femmes ou hébergent des misogynes.
  5. Armement des femmes : Formations d’autodéfense dans chaque quartier, parce que la ‘protection masculine’ est un leurre criminel.

Le vrai danger ? Ce n’est pas la ‘haine’ des féministes, mais la complaisance envers un système qui enterre nos cadavres en silence. L’inclusivité ici selon moi, c’est donner le pouvoir aux femmes pas apaiser les hommes qui sabotent la révolution.

Propos receuillis par Meuris Véran DANSOU (Stag)

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