La roue de l’histoire africaine tourne. Mais comme toute bonne roue, elle tourne en rond. Déduction logique après que le chef militaire du Mali, le général Assimi Goïta, s’est vu accorder par le parlement de transition, un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable sans élection. Ainsi se dessine un schéma de gestion ininterrompue du pouvoir jusqu’en 2030 au moins, puisque le projet de loi ad’hoc qui accorde ce nouveau mandat à celui qui est désormais le président de la République du Mali, prévoit qu’il peut être renouvelé « autant de fois que nécessaire », et jusqu’à ce que le Mali soit » pacifié « . Alors qu’il avait promis d’organiser des élections en 2022 après une courte transition, le général s’était rétracté et changé de cap. Depuis mai 2021 qu’il a repris le pouvoir aux civils dont il s’est dit déçu de la gestion, Assimi Goïta a interdit tous les partis politiques du pays et durci son pouvoir en bridant les libertés publiques, en bâillonnant la presse et en caporalisant les institutions.
Des mouvements de résistance
Dans la même veine, les chefs d’Etat du Burkina Faso et du Niger qui ont également pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État, lui emboitent le pas. Le leitmotiv de ces remises en cause de l’ordre constitutionnel s’articule en trois mots : nationalisme, souverainisme et panafricanisme. Un air de déjà entendu, qui remonte à la veille des indépendances jusqu’aux années 1970. Qui renvoie à l’épopée des régimes politiques que les excès et le totalitarisme condamnaient à l’autodestruction. Des régimes qui ressurgissaient toujours comme une panacée, chaque fois qu’un pays explorait d’autres chemins, parce que les mêmes causes finissaient toujours par produire les mêmes effets. Le serpent qui se mord la queue en somme.
Tenez ! Historiquement en effet, avant les indépendances, certains mouvements de résistance et de révolte étaient opposés à la colonisation, et des jeunes idéalistes, bien que formés en occident étaient déterminés à construire des Etats nationalistes, souverains et panafricains.
L’histoire bégaie
ce grand rêve a habité des jeunes leaders déterminés dont certains, devenus les pères de l’indépendance de leur pays, les ont gouvernés. Parfois trop longtemps. Sans doute le temps qu’il fallait pour affirmer l’indépendance et la souveraineté des jeunes États, dans un contexte qui se voulait panafricain. On peut considérer qu’ils n’ont pas démérité, même s’il leur avait fallu plusieurs décennies pour asseoir les bases théoriques de l’union africaine. Et comme ils étaient obligés de basculer dans une sorte de dictature pour se maintenir, la colère grondait par vagues au sein de la jeunesse. Ailleurs, comme en Angola, en Éthiopie, au Mozambique, en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso entre autres, on a violemment rejeté la puissance colonisatrice et ses alliés pour se tourner radicalement vers l’Est. Les idéologies prônées par les pays du bloc de l’Est semblaient être la panacée.
Retour inévitable à la démocratie
Le socialisme africain et le marxisme léninisme paraissaient plus adaptés à l’affirmation du nationalisme, de la souveraineté et du panafricanisme. Cependant, à la fin, aucune gouvernance, ni celle des pères fondateurs accrochés à leur pouvoir, ni celle des révolutionnaires n’a pu satisfaire aux exigences des citoyens. Avec l’effondrement des idéologies, le vent de démocratie qui a balayé le continent a semblé combler de bonheur la jeunesse. Mais la joie fut de courte durée. Trois décennies plus tard, les régimes militaires révolutionnaires sont de retour, sous des motifs plus belliqueux, mais avec le même discours que les précédents. Et les mêmes manifestations du totalitarisme ont recommencé. Pour quels résultats et pour combien de temps ?