À Cotonou et environs, un réseau d’activités économiques gravite autour des belles de nuit. Bars, vendeurs ambulants, chambres de passe et divers commerces s’organisent pour répondre aux besoins des personnes qui fréquentent ces zones. Ce marché nocturne, bien qu’informel, est un moteur important pour plusieurs petits commerçants et travailleurs de la nuit.

Ange M’poli M’TOAMA
Vendredi 02 mai 2025, 23h30. Place de la pharmacie Jonquet à Cotonou. Ici, on n’est pas couché pas malgré le ciel noir et le sombre des nuages. Les lumières de l’éclairage public quant à elles, brillent et révèlent des belles. À l’entrée du quartier, ça grouille de monde. Bars, kiosques, cafétérias, petits étals et allées improvisées forment un marché bruyant autour des filles. Le week-end commence et avec lui, un autre monde prend vie. Jonquet est un quartier chaud par excellence. Malgré le nouvel éclairage public installé récemment par les autorités, les activités n’ont pas faibli. Les belles de nuit sont bien là. Il faut les retrouver alignées le long des trottoirs, parfois adossées aux murs, dans leurs tenues légères. Autour d’elles, les bars sont bondés, les restaurants pleins, les rues animées jusqu’au-delà de 2h du matin. Affamé ? Il y a à manger. Soif ? Les boissons coulent à flots. Libido en feu ? Le terrain est bien arrosé. « On fait plus de ventes les nuits du jeudi au dimanche. Sans les filles, c’est le calme plat », confie un gérant de bar. Ici, les clients se pressent, affamés ou en quête d’alcool et de stimulation sexuelle. Selon des indiscrétions, un client dépense en moyenne 1500 FCFA en consommation de bières, Castel, XXL ou d’autres boissons énergisantes. « Ces boissons me donnent plus de performance avec ces filles-là », confie Cylle T., un client des belles de nuit. Avec près de 200 clients par nuit, un bar peut générer entre 300 000 et 400 000 FCFA.
Non loin du bar situé en face de la pharmacie Jonquet, c’est sur des étals improvisés que de petits commerçants vendent des produits aphrodisiaques en sachets ou en petites bouteilles : Tiger, Jecomon, Sangria, para, colo… vendus entre 200 et 500 FCFA. « Je peux vendre jusqu’à 50 sachets par nuit. Les hommes les prennent avant d’aller voir les filles », confie un vendeur. Les boissons énergisantes sont aussi très demandées pour leur effet supposé sur la performance sexuelle. Derrière, d’autres commerçants proposent du thé, du spaghetti-œufs, de l’atiéké, du piron, du riz assaisonné ou de la viande braisée, entre 500 et 3500 francs. Viandes grillées (tchantchanga), souchets, petits colas réputés aphrodisiaques s’exposent sous des grilles. Ces mets maintiennent le beau monde jusqu’à l’aube.

Godomey : la ligne rouge de l’économie de la nuit
De la buvette Parc des Princes au cimetière PK14, c’est un long couloir de petits commerces. Moins bruyant que Jonquet mais tout aussi actif. Des bars fonctionnent jusqu’à l’aube, flanqués de vendeurs de boissons en sachet, souchets, petits colas, et autres stimulants. Les stands de fortune foisonnent dans l’ombre, souvent à l’abri de la lumière pour échapper à la police. « Je fais entre 10 000 et 20 000 FCFA par nuit », raconte une vendeuse de colas. À Godomey, certaines filles cumulent leur activité avec celle d’agente Mobile Money.
Des zems au service d’un flux constant
Aux abords des zones chaudes, les conducteurs de taxi-motos, les zémidjans, trouvent refuge dans des coins sombres. « Je peux gagner le double ici la nuit que dans la journée », affirme un zem. Certains attendent de ramener des clients, d’autres séduisent les belles de nuit pour des aventures d’un soir. Les filles aussi utilisent leurs services pour se déplacer entre quartiers.
Les chambres de passe : cœur discret de la transaction
À Godomey, un gérant de chambres de passe confie : « Nous avons une dizaine de chambres. Chacune accueille entre 15 et 20 clients par nuit. » Une passe coûte 500 FCFA, et 1000 pour une chambre plus confortable. La durée maximale est d’une heure, mais peu dépassent les 30 minutes. Ainsi, chaque chambre peut générer entre 7 500 et 20 000 FCFA par nuit, soit environ 150 000 à 200 000 FCFA pour l’ensemble de l’établissement.
La restauration, pilier incontournable
Autour des zones chaudes, des cafétérias et kiosques proposent spaghetti, œufs, thé, riz assaisonné, piron, attiéké, viande, poisson à des prix allant de 500 à 3500 FCFA. Les vendeuses avouent que le pic d’affluence se situe entre 1h et 4h du matin. « Les filles et leurs clients viennent manger avant de repartir », confie une cuisinière.
Activités parallèles : jeux et grillades
À Jonquet notamment, on retrouve aussi des billards, PlayStation, baby-foot qui attirent jeunes et clients en attente. Dans tous les quartiers (Jonquet, Gbégamey, Vodjè, Cadjèhoun, Godomey), les viandes grillées appelées tchantchanga s’exposent devant les bars.
Zones moins actives mais toujours surveillées
À Gbegamey, la construction de la voie a freiné les activités. Quelques filles apparaissent furtivement mais le marché est quasi-inexistant. À Vodjè, trop exposé, les filles se cachent dans un enclos discret. À Cadjèhoun, c’est le luxe : bars VIP, hôtels, restaurants, et prostitution à prix élevé. Là, une passe coûte entre 10 000 et 15 000 FCFA.
Une économie invisible, mais florissante
Malgré les interdits, les activités économiques autour des belles de nuit ne cessent de croître. Bars, vendeurs de rue, zems, chambres de passe, petits commerces improvisés… Tout un réseau se structure autour de la libido nocturne, générant des millions de francs CFA chaque week-end.