0 CFA

Votre panier est vide.

Tola Yayi, à propos des agressions sexuelles sur mineurs : « Introduire l’éducation à la sexualité dans l’enseignement est une priorité vitale »

Date :

Les parents ont un rôle crucial à jouer dans la prévention des agressions sexuelles sur les mineurs. La Spécialiste en santé sexuelle et de la reproduction (SSR), Tola YAYI, leur prodigue quelques conseils pour éviter à leurs enfants de vivre une telle expérience. Pour la créatrice de contenus, l’introduction de l’éducation à la sexualité dans l’enseignement est une « priorité vitale.

Fraternité : Petite clarification conceptuelle. Quelle différence peut-on faire entre agression sexuelle, atteinte sexuelle, abus sexuels et viol ?

Tola YAYI : Commençons par rappeler les définitions de ces différentes notions.

L’atteinte sexuelle concerne principalement les mineurs, et se définit comme tout acte à caractère sexuel posé par une personne majeure sur un mineur de sexe masculin ou féminin, sans contrainte, violence, menace ou surprise. Par exemple, le fait de toucher les fesses, les seins ou tout autre partie intime d’un mineur, soi-disant pour le taquiner.

L’abus sexuel intègre tout acte physique à caractère sexuel posé au moyen de la force, la contrainte ou dans le cadre d’un rapport inégal. La menace d’un tel acte est aussi considérée comme un abus sexuel. Exemple : les attouchements à caractère sexuel d’un ou d’une supérieur(e) hiérarchique sur son ou sa subordonné(e) au travail.

L’agression sexuelle définit les attouchements sexuels commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, sans acte de pénétration sexuelle. En revanche, le viol est un acte de pénétration sexuelle (pénétration vaginale, anale, au moyen d’un organe sexuel, d’un doigt, d’un objet) ou encore un acte de pénétration buccale par un organe sexuel, effectué sur une personne de sexe masculin ou féminin, sans son consentement.

Concrètement, on parle d’atteinte sexuelle quand il s’agit d’un mineur, et qu’il n’y a pas eu de pénétration génitale ou bucco-génitale.

L’abus sexuel fait intervenir un volet de subordination ou d’un rapport inégal entre la victime et l’auteur de l’acte, toujours sans pénétration génitale ou buccale, auquel cas on parlerait plutôt de viol, quel que soit le rapport entre la victime et son bourreau.

Depuis quelques années, on enregistre une hausse inquiétante des cas d’agressions sexuelles sur les mineurs au Bénin. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Je pense que ces actes ont toujours existé, à la différence qu’ils n’étaient pas aussi vulgarisés qu’aujourd’hui, grâce notamment à l’avènement des médias sociaux. Maintenant, à la question de savoir ce qui expliquerait les agressions sexuelles sur les mineurs (filles et garçons), je pointerai principalement la banalisation de ces actes, que ce soit par les parents de mineurs ou même les organes judiciaires ; le bâillonnement des mineurs par les parents ou tuteurs en cas de dénonciation ; le nombre de plaintes encore faible, du fait justement des éléments cités plus haut.

Dans bien de cas, les victimes ont peur de dénoncer leurs agresseurs. Que faire pour les inciter à libérer la parole ?

La réponse à cette question est plutôt complexe, dans la mesure où elle intègre plusieurs facteurs. Premièrement, il faut fondamentalement que les mentalités changent. Et cela passe par une sensibilisation intensifiée, particulièrement sur les conséquences désastreuses de ces actes (nymphomanie, satyriasis, vaginisme, troubles érectiles, frigidité, etc., sans oublier les troubles psychologiques), car eu égard aux différentes réactions sur le sujet sur mes réseaux sociaux, j’ai l’impression que le public ne mesure pas à quel point la vie d’un mineur sexuellement agressé peut basculer après une telle expérience.

Autre mesure incitative, il faut que les victimes soient mises en confiance et rassurées qu’on les croit déjà, et qu’on les protège des bourreaux. Dans un cadre préventif, il faudrait intensifier les initiatives d’éducation à la sexualité pour les enfants et les adolescents, outiller également les parents afin qu’ils participent plus activement à l’éducation sexuelle de leurs enfants. C’est d’ailleurs l’objectif des Goûters Educ’Ado que j’organise pendant les vacances et du forum whatsapp que j’anime à l’endroit des parents depuis quelques mois.

Les parents ont un rôle crucial à jouer dans l’éducation sexuelle des enfants. Quels conseils avez-vous à leur donner pour protéger leurs enfants des potentiels agresseurs ?

Première chose : instaurer et entretenir une relation de confiance grâce notamment à des rapports bienveillants, dès le bas-âge. Car un enfant terrorisé par ses parents aura du mal à leur confier ses peurs et doutes, et encore moins des atteintes ou agressions sexuelles dont il pourrait être ou avoir été victime.

Ensuite, s’informer sur les différentes notions à aborder dans le cadre d’une éducation sexuelle, les dispositions à prendre pour ce faire, les termes et expressions à utiliser en fonction de l’âge des enfants, etc.

Pensez-vous que l’introduction de la sexualité dans l’enseignement pourrait être un début de solution à ce fléau qui détruit la vie des filles ?

Alors, petite rectification. Ce n’est pas que la vie des filles qui est détruite par ce phénomène, parce qu’il y a également des garçons qui sont agressés sexuellement. Quand par exemple, une grande majorité d’hommes adultes d’aujourd’hui, confient avoir eu leurs premiers rapports sexuels avec une nounou, une cousine ou une voisine plus âgée, pendant qu’ils avaient entre 7 et 12 ans, vous comprenez que le phénomène est encore mal circonscrit. Et le pire, c’est que ces hommes en parlent avec humour aujourd’hui, mais certains reconnaissent le traumatisme que cela a engendré pour eux et dont ils n’arrivent pas à se défaire.

Pour en revenir donc à la question, introduire l’éducation à la sexualité dans l’enseignement représente même une priorité vitale pour prévenir les actes d’agressions sexuelles sur mineurs.es. Généralement, quand on parle d’éducation sexuelle à l’école, les parents s’imaginent qu’on viendrait parler d’orgasmes, de rapports sexuels ou de plaisir sexuel à leurs enfants. Mais en réalité, ils ont tout faux. Il s’agit plutôt de l’éducation au consentement, la prévention des abus sexuels, la préparation des filles à la survenue des premières règles, la sensibilisation sur les risques d’une sexualité précoce, etc. Et tout ceci se fait en fonction de chaque âge, avec les termes adaptés pour la compréhension des enfants.

Le gouvernement a mis en place un cadre juridique et institutionnel favorable à la protection de la fille et de la femme, notamment avec la loi sur la répression des infractions commises à raison du sexe et la création de l’Institut national de la femme (INF). Selon vous, quelles mesures peut-on encore mettre en œuvre pour renforcer la lutte contre les agressions sur mineurs ?

Il faut renforcer la répression des infractions de types sexuels sur les mineurs afin de décourager les auteurs ; introduire des sessions d’éducation à la sexualité dans l’enseignement dès la maternelle en vue d’outiller les enfants contre les agressions sexuelles ; mettre en place ou accroître la mise en place de cadres de sensibilisation et de formation à la prévention des agressions sexuelles sur mineurs à l’endroit des parents.

Un mot pour conclure l’entretien 

Mon mot de fin est une exhortation à l’endroit des parents particulièrement, étant donné que les auteurs d’agressions sexuelles sur mineurs sont bien souvent des proches, des membres de la famille, des voisins, etc. Je les exhorte à être plus présents pour leurs enfants, à instaurer et entretenir avec eux des rapports de confiance afin que ces derniers puissent leur signaler les moindres comportements suspects d’adultes vivant dans leur entourage.

Je les exhorte également à la vigilance (à ne pas confondre avec la paranoïa), notamment en veillant à ce que leurs enfants ne se retrouvent pas seuls avec un adulte en leur absence, à être à l’écoute de leurs enfants et surtout les croire lorsqu’ils leur signalent des cas d’attouchements ou d’agressions sexuelles. En effet, de nombreux parents mettent encore en doute la parole de leurs enfants victimes. Certains vont jusqu’à les violenter, au motif qu’ils mentiraient ou pire, pour les filles, certains parents vont jusqu’à accuser les pauvres enfants d’avoir provoqué les agresseurs, soit par leur tenue, soit par leur attitude.

C’est pourquoi j’estime qu’il est crucial d’initier et encourager la mise en place de cadres de sensibilisation et de formation à la prévention des agressions sexuelles sur mineurs à l’endroit des parents.

Entretien réalisé par P. A.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Partager

spot_img

Populaires

dans la même catégorie
Articles

Femi Kuti ou la tentative de l’aventure intérieure sur «Journey Through Life»

Rester fidèle au génome de l’afrobeat, à la fois...

Concours de recrutement de 30 internes des hôpitaux : liste définitive des candidats

Le Ministère du travail et de la fonction publique...

Bénin : les épreuves pratiques du CEP tirées au sort

Ce vendredi 2 mai 2025 à Porto-Novo, le tirage...

Liberté de la presse : le Bénin recule à la 92e place

Le Bénin perd trois places dans le nouveau classement...