Dans un monde où les repères culturels tendent à s’effacer, les panégyriques se dressent comme des piliers vivants de mémoire et d’identité. Chants d’éloge, récits d’ancêtres, marqueurs d’identité, les panégyriques claniques sont un héritage oral précieux des cultures africaines notamment béninoises, qui oscillent aujourd’hui entre oubli et renaissance. Dans ce vox populi, plusieurs jeunes partagent leur regard, leurs émotions et leurs expériences dur ces discours poétiques, témoins vibrants d’une mémoire collective. Une immersion au cœur d’un patrimoine qui ne demande qu’à être ravivé.
Prisca AHOUASSOU
« Je ne maîtrise pas mon panégyrique »

Un panégyrique, c’est un discours, un texte qui fait l’éloge de quelqu’un, souvent pour le féliciter ou montrer du respect. On en trouve dans les cérémonies, les hommages. Par exemple, si on écrit un texte pour parler des grandes qualités d’un roi ou d’un héros, c’est un panégyrique. Il peut être écrit ou oral, et il sert à mettre en valeur les actions, les qualités ou les réussites d’une personne. Malheureusement, je ne maîtrise pas mon panégyrique.
Anicet Adebayo Berrystan ADENLE
« Grâce à ton panégyrique, il est possible de reconnaître tes origines »

Les panégyriques pour moi sont essentiels pour deux raisons principales. Premièrement, ils permettent l’identification de la culture, de la zone de provenance d’une personne donnée. En effet, grâce à ton panégyrique, il est possible de reconnaître tes origines. Secundo, ils jouent un rôle prépondérant dans les foyers quand il y a des disputes. Par exemple, monsieur offense madame et cherche à se faire pardonner, à la rendre favorable à une discussion pour pouvoir s’expliquer, il utilise le panégyrique de madame pour l’amadouer. Peu importe le degré de colère, un petit sourire apparaît systématiquement dans le coin du visage quand l’on entend les éloges de son panégyrique. Et vice-versa. Personnellement, je ne connais que le début de mon panégyrique, qui dit que je suis Araka Oko puisque je suis natif de Adja-Ouèrè. Je ne le connais pas en entier très sincèrement à cause de la difficulté de langue. Mais je pense qu’il est essentiel aujourd’hui d’enseigner aux enfants dans chaque famille les panégyriques et leur importance dans la vie de nos jours.
Bernadin Adéoyé EFFOUYEMI
« Les panégyriques vont bien au-delà des simples éloges »

Je trouve que les panégyriques vont bien au-delà des simples éloges. Ce sont des discours ou des textes prononcés pour célébrer les qualités, les exploits, ou la noblesse d’une personne. En Afrique de l’Ouest, et plus particulièrement au Bénin, le panégyrique prend une forme plus profonde : il ne se limite pas à flatter, il raconte une histoire, transmet une mémoire, et renforce une identité. Chez les Yoruba, cela se traduit par Oríkì, un chant ou un éloge poétique prononcé pour honorer une personne, une lignée, ou une famille. Par exemple, dans mon propre panégyrique, j’apprécie particulièrement cette phrase : « Ọmọ ọba àlẹ́kẹtò, ọmọ à lagba ọwó » qui signifie l’enfant du roi qui porte la couronne, l’enfant dont la richesse se mesure par la sagesse et les actions. Cette phrase symbolise non seulement l’importance de l’héritage familial, mais aussi la responsabilité de porter avec dignité et courage ce que l’on reçoit de ses ancêtres. Ce qui rend le panégyrique unique, c’est qu’il lie l’individu à sa communauté et à son histoire. C’est un outil de valorisation sociale mais aussi de transmission culturelle. Il est souvent chargé d’émotion, d’humour, de fierté et de symbolisme. Dans un monde de plus en plus déconnecté de ses racines, je trouve que ces formes de parole sont précieuses à préserver. Les panégyriques ne sont pas qu’une simple forme d’éloge, mais un véritable héritage culturel qu’il est essentiel de préserver pour les générations futures.
Gloria HESSOU
« On utilise les panégyriques pour bercer les enfants »

Les panégyriques sont des discours qui sont faits pour louer une personne, une nation, une chose. Ces discours servent à célébrer des actions et des vertus, exalter des valeurs. Chez nous par exemple, on utilise les panégyriques pour bercer les enfants, pour les calmer quand ils pleurent. Moi, mon panégyrique c’est “Ayatô ganmênu”… Je ne le connais pas au complet, que dis-je, je ne le connais plus au complet. On me l’avait appris mais avec le temps, je l’ai oublié.
ADOKO Achile Houidedji Raziel
« Certains pensent que c’est de l’idolâtrie, alors que ça n’a rien à voir »

Les panégyriques, c’est un vrai trésor pour nous, surtout ici au Bénin. Ce ne sont pas juste de belles paroles ou des louanges, c’est bien plus profond. C’est notre histoire, notre identité, nos racines. On les déclame à l’oral, souvent sous forme poétique, et chaque clan a le sien. Par exemple, chez nous les “Ahantúnvídakpanu de Gbanamè”, dans le Zou, notre panégyrique raconte les exploits de nos ancêtres. Mais ce n’est pas seulement pour se vanter. Il y a plein de messages cachés, des leçons, des codes que seuls ceux qui connaissent la culture peuvent vraiment capter. C’est puissant. Avant, ces récits servaient même à régler des tensions dans la famille. Une femme pouvait réciter le panégyrique de son mari pour calmer une dispute. On pouvait même apaiser un enfant malade en lui rappelant d’où il vient, ce qu’il vaut. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, beaucoup délaissent ces pratiques. L’influence des cultures étrangères, les idées reçues, parfois même la religion, ont mis un frein. Certains pensent que c’est de l’idolâtrie, alors que ça n’a rien à voir. Ce sont des traditions, des symboles, un lien entre les générations. Heureusement, des projets comme Mon Panégyrique, Mon Identité Culturelle essaient de raviver la flamme. Ils enregistrent, traduisent, publient ces textes en fon, avec des audios. C’est génial, franchement. Parce que si on ne fait rien, tout ça risque de disparaître. Personnellement, je suis passionné par ces traditions. Je trouve qu’on devrait en être fiers. Ce sont des récits qui nous élèvent, qui nous rassemblent. Et puis, c’est beau, non ? Ça chante notre histoire, notre courage, notre solidarité… Bref, c’est notre âme. On doit les redécouvrir, les protéger. Parce qu’en vrai, un peuple sans mémoire, c’est un peuple sans avenir.
Akimbi Bio Toussaint YABI
« Chaque panégyrique est unique, adapté à son histoire »

Pour moi, les panégyriques, ce sont bien plus que des éloges. Ce sont des chants qui relient chaque personne à son clan, à ses origines. Quand on entend son panégyrique, c’est comme si toute l’histoire de sa lignée défilait devant soi. Le chantre ou le griot, lui, ne fait pas que réciter : il rappelle les bienfaits, les exploits, les qualités des aïeux. Et ce n’est jamais anodin. Chaque mot, chaque image, chaque intonation est chargé de sens. On parle de guerre, de bravoure, de chasse, de générosité, de totems… Ce sont des récits puissants qui ont traversé les générations. Et ce qu’il faut comprendre, c’est que chaque clan vit les choses à sa manière. De fait, chaque panégyrique est unique, adapté à son histoire. Ce n’est pas un modèle qu’on copie, c’est un héritage vivant qu’on transmet. La performance aussi compte beaucoup. Ce n’est pas juste une récitation. Il y a la voix, les rythmes, les instruments. Le griot peut s’accompagner de tam-tam parleur, de flûte, parfois même de simples hochets. Les vieillards aussi ont leur manière à eux de transmettre ces paroles, avec une profondeur qui touche l’âme. Moi, par exemple, je suis du clan GBAGUÍÌ. Mon panégyrique, c’est OMO YAYI, OSOÏ OBÈ ADARA BI RÉFÉ… Et chaque fois que je l’entends, je ressens cette fierté. C’est comme une force tranquille, un rappel de ce que je porte en moi. Aujourd’hui, je pense qu’on a besoin de ça. De se reconnecter à ces mots, à ces chants, pour mieux savoir qui on est. Les panégyriques, c’est notre mémoire. C’est ce qui nous distingue, ce qui nous unit aussi. Et franchement, il ne faut pas les laisser tomber dans l’oubli.
Sylvère N’BOUKÉ
« Chaque clan a son style, ses images, ses symboles »

Les panégyriques au Bénin, c’est quelque chose de profondément ancré dans nos traditions. Ce ne sont pas juste de beaux discours : ce sont des chants, des poèmes, parfois même des cris du cœur, qui racontent l’histoire d’un clan, d’une famille, d’un peuple. On les appelle souvent panégyriques claniques, et leur but, c’est de faire revivre la mémoire des ancêtres : leurs exploits, leurs valeurs, leurs luttes, leurs sagesses. C’est un peu comme une carte d’identité orale, qui rappelle d’où l’on vient et ce qu’on incarne. Dans la vie de tous les jours, ces panégyriques peuvent surgir à n’importe quel moment : lors d’une cérémonie d’intronisation, d’un mariage traditionnel, ou même dans un moment de tension à la maison. Certains les utilisent pour calmer une dispute, d’autres pour bénir un enfant, rappeler ses racines, ou simplement marquer un moment fort. Ce qui est beau, c’est que chaque clan a son style, ses images, ses symboles. Un panégyrique peut parler d’un animal-totem, d’un acte de bravoure pendant une guerre, d’une grande générosité ou d’un lien particulier avec la nature. Et ce n’est jamais dit n’importe comment. Il y a le ton, le rythme, parfois des instruments comme le tam-tam parleur, la flûte, ou juste une voix grave et posée d’un ancien du village.
Réalisé par : Arsène AZIZAHO