
Ange M’poli M’TOAMA
C’est le branle-bas dans les états-majors des principaux partis politiques. À moins d’un an du scrutin législatif de 2026, chacun sort déjà sa calculatrice. En effet, l’application, pour la première fois, du nouveau code électoral bouleverse les équilibres connus jusque-là et place les partis politiques dans une posture de calculs savants et d’anticipations stratégiques. En toile de fond, la règle désormais sine qua non, obtenir au moins 20 % des suffrages dans chacune des 24 circonscriptions électorales pour espérer lever un seul siège à l’Assemblée nationale. Un défi herculéen, à l’aune des résultats de 2023.
Le verrou des 20 % : une révolution électorale
Dans l’ancien système, le seuil des 10 % au plan national permettait une meilleure représentativité, même pour les formations moyennes ou naissantes. En 2023, trois partis s’étaient hissés au-delà de cette barre à savoir l’Union Progressiste le Renouveau (UPR), le Bloc Républicain (BR) et Les Démocrates (LD). Ces formations avaient respectivement obtenu environ 37,56 %, 29,23 % et 24,16 % au plan national. Mais ces chiffres globalement satisfaisants masquent une faiblesse structurelle désormais rédhibitoire. En effet, aucun de ces partis n’avait atteint les 20 % dans toutes les circonscriptions électorales.
L’UPR avait failli de peu dans trois circonscriptions : la 8e (18,37 %), la 13e (18,58 %) et la 14e (19,13 %). Le BR quant à lui, avait manqué la barre dans cinq circonscriptions à savoir la 6e (18,52 %), la 10e (19,27 %), la 12e (19,42 %), la 15e (14,12 %), et la 16e (17,57 %). Le Parti LD présentait un tableau bien plus préoccupant. Ses résultats étaient en dessous de 20 % dans 10 circonscriptions et en dessous de 10 % dans 3 d’entre elles notamment à savoir la 3e (08,61%) 11e (03,66%) et 24e (03,89%), compromettant même la possibilité d’un accord parlementaire, qui exige au minimum 10 % pour chaque parti concerné dans la circonscription ciblée. À la lumière de ces résultats, la nouvelle donne électorale réduit drastiquement les marges de manœuvre des partis, surtout ceux de l’opposition. En 2026, le risque de voir aucun parti franchir intégralement le seuil des 20 % dans toutes les circonscriptions n’est pas à exclure. Certaines zones apparaissent déjà comme des pièges statistiques. Pour l’UPR, c’est au niveau de la 13e, la 14e et la 8e circonscription ; pour le BR, la faiblesse est marquée dans les 15e, 16e et 6e. Pour LD : les 1ère, 3e, 11e, 12e, 18e, 20e, 21e, 22e, 23e et 24e… et la liste est plus longue.
L’accord parlementaire : une bouée de sauvetage ?
La réforme autorise néanmoins une bouffée d’oxygène : l’accord parlementaire. Il permet à deux partis ayant chacun obtenu au moins 10 % dans une même circonscription de fusionner leurs scores afin de franchir collectivement la barre des 20 %. Cette disposition avantage potentiellement l’UPR et le BR, dont les bases électorales sont relativement complémentaires. Mais pour Les Démocrates, le salut semble plus incertain. Pour l’heure, difficile pour ce parti d’envisager un accord avec des formations d’opposition telles que le MPL, la FCBE, le GSR, le NFN ou RE dont les scores de 2023 (étaient souvent en dessous des 5 %) ne leur permettent même pas d’ouvrir la porte aux alliances techniques.
A chacun sa calculatrice
Ainsi, si les dynamiques électorales restent figées, la perspective d’une Assemblée nationale bicolore – UPR-BR, tous deux acquis au régime actuel semble plausible. Les Démocrates, seuls opposants représentés en 2023, pourraient être exclus en 2026, faute de percée électorale ou d’alliance crédible. Pour l’instant, le compte à rebours est lancé et chaque camp peut d’ores et déjà sortir sa calculette. Redéploiement stratégique, remaillage des fiefs électoraux, renforcement des bastions faibles… Tous les scénarios sont sur la table. La guerre des chiffres aura lieu. L’électorat, lui, sera-t-il le même en 2026 qu’en 2023 ? Ce qui est certain, la sociologie électorale évolue et dans un an, la surprise pourrait venir de là où on l’attend le moins.