Médard Agbayazon, informaticien et Promoteur du numérique inclusif à travers l’initiative ‘‘BloBus’’. Il a monté le premier FabLab du pays intitulé BloLab. Dans cet entretien, il dévoile comment apporter aux apprenants, jeunes entrepreneurs et autres des zones défavorisées, la connaissance du numérique.
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Parlez-nous de ‘‘BloBus’’
C’est un dispositif installé appelé ‘’BloLab’’. ‘’Blo’’ en langue Fon signifie faire. C’est un auto système d’acteurs, une forme d’innovation digitale qui est essentiellement structurée autour de 3 pôles. Il y a FabLab qui est un laboratoire de fabrication numérique, espace d’innovation numérique équipé et axé sur l’impression 3D comme Laser, la robotique et tout ce qui est objet connecté. De façon globale, c’est plutôt un espace de médiation numérique et lorsque vous y venez, vous montez en compétence en utilisant les machines pour prototyper des projets.
Après, il y a la mise en place d’une école du numérique qui est inclusive, orientée sur la formation des jeunes défavorisés. Ceux-ci sont formés suivant les parcours liés au numérique en développement web et tout ce qui va avec et qui les accompagne surtout dans leur processus d’insertion professionnelle. Enfin, il y a un incubateur qui a presque un accompagnement pour les jeunes porteurs de projets notamment les étudiants formés à l’école.
D’où est venue l’idée de l’initiative ‘‘BloBus’’ ?
Le constat, c’est que les jeunes des zones défavorisées n’ont pas les mêmes chances d’avoir accès aux outils et les compétences de nos grandes villes. C’est dans le sens d’apporter une sorte de solution à cette situation qu’on a monté BloBus. L’idée, c’est donc d’embarquer tout ce contenu dans un bus et d’aller vers les jeunes des zones défavorisées pour les former. C’est ainsi que le dispositif BloBus a été mis en place. C’est en effet un bus numérique très innovant structuré en 3 zones telles qu’une salle de classe numérique très équipée avec une vingtaine d’ordinateurs, un espace de co-working et un laboratoire de fabrication numérique équipé de 2 imprimantes 3D, des robots et bien d’autres. Il faut signaler que le dispositif du bus est autonome en énergie électrique. Des panneaux solaires sont installés au-dessus du bus pour pouvoir alimenter les machines qui sont à l’intérieur. Cela permet de travailler quelle qu’en soit notre situation géographique, qu’il y ait d’électricité ou pas.
Quel est l’objectif du projet de ‘‘BloBus’’ ?
L’objectif premier, c’est de pouvoir diffuser ce qu’il y a comme connaissance du numérique pour les enfants dans les écoles, pour les entrepreneurs dans les ateliers sans oublier les enfants qui font de la programmation, de la robotique et qui travaillent sur les objets connectés. Il y a des bouquins qu’ils lisent pour apprendre à découvrir des projets. Notre mission est aussi de leur montrer tout le champ possible autour du numérique. A cet effet, il y a des ateliers pour les enfants dans des écoles et aussi pour les entrepreneurs. Il ne s’agit pas forcément de faire d’eux des ingénieurs mais de les aider à savoir utiliser toutes ces connaissances du numérique pour pouvoir exceller dans les différentes matières qu’ils font en classe. La deuxième cible, ce sont les jeunes entrepreneurs des zones défavorisées. Nous les accompagnons dans le domaine du numérique qu’ils soient des entrepreneurs du domaine de l’artisanat, de l’agriculture ou d’autres domaines. Il s’agit de savoir comment cette technologie numérique peut les aider dans ce qu’ils font au quotidien pour créer de la richesse. Il y a aussi des programmes autour des femmes comme l’entrepreneuriat féminin. Tout cela dans un dispositif unique appelé BloBus qui embarque sur lui des machines, des outils, des solutions, des ressources humaines qui pourront aider les uns et les autres à pouvoir monter en compétence numérique.
Dites-nous depuis combien de temps vous intervenez sur le territoire national
BloBus a été mis en place, il y a à peu près 3 ans. Le projet a été réalisé en un an à peu près.
Que peut-on retenir de votre impact sur le terrain ?
Nous avons, à la date d’aujourd’hui des résultats très intéressants. Nous avons parcouru tous les 12 départements du pays. Par exemple l’année passée, nous avons fait près de 6 mille kilomètres et nous avons touché plus de 3 mille cibles composées d’entrepreneurs, de jeunes, des enfants et de femmes.
Quelle est la réaction des cibles que vous touchez ?
C’est surtout l’engouement et l’enthousiasme que nous notons chaque fois sur les lieux que nous parcourons. Il arrive que, quand nous allons former dans des établissements, des enseignants nous disent : « vous n’allez pas bouger avec le bus tant que nous aussi, on ne se fait pas former ». C’est dire que l’engouement noté est énorme. Cela nous réjouit et nous encourage dans le travail que nous faisons.
Quel est l’avenir du projet en vue de sa pérennisation ?
Il va s’agir de multiplier le dispositif. Il faut reconnaître que le travail qui est abattu est énorme. Nous ne demandons pas aux enfants vers qui nous allons de payer. Nous cherchons ailleurs les sources de financement. Donc, les défis sont de taille. Il faut forcément multiplier le dispositif et mobiliser des partenaires pour pouvoir intervenir même dans les zones les plus reculées.
Parlez-nous de votre source de financement
Le modèle de financement que nous avons et qui nous permet de mener nos activités et rendre possibles nos interventions se repose sur la responsabilité des entreprises. Lorsque vous êtes une entreprise et si cela vous intéresse qu’on vienne mener nos activités dans votre zone pendant un mois, vous prenez en charge les coûts du transport qui comprennent la carburation, la prise en charge du chauffeur, les animateurs, la maintenance des machines et tout ce qui va avec. Des institutions sensibles à la question d’inclusivité peuvent aussi contribuer.
Quelles difficultés rencontrez-vous sur le terrain ?
C’est surtout la question de financement. La pertinence du dispositif n’est plus à démontrer. Il faut qu’il fonctionne 24h/24 puisque la demande aussi est forte. Il faut que les jeunes en profitent davantage. Au-delà de la formation, il arrive lors de nos déplacements qu’on sensibilise par exemple sur la question des droits humains, la santé sexuelle, le patrimoine culturel et plein d’autres.
Avez-vous un message à lancer ?
Que l’accompagnement des enfants des zones défavorisées retienne l’attention de tout le monde notamment les autorités. Il suffit de quitter la ville de Cotonou pour des milieux ruraux pour découvrir des potentiels cachés. Nous avons vu des enfants qui, en deux heures lorsque vous leur expliquez ce que c’est que l’unité centrale, ont la capacité le lendemain de sortir la même unité centrale, de sortir les composantes, de les tester sur une table, de prendre un bidon, de mettre les composantes dedans, d’installer un système d’exploitation et d’installer un outil qui apprend à programmer. Cela mérite d’être accompagné.
Votre mot de la fin
Merci à vous pour l’occasion offerte. Le numérique est aujourd’hui un vent qui emporte tout sur son passage. Il faut tout de suite en prendre conscience et se faire former. Le numérique n’est plus seulement la chose des sachants. Agriculteurs, instituteurs, médecins ou d’autres corps de métiers doivent chercher à connaître le lien qui peut se faire en utilisant le numérique pour créer davantage de richesse.
Par Fidégnon HOUEDOHOUN