Une causerie-débat a réuni ce vendredi 24 janvier 2025 à l’Etat-major général des Armées des acteurs de la presse et des responsables militaires pour discuter du rôle des médias dans la lutte contre le terrorisme, particulièrement au nord du Bénin, une région de plus en plus menacée par des groupes armés. L’événement a permis d’aborder les défis actuels, les stratégies de communication et les responsabilités des journalistes face à une menace grandissante. L’échange a réuni des personnalités de premier plan dans le domaine de la défense et de la communication. Parmi les participants figuraient le Colonel Ebenezer Honfaga, porte-parole des Forces Armées Béninoises, l’honorable Malik Gomina, ancien journaliste devenu député, Afouda Gabriel, expert en communication sur les questions de défense et de sécurité, ainsi que Moïse Dossoumou, directeur de publication du journal Fraternité et président du Réseau des journalistes d’Afrique sur les questions de défense et de sécurité. Le panel a mis en lumière l’importance de la collaboration entre les acteurs de la presse et les responsables militaires dans la gestion de la menace terroriste. Ils ont discuté des stratégies à adopter pour informer la population tout en préservant la stabilité et la sécurité du pays.
Le Colonel Ebenezer Honfoga a ouvert le débat en exposant la situation sécuritaire au nord du Bénin, particulièrement face à l’intensification des activités des groupes armés dans la sous-région. Selon lui, la montée en puissance de ces groupes terroristes, dont Al-Qaïda, Boko Haram et Ansaru, représente un défi majeur pour le Bénin, dont les frontières sont de plus en plus exposées. Le porte-parole des Forces Armées Béninoises a rappelé que la prolifération des armes, notamment après la chute du régime libyen, a contribué à l’armement de ces groupes. Les attaques sporadiques, principalement dans les zones frontalières, perturbent gravement les populations locales et menacent la paix dans la région. Face à cette situation, le Bénin a lancé plusieurs opérations militaires et de sécurité, telles que l’opération Mirador, pour sécuriser les zones à risque. L’objectif est de renforcer les positions des Forces armées et de sécuriser les espaces frontaliers tout en évitant la propagation de l’extrémisme. Cependant, le Colonel Honfoga a insisté sur la nécessité d’une approche globale, alliant réponse militaire, collecte de renseignements et sensibilisation des populations locales.
L’appel du colonel, aux journalistes
Lors de son intervention, le Colonel a souligné l’importance des médias dans la gestion de la crise. Selon lui, les journalistes jouent un rôle clé en évitant la propagation de rumeurs et de fausses informations qui pourraient semer la panique parmi la population. Il a appelé les journalistes à adopter une approche responsable et patriotique dans le traitement de l’information. En effet, selon le porte-parole des armées, la manière dont les médias couvrent les événements liés au terrorisme peut influencer directement le moral des Forces de défense et de sécurité ainsi que celui de la population. Les journalistes, a-t-il expliqué, doivent être des acteurs de la paix et de la cohésion sociale, et non des vecteurs de division. Ils ont la responsabilité de diffuser des informations vérifiées et de contribuer à une meilleure compréhension des enjeux liés à la lutte contre le terrorisme, sans provoquer de confusion ni d’alarme inutile.
Les recommandations de l’honorable Malik Gomina
L’honorable Malik Gomina, ancien maire et ancien journaliste, a pris la parole pour rappeler l’importance de la presse dans la prévention du terrorisme et de l’extrémisme. Il a souligné que la prévention commence souvent par une information responsable et précise. Selon lui, les journalistes ont un rôle essentiel à jouer pour éviter l’extension de l’extrémisme, en particulier en informant la population de manière claire et factuelle.
L’honorable Gomina a également insisté sur la nécessité de soutenir les Forces de sécurité et de défense. « « A défaut de jeter des lauriers à nos forces de sécurité et de défense, il faut que nous évitions de poser des actes qui affectent leur moral. Car si leur morale est à terre et qu’ils ne défendent pas correctement le pays, ces gens vont nous envahir et c’est notre existence qui en prendra définitivement un coup. Nous devons, au moment où, malheureusement, on arrive à en perdre, leur rendre hommage pour qu’ils sentent que le sacrifice qu’ils font la nation le leur reconnaît. Et nous sommes les meilleurs vecteurs pour leur faire comprendre que leurs compatriotes partagent avec eux les peines qu’ils subissent pour que nous, nous continuions d’exister en tant qu’Etat. Nous devons faire une presse particulière sur cette question. Ça ne veut pas dire qu’il faut se refuser de dire ce qui est, mais il faut se garder de mentir et d’alarmer », a-t-il déclaré. Il a averti que toute information susceptible de démoraliser les militaires pourrait compromettre leurs efforts pour protéger le territoire national.
L’élu a aussi abordé la question de la division entre les communautés, notamment entre les agriculteurs et les éleveurs, souvent manipulés par des extrémistes. Il a appelé à une sensibilisation accrue pour promouvoir la solidarité entre ces groupes, afin d’éviter que des tensions locales ne servent de terreau à l’extrémisme.
Moïse Dossoumou « Relayer une information sans la vérifier, c’est ouvrir la porte à la manipulation des ennemis de la paix »
Moïse Dossoumou, directeur de publication du quotidien Fraternité, a approfondi la discussion en mettant l’accent sur l’importance de l’exactitude des informations diffusées par les médias. Il a également insisté sur la nécessité d’une couverture responsable. « Relayer une information sans la vérifier, c’est ouvrir la porte à la manipulation des ennemis de la paix », a-t-il averti. Il a souligné que les journalistes doivent faire preuve de discernement et s’assurer que les informations qu’ils diffusent sont exactes et vérifiées. Une information erronée ou mal interprétée peut avoir des conséquences graves, en particulier dans un contexte aussi sensible que celui de la lutte contre le terrorisme. Selon lui, une couverture médiatique responsable doit se baser sur une analyse approfondie des phénomènes, notamment en distinguant les différentes formes d’extrémisme et en les expliquant clairement au public. Le responsable de média a également insisté sur la nécessité d’impliquer davantage les femmes et les jeunes dans les efforts de prévention du terrorisme. Ces groupes, souvent négligés dans les processus de prise de décision, sont pourtant des sources d’informations cruciales et des acteurs clés dans la lutte contre l’extrémisme. Les jeunes, notamment, doivent être considérés comme des partenaires dans la prévention, et des initiatives concrètes doivent être mises en place pour les intégrer et leur offrir des perspectives afin de les éloigner des groupes terroristes.
Gabriel Afouda : « Libérer des informations sans discernement pourrait être suicidaire »
Pour le président du Réseau des Journalistes et Communicateurs de l’Afrique de l’Ouest, Gabriel Afouda, la collaboration entre les médias et les Forces de défense et de sécurité est nécessaire dans un contexte de guerre asymétrique et de terrorisme croissant. Selon lui, le rôle des journalistes ne se limite pas à l’information, mais inclut également une dimension patriotique et responsable. En évoquant les changements dans la position des Forces armées béninoises, l’expert en communication des armées a expliqué qu’après avoir protégé d’autres nations, celles-ci se retrouvent désormais à défendre leur propre territoire, et les journalistes doivent les soutenir dans cette nouvelle réalité. En effet, il avoue que le rapport entre militaires et médias a évolué, et il propose que cette collaboration soit menée dans un esprit de respect mutuel et de protection de l’intégrité territoriale. Gabriel Afouda a insisté sur le fait que l’information ne doit pas être divulguée de manière irréfléchie. « Libérer des informations sans discernement pourrait être suicidaire », a-t-il averti, en soulignant l’impact des médias sur le moral des troupes et la sécurité du pays. Il a conclu en appelant à une synergie renforcée entre journalistes et Forces de défense et de sécurité, pour garantir une lutte efficace contre les menaces actuelles.