Angelo DOSSOUMOU S.
Les politiques sont de retour. Après les technocrates, Talon associe les hommes dits de ‘‘terrain’’ dans sa gouvernance. Le chef de l’Etat a tenu à sa promesse en nommant des ministres conseillers lors du conseil des ministres de ce mercredi 11 Décembre 2024. Un collège constitué de 12 personnalités provenant des partis politiques de la mouvance et qui aura pour mission de contribuer à la définition de la politique du Gouvernement et au suivi de la mise en œuvre du Programme d’Actions du Gouvernement. Ils viennent donc en appui pour donner un coup d’accélérateur aux grands chantiers du régime. Ce collège est composé de figures connues du paysage politique béninois. Parmi elles, des personnalités ayant déjà occupé de hautes fonctions, telles que Claudine Prudencio, ancienne ministre et présidente du Parti Renaissance Nationale (RN), et Sèdami Médégan Fagla, ancienne députée. Elles rejoignent des profils diversifiés, à l’instar de Rachidi Gbadamassi, Janvier Yahouédéou, Jacques Ayadji et Paulin Gbenou, tous reconnus pour leurs expériences et leur proximité avec le terrain.
A cet effet, ils apporteront une touche pragmatique et renforceront un équilibre stratégique entre technocratie et expériences politiques. En outre, de par leur proximité avec le peuple, ils travailleront à traduire les attentes populaires en actions concrètes. En associant des acteurs politiques à la prise de décision, le Gouvernement pourra combler le fossé entre les attentes sociales et les politiques publiques. Grâce à leur ancrage local, ils contribueront à traduire les besoins des populations en actions concrètes.
Des nominations stratégiques pour les élections de 2026
Cependant, ces choix ne sont pas dénués d’arrière-pensées politiques. A travers ces nominations, le chef de la mouvance a fait sans doute un réajustement à visée électoraliste. En 2026, le Bénin connaîtra des élections générales sous un code électoral exigeant où un parti politique doit obligatoirement obtenir au moins 20 % des voix dans chaque circonscription pour obtenir des sièges. Cette contrainte met les partis de la mouvance présidentielle sous pression, en particulier dans certaines zones où ses performances suivant les statistiques des dernières élections de 2023 ont été faibles. C’est une démarche qui pourrait préparer le terrain pour les échéances à venir. Avec cette réforme, le chef de l’État semble vouloir solidifier ses bases électorales et renforcer ses partis politiques dans les circonscriptions à risque, notamment les 8e, 9e et 10ème CE où l’Union Progressiste le Renouveau (UP-R) a été presque inexistante ou encore la 15e et la 16e où c’est le Bloc Républicain qui y a laissé des plumes.
Par ailleurs, ce coup politique vise également à affaiblir l’opposition, notamment le parti ‘‘Les Démocrates’’, en compliquant leur percée dans certaines zones notamment leur fief de Parakou en particulier et les 8è, 9è et 10ème Circonscription électorale en général. En clair, en associant les technocrates aux politiques, Patrice Talon met en place une gouvernance hybride, pragmatique et tournée vers l’avenir. Reste à voir si cette stratégie saura répondre aux attentes des Béninois tout en préparant efficacement les échéances électorales à venir.
Du moins, la présence des personnalités comme Paulin Akponan, Rachidi GBADAMASSI, Mariam DJAOUGA, SACCA Saka Kina BIO GUERA et Jacques Ayadji donne un coup de main à ses alliés dans les départements des Collines et du Borgou qui sont des bastions de l’opposition. Par ailleurs, il tente de renforcer l’hégémonie des partis de la mouvance dans le Zou avec les choix de Janvier Yahouedeou ou en encore Ayibatin Jonas HANTAN. De même, il a apporté un nouveau souffle aux partis soutenant ses actions dans les Circonscriptions électorales dans lesquelles le parti de l’opposition, ‘‘Les Démocrates’’ court le risque de ne pas avoir les 20%.
Une faible représentativité des femmes
Sur un autre plan, en dépit de son engagement affiché en faveur de la parité, le président Patrice Talon semble avoir dérogé à ses habitudes en matière d’équilibre genre dans la nomination des 12 ministres conseillers. Sur ces nouvelles personnalités politiques, seules trois femmes ont été nommées. Il s’agit de Claudine Prudencio, Mariam DJAOUGA SACCA et Sèdami MEDEGAN FAGLA qui porteront le flambeau de la junte féminine dans cette nouvelle stratégie de gouvernance. Ce chiffre, qui représente à peine un quart du collège, contraste avec l’image d’un chef d’Etat souvent perçu comme un défenseur de la représentativité des femmes dans les instances de décision. Du coup, cette faible représentativité féminine surprend d’autant plus que le président Talon a, par le passé, fait de la parité une priorité dans ses réformes institutionnelles. Grâce à ses efforts, le Bénin a franchi une étape majeure avec l’élection de près de 30 % de femmes à l’Assemblée nationale, une première dans l’histoire du pays. Cette avancée avait été saluée comme une victoire pour l’inclusion des femmes dans les hautes sphères de décision. Cependant, la composition du collège des ministres conseillers révèle un déséquilibre qui vient ralentir cette dynamique. Mais peu importe ! Le plus important c’est 2026 et le résultat que donnera cette alchimie de ‘‘ministres conseillers’’ pensée par Talon. En attendant, c’est Noël avant l’heure pour les acteurs politiques de la mouvance présidentielle qui peuvent, après la longue traversée de désert sous la Rupture, savourer leur reconnaissance et nomination par Talon. Il était vraiment temps.