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Wilfried Léandre Houngbédji sur New World Tv : « …la Constitution béninoise est claire, le président Talon n’effectuera pas un troisième mandat…»

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Dans un entretien exclusif avec la chaine New World Tv, le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji s’est exprimé sans détour sur la présidentielle de 2026 au Bénin, les transformations structurelles opérées sous la présidence de Patrice Talon, mais aussi la politique extérieure du Bénin.

Nous démarrons cet entretien avec un sujet qui fâche peut-être : Oswald Homéky, Olivier Boko… encore des concurrents politiques envoyés au gnouf, n’est-ce pas ? Une nouvelle mauvaise publicité pour la politique béninoise ?

Pour nous, ce n’est pas un sujet qui fâche. Contrairement à la lecture que vous en faites, Messieurs Homeky et Boko, qui sont pour nous des frères et des aînés, étaient, jusqu’à la découverte du complot, des amis du président de la République. Mieux encore, Monsieur Boko n’était pas seulement un ami, il était considéré comme un frère par le président Talon. Donc, il n’y a pas de concurrence, aucune rivalité politique. Et il n’y a pas de concurrence vis-à-vis de Patrice Talon, dont le mandat se termine dans 15 mois et qui a déjà officiellement acté son départ. Par contre, il y a eu une affaire judiciaire, la justice a mené ses enquêtes, tiré ses conclusions, et organisé un procès régulier lors duquel les intéressés ont pu s’exprimer et se défendre. Même si, à un moment donné, dans leur stratégie de défense, ils n’ont pas souhaité aller au fond du débat, la justice disposait d’éléments suffisants qui ont conduit à leur condamnation.

Vous parlez de concurrents politiques envoyés au gnouf ? Non, il n’y a pas de concurrents politiques qui se retrouvent au gnouf sans raison valable. Au Bénin, notre démocratie fonctionne. Il y a des adversaires politiques, des opposants, des critiques parfois très acerbes, et pourtant personne ne leur reproche cela. Cependant, certains acteurs politiques ont, à un moment donné, commis des actes répréhensibles, ce qui a obligé la justice à intervenir. La justice, lorsqu’elle est saisie, fait son travail en enquêtant, en tirant des conclusions solides et en organisant un procès. Il serait trop facile de dire que l’on est emprisonné simplement parce qu’on est un acteur politique. Aucune loi béninoise ne prévoit de délit politique. En revanche, il existe des délits de droit commun. Pour illustrer cela, si un journaliste vole une moto ou une voiture en ville, même s’il porte une carte de presse bien en vue, il a commis un délit de droit commun et doit en répondre devant la justice. Ce n’est donc pas un journaliste emprisonné, mais un voleur de véhicule. Il en va de même pour les acteurs politiques. Lorsqu’ils commettent des infractions de droit commun, ils doivent être traités comme tout autre citoyen. C’est ce qui s’est passé au Bénin pour toutes les personnes concernées. Concernant Oswald Homeky et Olivier Boko, que vous mentionnez, ce sont des amis, des frères d’hier. S’ils ont pris les armes contre nous, cela relève de leur responsabilité personnelle. Je ne commenterai pas leurs intentions. La justice a fait son travail, elle a jugé que les faits étaient avérés et que les sanctions prévues par le code pénal s’appliquaient.

Vous mentionnez le nombre d’adversaires politiques ayant eu des démêlés avec la justice. Est-ce une coïncidence ?

Non. Le Bénin est en pleine transformation. En démocratie, la liberté s’accompagne de la responsabilité. Chacun est libre de dire ce qu’il veut, mais il doit aussi être prêt à assumer les conséquences de ses actes.

En ce qui concerne la présidentielle de 2026, l’opposition a-t-elle encore une marge de manœuvre ?

Oui, et d’ailleurs, le code électoral et la charte des partis structurent clairement la vie politique béninoise. Pour la présidentielle, un candidat doit être porté par un parti ou des partis et bénéficier du parrainage de responsables élus (maires ou députés). Actuellement, à l’Assemblée nationale, trois grands partis sont représentés : l’Union progressiste – Le Renouveau, le Bloc Républicain (BR) et Les Démocrates (LD). Les Démocrates disposent de 28 députés, tout comme le BR, ce qui leur garantit suffisamment de parrains pour désigner un duo de candidats pour 2026. Le code électoral protège désormais les élus contre les changements de camp politique intempestifs, renforçant ainsi la stabilité des partis politiques. Ces réformes visent à remettre les partis politiques au cœur de la démocratie béninoise et à éviter la prolifération de petites formations politiques non viables. Le but de ces réformes est d’avoir des partis d’envergure nationale capables de porter des leaders avec une réelle stature politique. La qualité de la gouvernance dépend en grande partie de la qualité du personnel politique. En somme, la démocratie béninoise évolue vers plus de responsabilité et de structuration, garantissant à tous les acteurs politiques les mêmes droits et les mêmes devoirs devant la loi. Il faut veiller à ce que le personnel politique soit le mieux qualifié possible. C’est ce que nous avons commencé à mettre en place au Bénin.

Justement, concernant la vision du chef de l’État à son arrivée au pouvoir, qui consistait à assainir l’environnement des partis politiques et à les réduire, est-ce que cette politique a prospéré aujourd’hui ? Est-elle efficace ? Quels sont les résultats obtenus ?

Il ne s’agissait pas pour le chef de l’État de réduire le nombre de partis politiques. Avant l’avènement du président Patrice Talon, toute la classe politique béninoise, indépendamment de ses obédiences, avait réfléchi à la nécessité de réformer le système politique. Cependant, il fallait beaucoup de courage pour entreprendre de telles réformes. C’est ce courage qui manquait avant lui. Le président Boni Yayi, lorsqu’il a entamé son second mandat en 2011, avait abordé dans son discours d’investiture la nécessité d’oser réformer, notamment le système partisan. Le président Adrien Houngbédji, redevenu président de l’Assemblée nationale en 2015, avait également réaffirmé, dans son discours d’investiture, la nécessité de réformer le système politique béninois, en parlant déjà de réduire le nombre de partis pour favoriser de grands partis.

Mais, entre les intentions et les actes, il y a souvent un fossé. C’est pourquoi, contrairement à ses prédécesseurs, le président Talon a décidé de s’engager pleinement dans ces réformes. Très rapidement, après avoir consulté les différents acteurs politiques, il a estimé qu’il fallait passer à l’action.

Et quelle est cette réforme ?

Elle ne vise pas à limiter le nombre de partis. Aujourd’hui, le Bénin compte au moins une quinzaine de partis politiques. Demain, ce nombre pourrait atteindre 100, comme nous en comptions 289 en octobre 2019 lors de l’introduction de la réforme. Nous pourrions même avoir 500 partis politiques au Bénin. Ce que nous demandons, c’est que les partis politiques de gouvernement aient une envergure nationale. Vous pouvez avoir un parti de quartier ou de village et être un agitateur d’idées. Mais si vous voulez conquérir le pouvoir, il vous faut une présence nationale. Si vous visez à obtenir des sièges au Parlement, il est nécessaire d’obtenir au moins 20 % des voix dans chacune des circonscriptions législatives, et nous en avons 24. Pourquoi ? Parce qu’auparavant, de nombreux partis se concentraient sur une ou plusieurs régions, et n’étaient actifs que dans quelques communes. Nous estimons qu’un parti politique qui veut être un parti de gouvernement doit être présent dans toutes les communes, afin de s’occuper de tous les Béninois. Cela favorise l’unité nationale et encourage les regroupements. Vous pouvez être cent leaders politiques et, en vous regroupant selon les prescriptions du Code, créer un grand parti qui peut évoluer et devenir plus influent avec le temps. Nous visons la création de deux ou trois grands partis qui s’alternent au pouvoir, chacun avec une idéologie claire, permettant aux populations de savoir à quoi s’attendre après chaque élection. Cette lisibilité de l’action politique est cruciale.

Pourquoi empêcher les Démocrates d’exercer leur droit à mener des activités politiques et à rencontrer les populations ? Certains partis, comme les Démocrates, dénoncent des entraves à leur liberté d’exercice.

En ce qui concerne l’organisation de rassemblements politiques, l’autorité administrative doit veiller à l’ordre public. Il est parfois avancé que certaines demandes de rassemblements ne respectent pas les formes. Si tel est le cas, l’autorité administrative peut indiquer aux organisateurs ce qu’ils doivent corriger, mais ce n’est pas son rôle d’imposer une autorisation ou une interdiction. En cas de litige, les partis ont la possibilité de saisir les tribunaux administratifs pour faire valoir leurs droits. Concernant l’audit du fichier électoral, le gouvernement a accordé un financement pour que le parti des Démocrates réalise cet audit. Cette démarche démontre que le gouvernement n’a rien à cacher, et le président Talon considère ce travail comme une contribution citoyenne, car il bénéficie à tous les Béninois, pas seulement à l’opposition ou à la mouvance présidentielle. C’est un travail mené avec la société civile, et cela montre la bonne foi du gouvernement.

Sur le plan économique et social, qu’en est-il de l’impact des réformes sur la population ?

Les Béninois, dans leur grande majorité, sont satisfaits des progrès réalisés. Ils constatent que le pays se transforme. Et même ceux qui étaient sceptiques au début de l’ère Talon admettent aujourd’hui les résultats positifs. Beaucoup souhaitent que cette aventure continue au-delà de 2026. Ces changements sont visibles, surtout en matière d’infrastructures et de développement économique. Toutefois, un défi persiste : le panier de la ménagère. Bien que les conditions de vie se soient améliorées grâce aux infrastructures, il reste un travail à faire pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens. Cela dit, le gouvernement a déjà pris des mesures pour revaloriser les salaires, avec des augmentations significatives dans certains secteurs. En matière d’infrastructures, des projets majeurs ont été réalisés : des routes durables, des stades, des marchés modernes, et une ambition de connecter toutes les communes du pays avec au moins une voie bitumée. Ces projets ont répondu aux attentes des populations, mais ces dernières continuent d’en vouloir davantage. La modernisation de l’état civil et la digitalisation des services publics ont également permis de simplifier la vie quotidienne des citoyens.

Cependant, il est évident que l’amélioration des conditions de vie ne se limite pas à la réalisation d’infrastructures. Le gouvernement a également augmenté les salaires et a pris des mesures incitatives pour certains corps de métier, comme les médecins, afin qu’ils restent en poste et offrent de meilleures prestations de santé. Les réformes, bien qu’encourageantes, ne répondent pas encore entièrement aux attentes de tous les Béninois, mais elles montrent qu’une évolution positive est en cours, et le gouvernement reste déterminé à aller de l’avant. Le discours que vous partagez aborde plusieurs aspects du développement du Bénin sous la présidence de Patrice Talon. Il met en lumière les efforts réalisés pour améliorer le bien-être des citoyens, notamment avec des projets comme la construction du centre industriel de Glo-Djigbé, les initiatives d’assainissement à Cotonou, et la mise en place d’une politique de gestion des déchets. Il souligne également l’impact de ces actions sur la vie des Béninois, notamment en termes d’emplois, de salaires et de conditions de travail. Cependant, malgré ces progrès, des défis persistent, notamment le besoin d’améliorer davantage les salaires et les conditions de vie des travailleurs, et de continuer à développer des infrastructures comme les routes, les hôpitaux et l’approvisionnement en eau. Le discours met également en avant le respect de la Constitution et de la limitation des mandats présidentiels, soulignant que le président Talon respectera la règle des deux mandats et transmettra le pouvoir à son successeur dans la paix.

Que pensez-vous de la manière dont le Bénin a évolué sous la présidence de Talon, notamment en matière de développement économique et de politique étrangère ?

Quant à la politique extérieure, notamment avec des pays voisins comme le Niger, le discours montre que bien que des tensions aient existé, le Bénin cherche à maintenir la stabilité régionale en appliquant les règles des organisations internationales telles que la CEDEAO.

Mais la question qui se pose maintenant est la suivante : les salaires sont-ils décents ? Les jeunes que l’on voit affluer le matin et ressortir le soir du centre industriel sont-ils satisfaits des revenus qui leur sont offerts ?

Je suis heureux de vous entendre évoquer ce constat et de dire qu’à Glo-Djigbé, il y a effectivement un afflux, un vrai déferlement. Il suffit de se rendre sur place, un matin à l’arrivée ou un soir à la sortie, pour constater le phénomène. Les conditions de travail respectent le Code du travail, et les employeurs sur place s’y conforment. Aujourd’hui, près de 20 000 jeunes béninois y travaillent. Certes, nous pouvons tous souhaiter que les conditions de travail s’améliorent. Les jeunes qui ont un emploi à Glo-Djigbé aspirent à mieux, et notre devoir est de faire en sorte qu’il y ait toujours plus d’usines et d’entreprises qui s’installent pour recruter des jeunes et les sortir de la précarité. De plus, lorsque ces jeunes font bien leur travail, il est naturel qu’ils gagnent mieux. C’est également notre souhait.

Quant à Cotonou, qui a réussi à sortir la tête de l’eau et qui est désormais classée parmi les villes les plus propres de la sous-région, comment cela a-t-il été possible ?

Cela a été le fruit d’un travail acharné, porté par l’ambition exprimée par le président de la République et la détermination des Béninois. N’oublions pas qu’avant 2016, si vous arriviez à Cotonou, vous auriez été surpris de voir à quel point il était facile et fréquent de trouver un sachet en plastique au sol. Aujourd’hui, dans une grande partie de la ville, les rues sont propres, les routes sont asphaltées et bien entretenues. Cela a été rendu possible grâce à une gestion sérieuse des déchets, à l’initiative de la société de gestion des déchets solides, qui gère désormais les communes du Grand-Nokoué et de Parakou, en attendant l’extension de cette activité. Le programme d’asphaltage initié par le gouvernement a également contribué à la transformation de la ville. Cotonou est en constante évolution, avec de plus en plus d’axes routiers bitumés ou pavés, éclairés, et où les activités continuent même la nuit. Ce travail remarquable a permis à Cotonou de devenir la ville la plus propre de notre sous-région et la sixième sur le continent. L’ambition est de maintenir et d’améliorer cette performance. En parallèle, le programme d’assainissement pluvial de la ville de Cotonou, qui se déroule depuis plusieurs années avec un investissement de près de 300 milliards de francs CFA, vise à éradiquer les inondations. Avant 2016, dès les premières pluies, Cotonou était souvent inondée. Mais grâce à ce programme, et à la construction de collecteurs et à l’aménagement des voies, la situation a largement évolué. Dès la fin de ce projet, les populations de Cotonou seront définitivement libérées des inondations.

En parlant des réalisations, un pays n’est jamais parfait. Même si nous avions réussi à bitumer toutes les rues du Bénin, à construire des hôpitaux dans chaque village, à garantir une cantine scolaire pour tous les enfants du pays (qui sont aujourd’hui 1,3 million à bénéficier de ce programme), il resterait encore des besoins. Par exemple, certains demandent des repas supplémentaires ou des améliorations dans les infrastructures de santé et d’éducation. Quel que soit le niveau de développement atteint, de nouveaux défis surgissent toujours.

Est-ce que le Président Patrice Talon fera un 3è mandat ?

Quant à la fin du mandat présidentiel, il reste moins d’un an avant la fin du second et dernier mandat du président Patrice Talon. Il n’y a pas de doute : la Constitution béninoise est claire, le président Talon n’effectuera pas un troisième mandat. La révision constitutionnelle de 2019 a renforcé cette règle, interdisant à toute personne d’effectuer plus de deux mandats présidentiels. L’idée d’un troisième mandat est donc exclue, et le président Talon respectera cette limitation. Certains, notamment parmi ceux qui se réjouissent des progrès réalisés, ont exprimé leur souhait de voir le président Talon poursuivre son travail. Cependant, le président lui-même a affirmé que, bien qu’il soit flatté par ces demandes, il croit que son successeur pourra continuer et même aller plus loin dans le développement du pays.

Quelles sont vos relations avec le Niger, après la crise dans le Sahel ?

En ce qui concerne la politique extérieure, notamment avec le Niger, il est vrai qu’il y a eu des tensions dues à des désaccords sur certaines décisions prises au sein de la CEDEAO. Le Bénin a toujours respecté les règles de cette organisation et a appliqué les sanctions nécessaires, mais ces tensions n’ont pas empêché la levée des sanctions après les interventions diplomatiques du président Talon. Le Bénin a rouvert sa frontière avec le Niger, espérant que cette action contribuera à restaurer une coexistence pacifique et harmonieuse entre les deux pays. Il est vrai que le Niger a reproché au Bénin d’héberger des bases militaires sur son territoire, mais ces accusations ne reposent sur aucun fondement sérieux. Les discussions diplomatiques continueront de faire avancer la situation, et le Bénin continuera de défendre ses positions dans le respect des principes de paix et de stabilité régionale.

Le Niger reproche au Bénin d’avoir abrité des bases militaires étrangères sur son territoire. Que répondez-vous ?

Le Bénin n’a jamais perçu la présence militaire étrangère comme une menace pour sa souveraineté. Nous n’avons jamais accusé le Niger de recevoir des Français chez eux pour y établir une base militaire, en affirmant que cela pourrait représenter une menace pour nous. Nous n’avons jamais agi de cette manière.

À la limite, chaque pays fait ses propres choix, et nous avons fait celui de ne pas accepter de bases militaires étrangères sur notre sol. Nous n’avons pas d’accords de défense avec la France, contrairement à d’autres pays africains qui ont conclu de tels accords. Nous avons des accords de coopération militaire avec plusieurs pays, dont la Russie, la France, les États-Unis, la Belgique, et d’autres. Mais nous n’avons pas d’accord de défense qui aurait conduit à l’installation de bases militaires étrangères sur notre territoire. Cependant, dans le cadre de notre stratégie de lutte contre le terrorisme, principalement importé du Burkina Faso et du Niger, nous avons pris des mesures. Vous comprendrez pourquoi : lorsque la situation au Niger s’est dégradée, le Bénin a réagi rapidement, car nous gérions déjà la situation sur notre flanc avec le Burkina, et nous étions préoccupés par la possibilité que le Niger suive le même chemin, ce qui aurait aggravé notre situation.

Notre objectif a toujours été la stabilité de la sous-région. Dans cette optique, nous avons non seulement recruté davantage de jeunes pour l’armée, mais aussi investi massivement dans l’achat d’équipements militaires, la formation de nos forces, et la construction de bases opérationnelles avancées. Ce sont de petites installations, des camps militaires et des points fortifiés, conçus en fonction des zones à risque identifiées. Nous avons surinvesti dans ces infrastructures, et il n’y avait rien à cacher. La preuve en est que dès décembre 2022, soit sept mois avant le coup d’État au Niger, le président Talon, dans son discours sur l’état de la nation devant l’Assemblée nationale, a évoqué la construction de ces bases. S’il y avait quelque chose à dissimuler, nous n’aurions pas mentionné ce projet.

Cependant, certains ont saisi l’occasion pour affirmer que ces bases étaient en réalité des bases étrangères. Nous leur laissons la responsabilité de leurs propos. Nous avons expliqué à maintes reprises qu’il n’y a pas de bases militaires étrangères sur notre sol, ni d’instructeurs étrangers, qu’ils soient français ou autres. Nous menons cette lutte avec nos propres moyens, grâce au courage de nos forces armées, qui vont parfois jusqu’au sacrifice suprême pour défendre notre pays. Nous n’avons pas l’intention de perdre nos enfants dans cette guerre contre le terrorisme. Nos ennemis frappent, puis se retirent de l’autre côté de la frontière d’où ils sont partis. C’est notre réalité aujourd’hui. Nous espérons que la coopération avec nos voisins redeviendra ce qu’elle était, et nous permettra de partager des informations et des stratégies pour contenir ce phénomène et l’éliminer de notre espace. Le Bénin, sous la présidence de Talon, a été le premier à demander, au sein de la CEDEAO, la mutualisation des moyens pour faire face à ce phénomène. C’est ainsi qu’est née l’initiative d’Accra. Mais cette initiative n’a pas suscité beaucoup d’empressement, ce qui a poussé le Bénin à investir de manière autonome, malgré les énormes coûts, s’élevant à des dizaines de milliards. Aujourd’hui, nous avons une coopération fructueuse avec le Togo sur ce front, qui fonctionne bien. En raison des événements au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la coopération avec ces deux derniers pays est pour l’instant suspendue. Mais nous restons ouverts et prêts à coopérer. Nos forces de défense et de sécurité réitèrent leur offre de coopération, et nous avons bon espoir qu’à un moment donné, nos frères des autres pays comprendront que nous devons conjuguer nos efforts. Ensemble, nous serons plus forts pour vaincre ces criminels. En ce qui concerne la frontière avec le Niger, nous avons déjà ouvert la circulation sur le fleuve, levant toutes les restrictions et interdictions. Nous savons qu’à travers ce moyen, la population parvient à se procurer des produits essentiels.

Qu’en est-il de l’ouverture des frontières ?

S’agissant de l’ouverture formelle de la frontière, si les autorités nigériennes décident d’ouvrir ce soir ou demain, nous nous en réjouirons. Nous espérons qu’elles comprendront que le Bénin n’est pas une menace pour le Niger, et que nous n’avons jamais eu l’intention de compromettre la sécurité de ce pays. Nous considérons nos relations avec le Niger comme fraternelles. Parfois, même entre frères, il peut y avoir des frictions, mais elles sont appelées à disparaître avec le temps. Nous pensons que cette situation est temporaire et que les autorités nigériennes finiront par être convaincues que le Bénin est un pays frère et ami, sans intention de nuire à la sécurité du Niger.

Cette crise socio-politique régionale a provoqué aujourd’hui la création de l’AES. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle alliance ? 

Concernant le projet de l’Alliance des États du Sahel (AES), nous n’y voyons aucune opposition. La dynamique des États est évolutive, et l’AES est une réalité aujourd’hui, regroupant au moins trois pays, mais il est possible qu’elle s’étende à d’autres. Peut-être que la CEDEAO changera de forme ou s’élargira, ou d’autres pays chercheront à rejoindre différentes organisations. L’essentiel est que chaque pays respecte les règles de l’organisation à laquelle il appartient. En tant que membres de la CEDEAO, nous respectons ces règles. Si demain la dynamique fait que nous faisons partie d’un autre groupe, nous serons toujours des partenaires loyaux et responsables. Il n’y a pas de jugement à faire sur les choix souverains des autres pays, et nous coopérerons avec tous, quelle que soit l’organisation à laquelle ils appartiennent.

Un mot pour conclure cet entretien

Le plus bel héritage que le président Talon laissera aux Béninois dans un an, lorsqu’il quittera le pouvoir, est déjà clair. Il considère que sa plus grande réalisation est d’avoir contribué à changer l’état d’esprit du peuple béninois. Aujourd’hui, les Béninois sont de plus en plus convaincus qu’il n’y a pas de rêve trop grand pour leur pays. Ils croient en leur potentiel, à condition de travailler ensemble. Avant 2016, le Bénin était un pays où le désespoir dominait. Lorsque nous élisions un président, c’était souvent pour sanctionner le prédécesseur, car les attentes étaient toujours déçues. Mais aujourd’hui, les Béninois croient que le pays peut progresser continuellement, et cela constitue le plus grand héritage laissé par le président Talon. Ce n’est pas tant les belles infrastructures comme l’Amazone ou les routes, ni l’amélioration de l’école ou des hôpitaux, mais bien cette nouvelle mentalité qui, selon nous, déterminera tout le reste. Si nous maintenons cet état d’esprit, nous serons capables de réaliser des exploits encore plus grands, et à terme, notre pays sera définitivement transformé pour le bien de nos enfants et petits-enfants, qui vivront dans un Bénin meilleur que celui que nous avons connu.

Merci, Wilfried Léandre Houngbédji, pour cet entretien.

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