Samirah MOUMOUNI
Un match décisif de Ligue des Champions ce mercredi 16 avril 2025. Franck est un fervent supporter du Real Madrid et sa femme Joséphine n’aime pas le foot. Sur l’écran plasma du couple, les joueurs d’Arsenal et du Real Madrid s’échauffent. Franck, tout sourire, enfile son maillot blanc orné du logo Merengue. À quelques mètres de là, sa femme Joséphine reste en retrait, les bras croisés, le regard perdu. Ce soir encore, elle sait qu’elle devra partager son mari avec onze joueurs qu’elle ne connaît ni d’Adam ni d’Ève. « Je suis invisible pendant 90 minutes », confie-t-elle, la voix à peine audible. Puis elle soupire. « Je serais certainement la plus heureuse dans mon foyer si le football n’existait pas ».
Depuis plusieurs années, les soirées de Ligue des Champions ont pour elle un goût amer. Pendant que Franck vit chaque match comme une finale, elle, de son côté, vit chaque minute comme une mise à l’écart. « Il ne me remarque qu’à la fin du match », ajoute-t-elle, mi-amère, mi-résignée. Ce soir-là, cependant, la défaite du Real pousse Franck à quitter prématurément le salon. Joséphine esquisse un sourire discret. Sa soirée peut enfin commencer.
Le scénario est similaire dans de nombreux foyers. Quand le ballon roule, certains hommes se transforment : plus rien n’existe que le match. Léa, la trentaine, mère de trois enfants, a trouvé sa technique pour survivre aux soirs de matchs. « Je préfère aller m’asseoir dehors, loin des cris et des insultes contre l’arbitre », raconte-t-elle, un rire un peu jaune au coin des lèvres. Chez elle, une règle règne sans partage : « Personne ne touche à la télécommande pendant un match. Même les enfants le savent ». Mais toutes les femmes ne vivent pas ces moments comme un supplice.
Parfois le foot ne fait ni chaud ni froid
Chez Collins et Bumy, le football est une affaire de couple. Bumy, fan du FC Barcelone, vibre autant que n’importe quel supporter du Camp Nou. « Les soirs de grands matchs, c’est moi qui prends le contrôle du salon », raconte-t-elle fièrement. Collins, son époux, sourit : « Le lendemain, c’est mon tour. Je choisis le film. On s’équilibre ». Et lorsque les sorties s’annoncent en plein match, ils trouvent toujours un terrain d’entente. « On regarde ensemble le résumé avec du popcorn. C’est ça l’amour moderne : partager, céder, supporter, même quand c’est un club rival », conclut-il dans un éclat de rire.
Mais tous les hommes ne sont pas fous du ballon rond. Jacques, 45 ans, préfère de loin le vrombissement de sa moto au tumulte d’un stade. « Le bruit du moteur m’apaise. Il me suffit d’une longue virée pour oublier une mauvaise journée », confie-t-il, les yeux pétillants de passion. Dans la maison des LAWANI, le football n’a jamais vraiment trouvé sa place. Ici, les soirées sont rythmées par les Novelas, africaines ou européennes. « On suit les séries ensemble, Jacques Ebrank ODJO d’affirmer : « Le football peut diviser, rapprocher, obliger à composer. Il crée des bulles d’émotion, des silences lourds ou des cris de victoire. Il révèle les tempéraments, les limites, la tolérance. Il fait grincer des dents, mais parfois aussi battre les cœurs à l’unisson. Dans le fond, ce n’est peut-être pas tant le foot qui secoue les ménages, mais bien l’intensité des émotions qu’il charrie ». Qu’on le vive en couple, en solo ou en opposition frontale, le ballon rond s’invite donc dans le quotidien, et il y reste comme un test invisible de l’art de vivre ensemble.
