L’artiste peintre russo-béninoise Marina Edjrokinto sait, à travers son art, redonner vie à l’histoire dahoméenne notamment celle écrite par les Agodjié afin qu’elle subsiste. Un instant passé ce lundi matin à son atelier à Cotonou offre une pure immersion dans son univers.

Fidégnon HOUEDOHOUN
Des peintures acryliques de couleurs et gammes variées, des pinceaux, des crayons et bien d’autres matériels de travail accueillent à l’atelier de l’artiste peintre Marina Edjrokinto. Surtout ce sont les tableaux disposés aux murs de part et d’autre et de différentes tailles offrant un décor pittoresque, qui attirent l’attention à première vue.
Le calme qui y règne et les multiples visages féminins sur les tableaux s’accommodent d’inspiration créative. C’est ce cadre d’emprunt artistique qui s’offre comme une occasion propice pour l’artiste peintre de s’exprimer et de communiquer de par ses concepts. Plutôt, une immersion dans laquelle elle plonge ce lundi 21 juillet à l’aide de ses pinceaux, de ses peintures acryliques et de ses supports à toile.
Un moment d’enthousiasme
Vêtue d’un haut blanc sur un bleu nuit tachetés de peinture, Marina Edjrokinto visiblement passe ainsi un moment d’enthousiasme devant son tableau en cours de réalisation à l’aide de son pinceau dans la main droite et un flacon de peinture acrylique dans la main gauche. C’est d’ailleurs ce que traduisent certainement son sourire accueillant et la bonne humeur qu’elle laisse transparaître. « Quand je suis tranquille sans être en train de peindre, je sens que quelque chose me manque. Lorsque je me mets à peindre, je constate que le comble y est », signale-t-elle.
L’artiste ajoute que lorsque la fatigue l’accable, elle peut prendre un moment de pause. Mais, quelques instants après, elle ressent le besoin de retourner à son tableau. Avant de commencer à peindre, Marina dévoile des préambules indispensables. Il s’agit des commandes des peintures acryliques, des supports à toile et d’autres matériaux nécessaires. « J’ai mon menuisier qui me réalise mes supports. Il doit scrupuleusement respecter les dimensions. Autrement, on ne s’entend pas. Les tailles sont variées. Il y a les supports de 1m/1m50, ceux de 0,30m/1m pour ne citer que ceux-là. En ce qui concerne les peintures acryliques, je commande la meilleure qualité de l’extérieur. Il arrive aussi où je les commande au pays même si cela coûte plus cher », précise-t-elle. Elle ajoute que l’utilisation d’autres éléments comme le café ou le bicarbonate apporte une touche spéciale à son œuvre selon ce qu’elle a à réaliser.
Des concepts surtout puisés de l’histoire des Agodjié
Marina Edjrokinto, pendant que le pinceau et l’encre acrylique de ses mains donnent des formes plus précises aux visages historiquement identifiables sur son support, lève un coin du voile sur la source d’inspiration de ses concepts. Au départ, c’est la nature et la beauté décorative que les fleurs y apportent. Mais la découverte de l’histoire du Danxomè, devenue désormais la sienne, se révèle pour l’artiste, une source inépuisable de création. Pour elle, l’histoire du Danxomè est trop riche pour disparaître.
Dès lors, elle met son art au service de la pérennisation de l’histoire. « Avant, j’aime peindre la nature et le décor des fleurs. Quand j’ai eu connaissance de l’histoire du Danxomè, je trouve que c’est trop riche. Au regard de ce qui s’est passé depuis 1892, et même avec Tassi Hangbé (1708-1711) sans oublier les Agodjié, l’histoire ne peut pas disparaître. Elle doit rester pour permettre à la génération future d’en prendre connaissance. Je peins les Agodjié. Ma fille est Agodjié et ma petite fille est Agodjié. Ce tableau rend hommage à Tassi Hangbé. A travers cela, je rends aussi hommage à ma belle-sœur que j’aime ainsi qu’à toutes les Agodjié », révèle Marina Edjrokinto.
Le visage des Agodjié retient effectivement l’attention sur presque tous les tableaux qui ornent les murs chez l’artiste. C’est aussi bien une fierté qu’une chance pour elle de faire des recherches de création sur l’histoire du Danxomè. Elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Une raison pour laquelle elle a du mal à finaliser un tableau de façon définitive. « Quand je finis un tableau, après un moment d’inspiration, je retourne toujours pour ajouter quelque chose de spécial. Sinon normalement, en quatre ou cinq jours, je peux déjà terminer un tableau », confie-t-elle.

Une fierté de toute la famille
La sexagénaire, depuis son enfance, a consacré son existence à sa passion. Ce qui fait d’elle la fierté de sa famille ainsi que ceux qui l’ont connue et aimée à travers son art. « Lorsque je vois ma mère à tout moment en train de peindre, au début, je me disais : ‘‘tout cela va servir à quoi’’. Maintenant, nous tous, nous la soutenons. Elle fait notre fierté. C’est aussi heureux de voir sa petite fille lui emboîter le pas. A des moments donnés, je n’hésite pas à partager des idées avec elle. Je l’aide aussi à découvrir d’autres acteurs du domaine », avoue Gwladys Edjrokinto, fille de l’artiste.
Cette fierté a aussi affranchi les limites du cercle familial. Elle force l’admiration dans le rang des artistes plasticiens de renom tels que Franck Hantan, Ludovic Fadaïro, Charly d’Almeida, Dominique Zinkpè, Christel Gbaguidi et la liste n’est pas exhaustive. « J’ai eu la chance de faire la connaissance de tous ceux-là. Cela m’a amenée à organiser ma première exposition au Bénin actuellement en cours à Novotel Hôtel. Cela m’encourage à continuer mes recherches, à peindre et à faire plus d’expositions. Je veux que tout le monde découvre ce que je fais. J’ai envie de le partager avec les autres », fait savoir Marina Edjrokinto.
Ainsi, l’art de peindre contribue merveilleusement à la transmission de l’histoire à la génération future. Et Marina Edjrokinto détient ce secret.