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Secteur du Livre au Bénin : «Le livre béninois n’est pas présent dans les grandes surfaces», Fabrice Salembier

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Le rapport de l’Unesco sur l’impact des politiques de promotion du livre au Bénin entre 2021 et 2023 n’a pas manqué de susciter des réactions dans le rang des acteurs impliqués dans le développement de ce secteur. Parmi ceux-ci, le belge Fabrice Salembier, enseignant et acteur engagé dans les projets éducatifs et culturels, a, dans cet entretien, renseigné sur les initiatives prises par les jeunes au regard des défis et en a également profité pour suggérer des politiques à mettre en œuvre.

Fraternité : Comment évaluez-vous l’état du secteur du livre au Bénin aujourd’hui, et quels sont les principaux obstacles que vous y avez relevés ?

Fabrice Salembier : Le secteur du livre au Bénin est vivant, mais fragile. Il y a une véritable énergie créative, des (jeunes) auteurs engagés, des éditeurs passionnés, mais ils évoluent souvent dans des conditions précaires. Le premier obstacle, c’est l’absence d’une vraie politique nationale du livre. Sans orientation claire, sans subvention structurante, tout repose sur la débrouille et l’enthousiasme individuel. À cela s’ajoute un manque de formation éditoriale, une chaîne du livre incomplet et peu de lieux de diffusion professionnelle.

Le livre béninois est-il facilement accessible au public ? Si non, Pourquoi ?

Le livre béninois est peu visible et inaccessible au grand public. Il n’est pas présent dans les grandes surfaces, peu dans les écoles, rarement dans les bibliothèques publiques et, parfois même, invisible sur Internet. Ce manque d’accessibilité vient du coût élevé des impressions locales, de l’absence de circuits de distribution efficaces et du désintérêt de certaines institutions pour les auteurs nationaux. C’est un gâchis quand on pense au potentiel.

Quels sont les types de livres les plus lus ou publiés ?

On publie surtout des recueils de poésie, des essais politiques, des témoignages, des livres de développement personnel, mais très peu de fiction contemporaine, romans pour la jeunesse, bandes dessinées ou livres illustrés, pourtant essentiels pour toucher les plus jeunes. Côté lecture, les livres scolaires dominent, suivis des ouvrages religieux, puis quelques romans populaires où le sexe gratuit est omniprésent.

Quelles initiatives a-t-on aujourd’hui pour promouvoir l’écriture, la communication et la distribution du livre au Bénin ?

Heureusement, des initiatives émergent. Des maisons d’édition, des événements comme la Foire du livre de Cotonou, des cafés littéraires indépendants, des ateliers d’écriture pour jeunes, et même quelques bloggeurs essaient de créer du mouvement. Mais ça reste trop dispersé, trop fragile, sans impulsion nationale coordonnée.

Y a-t-il un travail en réseau entre les différents acteurs du secteur ou une politique claire d’aide à la lecture ou au livre ?

Le réseautage entre acteurs existe, mais il est informel, artisanal et souvent concurrentiel au lieu d’être coopératif. Il manque une plateforme nationale de coordination, un fonds pour soutenir les projets communs et une politique claire d’incitation à la lecture, à l’image de ce que font certains pays comme le Rwanda ou le Sénégal. L’État béninois doit jouer un rôle fédérateur et incitatif au lieu de rester observateur.

Que recommandez-vous pour améliorer la production locale de livres ?

Il faut aider les éditeurs professionnels, baisser les coûts d’impression (par des partenariats avec l’État ou via des imprimeries publiques modernes), numériser les œuvres béninoises pour qu’elles soient disponibles en ligne et favoriser les coéditions avec d’autres pays d’Afrique. Il est aussi urgent de créer un fonds d’aide à la publication, piloté de manière transparente et non entre amis.

Comment parvenir, selon vous, à encourager les jeunes à la lecture/l’écriture ?

Pour capter les jeunes, il faut des histoires qui parlent leur langue, leur réalité, des livres jeunesse attractifs, illustrés, modernes, des animations littéraires dans les écoles, des concours d’écriture réguliers, mais aussi une présence du livre dans leurs lieux de vie : bibliothèques scolaires, quartiers, plateformes numériques. Et surtout qu’ils voient des auteurs béninois vivants, accessibles, inspirants. On lit ce qu’on admire. On écrit quand on sent que c’est possible.

Qu’attendez-vous de l’État/des institutions en charge du développement de ce secteur ?

J’attends une politique nationale du livre claire, construite avec les acteurs du terrain. Une direction dédiée au livre et à la lecture publique, avec des budgets concrets, mais aussi la création ou le renforcement des bibliothèques publiques et scolaires, une TV publique qui valorise la littérature locale (mon projet intéressait la SRTB et est subitement tombé à l’eau sans explication), une fiscalité incitative pour les éditeurs et libraires et un soutien à des organisations comme Miss littérature Bénin et Afrique.

Et, enfin, une volonté politique de faire du livre un levier stratégique de développement culturel et économique.

Propos recueillis par Michèl GUEDENON

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