Alors que les zones nocturnes animées par la présence de travailleuses du sexe suscitent des débats sociaux et moraux, elles constituent également de véritables micro-économies urbaines. Bars, vendeurs ambulants, mototaxis ou petits commerces. C’est un écosystème parallèle qui s’y développe, souvent dans l’ombre de l’économie formelle. Rodrigue Rustico, économiste et financier, décrypte les dynamiques économiques qui gravitent autour de ces zones marginalisées, entre débrouillardise, opportunités et enjeux de régulation.

Quels sont les types d’activités économiques que l’on retrouve généralement dans les zones à forte présence de prostituées ?
Vous savez, dans les zones à forte présence des belles de nuit, on observe une concentration d’activités économiques principalement nocturnes. Vous allez observer, si vous avez peut-être l’opportunité de circuler une fois dans ces zones que ce sont souvent des commerces liés à la consommation immédiate et au divertissement. On y trouve notamment des bars, des buvettes, des vendeurs de cigarettes, de chicha, d’alcool, et parfois de produits illicites ou stupéfiants. Ces activités prospèrent parce que la clientèle nocturne génère une forte demande. Des kiosques alimentaires, des vendeurs ambulants, des services de mototaxi ou encore des hôtels de passe complètent généralement ce tissu économique. En somme, il s’agit d’un écosystème économique périphérique qui gravite autour de l’attraction principale que représentent les travailleuses de nuit.
Quelles sont, selon vous, les raisons sociales ou économiques qui expliquent le développement de ces petites activités autour de ces belles de nuit ?
Alors, Le développement de ces activités repose à la fois sur des raisons sociales et économiques. D’un point de vue social, ces espaces sont perçus comme des lieux de détente, où la consommation notamment d’alcool ou d’autres substances, est courante. L’aspect récréatif favorise donc la prolifération de petits commerces qui répondent à ces besoins. Économiquement, les acteurs qui investissent dans ces activités y voient une opportunité à faible coût et à rentabilité rapide. Ce sont souvent des produits et services à forte rotation en milieu nocturne. Il s’agit donc d’une adaptation à la demande locale, dans un contexte où les opportunités économiques formelles sont souvent limitées. Donc, généralement, c’est ce qui peut expliquer ça, parce que les gens estiment que ce sont des produits à faible consommation dans la nuit. Les gens préfèrent quand même investir dans ces activités-là.
Ces activités sont-elles organisées ou plutôt informelles ?
La majorité de ces activités évolue dans le secteur informel. Toutefois, certaines sont formellement établies notamment les bars ou certains kiosques. D’autres, en revanche, opèrent sans régulation, à petite échelle, souvent sur la voie publique. Donc, même dans leur informalité, ces activités jouent un rôle important dans la dynamique économique locale, en générant des revenus et en offrant des emplois.
Peut-on parler d’une adaptation des populations à la demande locale ou d’un manque d’opportunités formelles ?
On peut parler des deux à la fois. D’un côté, les populations s’adaptent clairement à la demande spécifique créée par les activités nocturnes autour des prostituées. De l’autre, le recours à ces micro-activités reflète aussi un manque d’opportunités économiques formelles. Dans un contexte de chômage élevé et de précarité, ces activités apparaissent comme des solutions alternatives pour générer des revenus, même de manière temporaire ou marginale. Elles représentent une forme de résilience économique.
Ces activités contribuent-elles à l’économie locale, même de manière marginale ?
Absolument. Ces activités, bien que parfois marginales ou informelles, contribuent activement à l’économie locale. Elles génèrent des flux monétaires quotidiens, soutiennent des ménages et permettent à des individus d’assurer leur subsistance. En journée, certaines de ces personnes exercent une autre activité, et en soirée, elles exploitent ces opportunités nocturnes pour compléter leurs revenus. Cette pluriactivité, souvent discrète, leur permet de répondre à leurs besoins vitaux et de soutenir leurs familles.

Comment ces activités sont-elles perçues par la société en général ?
La perception sociale varie. Pour certains, ces activités sont simplement opportunistes et répondent à une logique de marché, puisque là où il y a une demande, il y a toujours une offre. Pour d’autres, elles sont associées à des pratiques marginales ou moralement discutables, car elles s’inscrivent dans un environnement jugé déviant ou dangereux. Néanmoins, il est clair que la plupart des acteurs concernés préfèrent opérer de nuit, car l’essentiel de leur clientèle s’active durant cette période. Le regard social oscille donc entre observation passive et tolérance pragmatique.
Y a-t-il une stigmatisation de ceux qui vivent de ces activités indirectes ?
En général, la stigmatisation est modérée mais bien réelle. Certaines personnes considèrent ces métiers comme des formes de survie économique et évitent de les juger sévèrement. D’autres, en revanche, les perçoivent négativement en raison de l’environnement dans lequel ils s’inscrivent. Cela dit, plusieurs acteurs économiques du secteur revendiquent leur activité comme une source légitime de revenus. Pour eux, il ne s’agit ni de hasard ni de déchéance, mais d’un choix assumé ou d’une réponse à une situation de vulnérabilité. Dans un contexte où les opportunités sont rares, cette forme de commerce s’apparente à une stratégie de débrouillardise.