“Jo, Nous l’avons fait !” En martelant ce postulat plusieurs fois dans son discours, ce 21 août 2022, Adrien Houngbédji n’était pas rassuré pour le moins du monde. Les terribles mots qu’il alignaient, renseignaient assez sur son état d’esprit. Le mariage était une contrainte et s’il y avait des doutes sur la solidité de cette union forcée, c’est lui, Houngbédji qui en avait le plus conscience. Car de fusion, il n’en était pas vraiment question dans son entendement. “Nous sommes les héritiers d’une longue tradition de luttes, de conflits et de trahisons qui remonte à la période précoloniale, qui s’est poursuivie sous les colons qui nous ont divisés pour régner, et qui s’est perpétuée depuis l’indépendance” avait-t-il diagnostiqué. Aussi, cette tradition de félonie avait-elle laissé des cicatrices et des stigmates qui ont détruit la confiance, engendré la méfiance, si ce n’est la défiance dans les consciences et les comportements. C’est en raison de ce passé commun qui a tué la confiance que Adrien Houngbédji avait posé des bases prudentes : “ Pour la première fois, deux partis fusionnent, non pas par l’absorption de l’un par l’autre, mais par la création d’une nouvelle entité respectueuse de ce que chacune a d’essentiel, c’est à dire, son identité, représentée par son logo mais avec une dénomination commune dans laquelle, chacune se retrouve”.
Mariage et non fusion
C’était donc plus un mariage qu’une fusion dans l’esprit de Adrien Houngbédji. Or, un mariage, surtout lorsqu’il a été contracté sous la contrainte, est susceptible d’être dissout lorsque la confiance ne s’établit pas au sein du couple. Houngbédji avait d’ailleurs prévenu : “Il nous reste beaucoup à faire pour bâtir la confiance… Pour bannir à jamais la défiance, c’est-à-dire la confiance trahie qui entraîne le blocage, la paralysie, les crises et la violence…Pour vaincre la méfiance qui est cette forme de vigilance dans laquelle on donne sans s’abandonner, parce qu’on a peur de l’autre, de cette peur qui inhibe et qui nourrit le rejet”. C’est donc sous la réserve de la confiance retrouvée, que Adrien Houngbédji avait accepté ce mariage. Parce que c’était Jo, et qu’il avait fait le pari de croire en la jeunesse. C’est aussi la raison pour laquelle tout avait été goupillé en cinq semaines. Mais il avait clairement dit qu’il donnait le mouton tout en gardant fermement la corde.
Quitte ou double
Et il semblerait bien que la confiance n’ait jamais pu être “retrouvée”. Ce qui pourrait expliquer l’attitude de Maître Houngbédji qui pourtant, ce 21 août 2022, donc au lendemain des événements de la présidentielle de 2021, proclamait “ notre adhésion au Président Talon, à son leadership éclairé, à son talent de bâtisseur, pour que grâce à l’alchimie de la confiance retrouvée, l’UP-R contribue efficacement à ses côtés, à faire du Bénin, une terre de progrès, de fraternité, de justice et de paix”. Alors de deux choses l’une. Soit Adrien Houngbédji est un grand incompris, soit c’est un joueur invétéré de Poker. Mais cette fois, il prend beaucoup plus de risques et semble engager un baroud d’honneur. Parce que le combat pour ressusciter le Parti du renouveau démocratique est perdu d’avance. Et sans reconnaissance officielle, il serait vain de compétir. À moins d’aller grossir en nombre, les rangs de l’opposition en y jouant son va tout et risquer de tout perdre. Mais peut- être aussi que la manœuvre du leader des Tchoco tchoco qui est l’âme du PRD ne vise en définitive qu’à récupérer l’œuvre de sa vie et à la léguer à des héritiers qui reprendront sans doute tout le processus de création et d’enregistrement d’un PRD nouveau. C’est un pari osé mais la politique n’est-elle pas l’art d’oser ?
Anicet OKE
