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‎Marketing sur les réseaux sociaux : le sexe en appât ! 

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Autrefois, partager une image ou une vidéo à connotation sexuelle relevait de la transgression. Aujourd’hui, ces contenus circulent librement, s’affichant sans gêne dans les statuts WhatsApp ou les stories Facebook. Pour se démarquer dans un marché numérique saturé, de plus en plus de commerçants y ont recours. Une stratégie qui interpelle. Alors, simple opportunisme ou symptôme d’un malaise économique plus profond ? Enquête.

‎« On n’a pas le choix. Sans visibilité, vendre devient presque impossible… »

Ces propos sont de Merveille, jeune commerçante. Discrète et réservée à ses débuts, elle a fini par se lancer dans une forme de marketing visuel audacieux. Une simple photo un peu sexy, et les retours ont explosé : vues en hausse, compliments, messages privés, et surtout… des ventes. Depuis, elle a peaufiné sa méthode. Au lieu donc de se mettre en scène quotidiennement, elle utilise des visuels à caractère sexuel pour éveiller la curiosité. « Des gens regardent mes statuts, juste à cause de ces images, et finissent par s’intéresser à mes produits. Un jour, un abonné m’a même dit :  » C’est pour ça que je te suis », raconte-t-elle. Mais cette approche divise. Pendant que certains s’y accrochent comme levier de vente, d’autres la jugent vulgaire, menaçant même de bloquer les profils concernés. ‎Toutefois, cette stratégie n’a pas toujours des visées commerciales. Charbel par exemple dit poster des images érotiques, non pas pour vendre, mais « par pur plaisir ». Il assume une fascination pour les rondeurs et se contente de partager ce qu’il aime. Mais au-delà du marketing ou du divertissement, cette exposition du corps soulève des questions sociales profondes.

‎« Un outil de performativité sociale »

Lorsque l’invisibilité sociale et les réalités économiques marginalisantes dictent leur loi, certaines personnes optent pour une forme de résistance : la sexualisation d’image en ligne. Ce recours devient alors une stratégie de visibilité, voire un levier de valorisation personnelle. « Il ne s’agit pas toujours d’une provocation gratuite. Parfois, c’est une tentative d’exister dans un monde numérique où les algorithmes favorisent le spectaculaire, le sensationnel, et le visuellement marquant », explique Dr Auguste TAPKE, Sociologue. Cette méthode soulève tout de même, selon lui, des interrogations : « Cela entre en tension avec les usages attendus, les valeurs dominantes de ces plateformes, qui sont souvent utilisées aussi par des familles, des éducateurs, des personnes âgées, et dans des contextes communautaires ». Pour l’anthropologue, il serait illusoire d’espérer un consensus autour de ces pratiques. Leur acceptabilité dépend fortement du public visé, du contexte culturel, des intentions de l’auteur du contenu, ainsi que de la manière dont celui-ci est perçu socialement. « Ces pratiques sont le reflet de la mondialisation des normes numériques, mais aussi de leur réappropriation locale », à l’en croire.

‎« La marchandisation de soi dans un contexte de précarité »

Dans un environnement numérique saturé, capter l’attention devient crucial. Les utilisateurs cherchent à créer un impact immédiat auprès du consommateur. « La sexualisation devient alors un code visuel efficace, presque universel, qui promet une réaction émotionnelle rapide : surprise, attirance, indignation ou fascination. Elle devient un outil de performativité sociale : on ne publie pas seulement pour s’exprimer, mais pour être vu, liké, partagé, et reconnu », ajoute-t-il.

‎L’expert évoque également un autre phénomène préoccupant, ce qu’il appelle « la marchandisation de soi dans un contexte de précarité. Pour beaucoup, notamment dans les milieux populaires ou économiquement fragiles, le corps devient un outil d’accès à un certain pouvoir symbolique ou économique ». L’exposition d’une image sexualisée permet alors d’attirer des abonnés, dans le but de vendre des produits ou services. Mais cette pratique, avertit-t-il, n’est pas sans effets pervers :  « Cela peut aussi renforcer des stéréotypes de genre, normaliser la réduction de l’identité à l’apparence, et invisibiliser d’autres formes d’expression de soi ».

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De lourdes conséquences…

Selon Auguste TAKPE, ces usages, bien qu’opportunistes, sont révélateurs d’un phénomène plus profond et inquiétant. « Ils se révèlent aussi comme le symptôme d’une dérive plus préoccupante, puisque contribuant à naturaliser l’idée que l’exposition de soi, notamment sous forme sexualisée, est une condition d’existence sociale ». Il poursuit : « On entre ici dans un processus de normalisation culturelle de la marchandisation du corps, où l’image remplace progressivement la parole, le contenu de fond, ou l’authenticité dans les interactions numériques ». Le Sociologue alerte également sur les répercussions psychologiques à long terme : « Ce glissement pose plusieurs enjeux : une érosion de l’intimité, une pression à la conformité esthétique, et une fragilisation psychologique chez les plus jeunes, qui associent de plus en plus leur valeur personnelle à leur attractivité ou à leur visibilité en ligne ».‎‎‎

Alexia Lumière-Christina ADJOU-MOUMOUNI‎


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