René-Luc PIPOCA est président de l’ONG Ma Liberté et conducteur-leader du mouvement Minibus tokpa-tokpa. Militant actif du secteur du transport urbain au Bénin, il partage son expérience, son parcours et ses combats pour une professionnalisation du milieu et la protection des enfants en situation de vulnérabilité.
Parlez-nous de votre parcours scolaire et universitaire.
J’ai suivi un cursus classique : primaire, secondaire. Quant à l’université, j’y ai étudié sans obtenir d’attestation officielle, car à l’époque, on pouvait y accéder sans le baccalauréat. Mais une réforme a mis fin à cette possibilité. J’ai étudié la littérature jusqu’en troisième année avant de me tourner vers le transport et la logistique dans une université privée.
Pourquoi avoir choisi le transport ?
C’est une passion depuis mon enfance. J’ai toujours aimé la conduite et le contact humain. J’ai choisi de conduire des minibus depuis 2006, tout en travaillant pour soutenir mes études. J’ai aussi pratiqué des métiers comme l’ébénisterie et la sculpture.
Votre activité dans le transport urbain est-elle née de votre formation ?
Non, c’est la passion qui a guidé mes pas. C’est en étant sur le terrain que j’ai pris conscience des nombreuses irrégularités. J’ai voulu montrer qu’on pouvait être conducteur sans être délinquant. C’est ce qui m’a conduit à créer l’ONG Ma Liberté, un projet que j’ai muri pendant cinq ans avant de le concrétiser.
Combien d’années d’expérience avez-vous dans le domaine ?
J’ai commencé en 2006, d’abord à temps partiel, puis à plein temps à partir de 2009. Aujourd’hui encore, je suis un passionné du volant, même si mes responsabilités dans l’ONG me tiennent éloigné temporairement de la conduite.
Quel regard portez-vous sur le secteur des minibus ?
Le secteur est complexe et désorganisé, notamment à cause du manque d’instruction et de l’influence négative de certains syndicats plus intéressés par leurs propres gains que par l’épanouissement des conducteurs. En tant qu’acteur du secteur, je fais face à beaucoup de diffamation. Pourtant, mon combat est légitime et nécessaire.
Les conducteurs de minibus ont-ils leur permis ?
Franchement, près de 70% conduisent sans permis. C’est une réalité que je dénonce régulièrement. Je milite pour que l’on puisse distinguer les réguliers des irréguliers vis des campagnes d’identification, la conception de gilets d’identification et l’accompagnement vers la régularisation.
Avez-vous mené des actions concrètes ?
Oui. Nous avons organisé des forums, sensibiliser et faire interpeller des conducteurs sans permis par dénonciation. Nous avons un accord de coopération et d’appuis technique avec la Police Républicaine. Pour ce qui concerne le CNSR, nous projetons beaucoup d’initiatives qui sont en étude et nous restons ouverts à tout partenariat utile.
Quels projets avez-vous déjà lancés ?
Nous avons démarré le recasement des minibus sur des sites appropriés. Nous travaillons sur l’identification des conducteurs, et nous avons initié la création d’organes représentatifs pour les conducteurs de minibus et de tricycles.
Parlez-nous de votre combat contre l’embauche des enfants.
Nous menons une lutte active contre l’utilisation d’enfants de moins de 14ans comme apprentis, souvent sans enquête préalable sur leur situation. Beaucoup de ces enfants viennent de la rue. Nous comptons collaborer avec la Police pour identifier et réinsérer ces enfants, les orienter vers des formations professionnelles, et responsabiliser les parents.
Utilisez-vous les textes de loi pour appuyer vos actions ?
Absolument. Nous coopérons avec les autorités. Nous croyons que chacun doit faire sa part pour le bien commun. De notre côté, nous comptons les actions menées et espérons une collaboration solidaire de l’ensemble des institutions concernées.
Avez-vous le sentiment d’avoir accompli une mission ?
Oui, car nous posons les bases d’une réorganisation du transport, et cela contribue au développement du pays. Le transport est au cœur de toutes les activités économiques. En sensibilisant et en structurant, nous élevons le niveau du secteur.
Votre plus grand regret ?
Ne pas avoir réalisé mon rêve de devenir pilote d’avion. Mais je ne le regrette pas vraiment, car je suis resté dans le domaine du transport, qui est ma passion. J’aime le contact avec les gens, être dans la foule.
Un mot pour conclure cet entretien
Merci à vous pour cette tribune. J’invite la population à changer son regard sur les acteurs du transport. Nous sommes des parents et enfants comme les autres, et nous travaillons pour un avenir meilleur. J’encourage aussi les parents à prendre leurs responsabilités envers leurs enfants, car l’avenir dépend d’eux.
Interview avec René-Luc PIPOCA, Conducteur et Leader de Tokpa Tokpa: « …Près de 70% des chauffeurs conduisent sans permis »
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