Le procès qui a polarisé l’attention de tous les citoyens béninois, a livré son verdict. Vingt ans de réclusion criminelle pour complot contre la sûreté de l’état, corruption d’agent public et faux certificat, plus une amende de quatre milliards et cinq cent millions de francs à payer individuellement et un montant de soixante milliards à payer solidairement à l’Etat, au titre de dommages et intérêts par les trois principaux accusés. En théorie, on pourrait croire que tout est bien qui finit bien. Non. Ce verdict qui a mis un terme au procès judiciaire a ouvert une autre session: celle des procès en sorcellerie contre la CRIET, contre la justice et contre le président de la République. Pourtant, le procureur spécial avait bien appréhendé tout le défi de ce procès: “… Apporter des réponses claires aux doutes, aux inquiétudes, à la quête légitime de vérité des citoyens béninois”.
Questions légitimes
Les questions étaient en effet nombreuses que le peuple chuchotait, que les réseaux sociaux relayaient et que Mario Mètonou, le procureur spécial près la CRIET lui-même avait su formuler dans un réquisitoire querellé :
– Comment est ce possible ?
– l’histoire racontée par la poursuite n’est-elle pas cousue de gros fils blancs ?
– A-t-on idée de faire un coup d’Etat alors qu’on concentre entre ses mains tous les pouvoirs d’Etat ?
– Quel est ce coup d’Etat où il n’y a ni troupe, ni plan d’attaque, ni projet de gouvernement ?
– Peut-on sérieusement financer un coup d’Etat pour ensuite laisser le pouvoir entre les mains de militaires avec l’espoir insensé qu’ils le rendraient après une courte transition ?
– Ce coup d’Etat n’a-t-il pas été inventé de toutes pièces par le chef de l’Etat Patrice TALON lui-même, pour mettre hors course son frère siamois ?
Le procureur spécial avait cru devoir répondre à chacune de ces questions mais manifestement, ceux qui en faisaient l’objet de leurs récriminations ne sont pas susceptibles d’être convertis.
Du carburant
Et de fait, ces questions persisteront encore longtemps. D’abord, parce que les incrédules ne demandent pas à être convaincus de quoi que ce soit. Ils ont une opinion arrêtée et n’en démordent pas. Ensuite, parce que ce débat est un peu comme du carburant et vient alimenter la “chamaillerie politique”, dans une ambiance d’approche des élections qui demeure désespérément calme et un climat politique, anormalement froid. Contrairement aux habitudes, il ne se passe rien. Le vumètre dans les médias est aussi plat que le dos d’un serpent. Du moins dans certains médias. Parce que par endroits, on note des prises de positions radicales et inamicales pour le pouvoir. Ailleurs, on enregistre quelques gesticulations de citoyens qui s’appliquent à se démarquer des personnes condamnées. Ils expliquent leur méprise. Ils clament leur innocence. Ils s’indignent et se rallient. Parallèlement, les alliés politiques du pouvoir font le tour des médias pour saluer le professionnalisme de la Cour et réaffirmer leur soutien à Patrice Talon. La grande inconnue pour l’heure, c’est combien de temps durera ce second round du procès. Sûrement pas longtemps. Parce que, dans la politique béninoise, le destin des perdants est définitivement individuel.
Anicet OKE