Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, Donald Trump a signé une série de décrets d’expulsions de migrants clandestins, dont des Africains. Des retours forcés massifs qui suscitent de vives critiques et relancent par ailleurs le débat sur la responsabilité des dirigeants africains en matière d’immigration.

En application des six décrets signés le 20 janvier 2025, des milliers de migrants en situation irrégulière ont été arrêtés et placés en détention, en attendant leur expulsion vers leur pays d’origine. A la date du 24 novembre 2024, 1 445 549 migrants étaient sous le coup d’ordres d’expulsions définitifs, selon les données du Service de l’Immigration et du Contrôle des douanes des États-Unis (ICE). Dans ce lot, on compte 41 886 Africains, dont des Somaliens (4 090), des Mauritaniens (3 822), des Nigérians (3 690), des Ghanéens (3 228), des Guinéens (1 897), des Camerounais (1 736), des Éthiopiens (1 713), des Sénégalais (1 689), des Sierra-Léonais (1 563), des Libériens (1 663), des Égyptiens (1 461), des Kényans (1 282), des Ivoiriens (1 224), des Maliens (929), des Nigériens (642), des Togolais (427), des Burkinabé (303), des Béninois (102), etc. La liste n’est pas exhaustive.
Le rapport annuel de l’ICE indique qu’environ 1 818 Africains, des Sénégalais, des Mauritaniens et des Nigérians pour la plupart, ont été expulsés des États-Unis en 2024. En une semaine de mandat, l’administration Trump a annoncé avoir expulsé quelque 7 300 migrants de différentes nationalités. Le nombre a franchi la barre des 37 000 à fin février, selon Reuters, soit 1 200 expulsions par jour. A titre de comparaison, l’administration Biden procédait à 311 expulsions en moyenne par jour, selon l’ICE. Lors de son premier mandat, Trump expulsait près de 80 000 migrants chaque année, contre seulement 35 000 sous Biden. Mais depuis son retour à la Maison-Blanche, Trump ambitionne d’atteindre le million d’expulsions par an. « La plus grande opération d’expulsion de l’histoire des États-Unis », promettait-il.
Arrestation ne signifie pas renvoi
S’en est suivie une « chasse aux migrants ». Les sans-papiers, criminels, ou non, sont systématiquement interpellés dans les églises et écoles, ou sur leurs lieux de travail, et présentés comme des criminels. L’opération nécessite un déploiement important d’agents et des ressources financières conséquentes. Les employés des agences fédérales et même les agents du fisc (IRS) ont été appelés en renfort. A ce rythme, les tribunaux de l’immigration risquent d’être davantage débordés. Les migrants interpellés peuvent également contester l’ordre d’expulsion définitif devant les juridictions compétentes, ce qui pourrait allonger les procédures ou retarder les expulsions. C’est dire qu’une arrestation ne conduit pas automatiquement à un renvoi. Mais dans quels centres ces migrants en attente d’expulsion seront-ils gardés ? Quid de leurs conditions de détention ?
Par ailleurs, cette nouvelle politique migratoire de Trump remet sur le tapis la question de la responsabilité des dirigeants africains en matière d’immigration. Nneka Achapu, stratège en politique américaine et africaine basée au Texas, citée par BBC News, estime que les gouvernements africains devraient saisir cette occasion pour se réorganiser, s’attaquer aux causes profondes de la migration et créer des opportunités économiques pour leur population. « Si les États-Unis continuent de repousser les immigrants, la Chine, la Russie et d’autres puissances mondiales pourraient saisir l’occasion d’étendre leur influence en Afrique, en proposant d’autres voies de migration, des partenariats économiques et des accords commerciaux qui pourraient remodeler les relations entre les États-Unis et l’Afrique d’une manière que nous n’avons pas encore pleinement comprise », analyse-t-elle.
Au plan économique, ces expulsions massives de migrants auront un impact négatif certain sur l’économie des Etats-Unis qui restent confrontés à une pénurie de main-d’œuvre.
P. A