À l’heure où le numérique connecte la jeunesse africaine au monde, les langues maternelles, elles, se déconnectent peu à peu du quotidien familial et éducatif. Honte, peur de mal parler, absence d’habitude ou simple désintérêt ? Les jeunes d’aujourd’hui tournent le dos à ce qui, pourtant, constitue une richesse identitaire immatérielle inestimable.

Emmanuel Dulac Houssou
Le désintérêt pour les langues maternelles est palpable dans toutes les régions du Bénin. Quelle que soit la communauté – Fon, Yoruba, Mina, Bariba, Ditamari, Yom, Peul, Nago, Sahoué, Haïzo ou autres – les signes sont les mêmes : les enfants ne parlent plus, ou très peu, la langue de leurs parents. Ce recul se manifeste dès le cadre familial, où les échanges se font exclusivement en français, parfois par choix, souvent par mimétisme social.
Dans certaines écoles privées, la situation est encore plus marquée. Les langues maternelles y sont perçues comme inadaptées à l’élitisme scolaire. Résultat : dans certains établissements, parler sa langue devient un sujet de gêne, voire de sanction. Pour certains jeunes, c’est la honte, la peur de mal s’exprimer, ou tout simplement le manque d’exposition qui nourrit cette fracture linguistique.
Contrairement à d’autres pays comme le Sénégal, où les langues nationales s’affichent même dans les enceintes officielles comme l’Assemblée nationale, au Bénin, elles peinent à trouver une place remarquable dans l’espace public. Pourtant, cette marginalisation n’est pas une fatalité.
Ce désintérêt est aussi une alerte : il pose la question de la responsabilité des parents dans la transmission. Il appelle à une prise de conscience collective. Il est temps de considérer les langues maternelles comme des leviers de savoir, de culture et de cohésion, et non comme des vestiges folkloriques. Car si elles disparaissent des foyers, elles disparaîtront aussi des mémoires.
A y voir de près, le mal est profond. Comme l’a souligné feu Kouaro Yves Chabi, ancien Ministre des Enseignements secondaire, technique et de la Formation professionnelle du Bénin, pour améliorer cet état de chose il faut une réflexion de fond d’abord sur les politiques publiques en matière de valorisation des langues nationales.