Présenté au procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) ce lundi 16 décembre 2024, Louis Philippe Houndégnon, l’ex Directeur général de la police nationale n’a pas été jugé. Son procès est reporté au 27 janvier 2025.
L’ancien Directeur général de la police nationale du Bénin, Louis Philippe Houndégnon et son coaccusé Amoussou Cossi Camille vont célébrer le nouvel an en prison. La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) a décidé de renvoyer leur procès au 27 janvier 2025 afin d’examiner les exceptions de nullité soulevées par la défense. En effet, la défense a contesté la régularité de la procédure, mettant en avant des irrégularités lors de l’arrestation de leur client et des mentions inexactes dans le mandat de dépôt. Ils ont notamment dénoncé les conditions de détention de l’ancien patron de la police nationale, qu’ils jugent arbitraires et attentatoires à ses droits fondamentaux. De son côté, le ministère public a rejeté ces accusations, affirmant ne disposer d’aucune preuve tangible pour les étayer. Le juge a finalement décidé de surseoir à sa décision et de renvoyer l’affaire à une prochaine audience.
Pour rappel, l’ancien Dgpn est poursuivi pour “incitation à la rébellion et harcèlement par voie électronique”. Placé sous mandat de dépôt par le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) le mois dernier, il a comparu devant la CRIET ce lundi. Devant la Cour, Louis Philippe Houndégnon a plaidé non coupable. L’homme a été arrêté dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 novembre à son domicile à Abomey-Calavi avant d’être gardé à vue puis placé sous mandat de dépôt.
Les heures avant son interpellation, des rumeurs avaient annoncé une tentative d’arrestation de l’homme, qui serait préparée par la Police républicaine. Un communiqué de son entourage et une prise de parole de Louis Philippe Houndégnon sur les réseaux sociaux avaient donné du poids à ces rumeurs.
Me Habiba Touré, Avocate au barreau de Seine Saint Denis
« Si le fait d’émettre des critiques constitue un harcèlement, c’est qu’il y a un vrai problème »
Quelle appréciation faites-vous de la première audience du Général Louis Philippe Houndégnon ?
Dans le cas de cette première audience, ça devait être la seule audience durant laquelle il a été soulevé un certain nombre de moyens de nullité concernant les conditions d’interpellation du général. Puisqu’il faut relever que des policiers en civil ne se sont pas annoncés, mais ont escaladé sa clôture pour procéder à son interpellation, et que finalement, on s’est rendu compte que la messe était dite lorsqu’on voit les éléments concernant le mandat de dépôt, sur lequel il figurait une date manifestement antidatée.
Donc tous ces moyens de nullité ont été notés par mon confrère Kèkè. Nous nous attendions à ce que la cour se prononce, mais elle a envoyé son délibéré au 27 janvier 2024 concernant seulement les moyens de nullité, mais pas le fond du dossier.
Ce qui est gênant, c’est qu’il y a même une audience en ce qui concerne le général. La place du général n’est absolument pas dans cette salle d’audience. Donc le fait même qu’il puisse y avoir une audience le concernant, est en soi scandaleux lorsqu’on voit la vacuité du dossier.
Pourquoi vous parlez de vacuité du dossier ?
Il suffit de voir ce pour quoi il est poursuivi. On parle de l’ancien directeur général de la police qui est aujourd’hui poursuivi pour des faits de harcèlement sur les autorités politiques administratives de l’État. Si le fait d’émettre des critiques constitue un harcèlement, c’est qu’il y a un vrai problème. Si tel est le cas, on devrait envoyer la moitié, voire toute la population béninoise à la Criet pour une quelconque critique à l’endroit des autorités dans le pays. Formuler une critique, ce n’est pas un harcèlement. Donc, en soi, c’est un peu gênant qu’il soit là. L’autre, c’est qu’il est également poursuivi pour des faits d’incitation à la rébellion. Encore une fois, la critique ne peut amener à une incitation à la rébellion. Le fait qu’il soit détenu, le fait qu’on puisse le poursuivre parce qu’il critique, parce qu’il fait usage de sa liberté d’expression est en soi scandaleux. Et ça montre qu’il y a un véritable problème. Aujourd’hui, si le fait de critiquer est considéré comme dur par le pouvoir, cela ne justifie pas le renvoi devant une juridiction ou la détention d’un opposant ou de quelqu’un qui formule des critiques.
Mais il a dit qu’il a été approché pour un coup d’Etat, est-ce que ce n’est pas des propos graves ?
Oui, mais ce qui est grave, ce n’est pas le fait qu’il le dise. C’est le fait qu’il ait été approché. Et lui, il dénonce cet état de chose. Ce faisant, il attire l’attention des citoyens mais également du pouvoir sur la nécessité qu’il y a des choses qu’il ne faut pas faire.