
Ange M’poli M’TOAMA
Une commission de plus ? C’est ce qu’on est tenté de dire dans l’opinion à la suite de la mise en place de la commission d’enquête parlementaire pour rétablir la vérité sur l’affaire de siphonnage de dizaine de milliards au sein du ministère de l’Energie et de l’Eau. En effet, de précédentes enquêtes parlementaires ont laissé un goût d’inachevé. Leurs rapports sont restés confidentiels et les conclusions n’ont jamais été révélées. C’est dire que l’Assemblée nationale a rarement su transformer ses commissions en leviers de vérité. Mais cette fois, l’attente est différente car l’affaire Paulin Akponna intervient dans un contexte où le pouvoir en place fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Le ministère est sous les projecteurs après des propos tenus par l’ancien ministre de l’Énergie et de l’Eau qui avait dénoncé publiquement à Parakou, les faits de détournements. Ces propos tenus devant une foule et sans filtre ont conduit à son limogeage immédiat… et à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire.
L’Assemblée nationale se trouve ainsi face à un véritable test de maturité. Elle joue sa crédibilité. Déjà, sa composition constitue une première zone d’ombre aux yeux des populations même si elle est légale. En effet, dans la composition, la commission compte dix députés, dont sept de la mouvance présidentielle (UPR et BR) et trois issus de l’opposition, Les Démocrates. Cette répartition bien que conforme aux textes, n’échappe pas à la critique. Car, le Bloc Républicain, directement concerné par les accusations via l’implication de Samou Adambi, y détient trois sièges, alors que l’opposition, initiatrice de la demande d’enquête, reste minoritaire. Cette disproportion alimente les soupçons d’un pilotage politique visant à encadrer, voire à neutraliser, les résultats. Si la composition respecte les règles, elle soulève des interrogations sur l’équilibre politique et l’impartialité des investigations. Peut-on réellement attendre toute la vérité d’une commission largement dominée par des alliés du pouvoir, dont certains membres sont proches des acteurs impliqués ? Mais, au-delà des équilibres politiques, c’est la capacité de l’Assemblée nationale à faire preuve de maturité démocratique qui est en jeu. L’affaire Akponna place les députés face à un devoir de transparence, sans quoi c’est la crédibilité de l’institution qui en pâtira. La moindre tentative d’étouffement ou de banalisation serait perçue comme une complicité, voire une obstruction à la vérité.
Se montrer à la hauteur. C’est tout le défi de cette enquête parlementaire face à un scandale présumé qui touche un secteur aussi stratégique que l’énergie, et dont les accusations proviennent d’un ex-ministre membre de la majorité présidentielle. En clair, l’attente est forte et les populations veulent des preuves, des responsabilités et surtout des conclusions accessibles à tous. Car les précédentes commissions d’enquête n’ont souvent accouché que de silence, ou de rapports restés dans les tiroirs. D’où le scepticisme général. Mais cette fois, le contexte est explosif. L’opinion est éveillée et l’opposition en embuscade.
La commission d’enquête sur le “siphonnage” doit être celle de la rupture avec les pratiques du passé. Donc, pas de complaisance, pas de langue de bois, pas de semblant. Elle doit établir les faits et, si nécessaire, formuler des recommandations fortes pour prévenir d’éventuels abus dans la gestion des ressources publiques.