Chabel Camille Ollams, marié et père de cinq enfants, est Lean Practitioner et coach sportif. Il accompagne les personnes dans les périodes de transition, de blocage ou de perte de sens, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Pour lui, un chagrin d’amour n’est pas une faiblesse, mais une occasion de réajustement intérieur. Dans cet échange, il explique comment ses outils issus du monde de la performance, peuvent aider à se reconstruire émotionnellement, pas à pas.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est votre métier de Lean Practitioner, et comment il s’applique aussi à la vie privée ?
Avec plaisir. Le Lean Practitioner est un spécialiste de l’amélioration continue. On parle souvent d’usines ou d’entreprises, mais moi, je crois profondément que les outils du Lean peuvent s’appliquer à tous les aspects de notre vie.
Personnellement, je m’en sers au quotidien pour simplifier mon environnement, clarifier mes objectifs, réduire le stress. Un exemple concret : le 5S, une méthode d’organisation japonaise que j’utilise autant dans mon bureau que dans ma maison, pour créer de la fluidité, alléger la charge mentale, et me concentrer sur l’essentiel.
Vous avez parlé du 5S comme exemple concret dans votre démarche Lean. Pourriez-vous nous expliquer plus précisément ce que cela signifie ?
Bien sûr. Le 5S est une méthode japonaise d’organisation très simple mais puissante, basée sur cinq étapes : sort (Trier / Supprimer) : enlever ce qui ne sert pas, ne garder que l’essentiel ; Set in Order (Ranger / Situer) : chaque chose à sa place, bien organisée pour être facile à trouver et Shine (Nettoyer / Scintiller) : garder l’espace propre tous les jours, pour un environnement sain et agréable ; Standardize (Standardiser) : mettre en place des règles simples et partagées pour que tout reste bien organisé ; Sustain (Suivre / S’impliquer) : s’engager à garder ces bonnes habitudes au quotidien, sans retour en arrière.
Le chagrin d’amour est souvent vécu comme un échec. Vous qui accompagnez le changement, comment voyez-vous cette rupture ?
Pas comme un échec. Plutôt comme une transition douloureuse, certes, mais nécessaire. C’est une phase instable, un entre-deux. Comme dans tout processus de transformation, il y a un moment où ça vacille. Mais ce vacillement, c’est le signe qu’un réalignement est en cours. On perd un repère, mais on en découvre d’autres. On apprend sur soi, sur ses besoins, ses limites. Ce n’est pas la fin d’une histoire, c’est le début d’un repositionnement intérieur plus conscient.
Justement, peut-on voir la rupture comme un moment de réorganisation personnelle ?
Oui, et même comme une invitation à pratiquer le Hansei, une notion japonaise qui signifie “auto-réflexion”. On se pose, on se regarde avec honnêteté, on observe ce qui ne fonctionne plus, ce qu’on a toléré trop longtemps, ce qu’on souhaite profondément. Ce n’est pas confortable, mais ça permet de se retrouver, de renforcer son estime de soi et de redéfinir ses priorités.
Dans cette logique, quels sont les blocages internes qui freinent le processus de guérison après une rupture ?
Il y en a plusieurs, souvent invisibles mais puissants. Je dirais : l’attachement au passé, à “ce qui aurait pu être” ; la culpabilité, ou l’auto-jugement ; la peur de la solitude et surtout, les croyances limitantes : “je ne serai plus aimée”, “je ne mérite pas mieux”. Ces blocages, une fois identifiés, peuvent être déconstruits. Et là, on commence à avancer.
Avez-vous déjà rencontré des personnes qui, derrière une autre demande, souffraient en réalité d’un mal-être amoureux ?
Oh oui, très souvent. En tant que coach sportif, je vois des gens venir pour “retrouver la forme”, mais derrière, il y a une fatigue émotionnelle, une perte de sens, un cœur brisé. Le corps parle. Il dit ce que l’esprit n’arrive pas encore à formuler. Mon rôle, c’est de créer un espace de confiance, d’écoute, et d’accompagner sans forcer. C’est parfois dans une simple séance d’échauffement que les mots sortent, les émotions remontent.
Comment les outils du Lean peuvent-ils aider à se relever après un chagrin d’amour ?
Le Lean, c’est une philosophie. On y trouve des outils comme la réflexion structurée : elle permet de revisiter la rupture, sans se juger, pour comprendre ce qui s’est passé.
Le recentrage sur la valeur est clé : qu’est-ce qui est vraiment important pour moi ? À quoi je veux consacrer mon énergie ? Et puis il y a l’amélioration continue : avancer a petits pas, tester, ajuster, célébrer chaque progrès, aussi minime soit-il. C’est comme en musculation : on ne récupère pas en un jour, mais on se renforce à chaque séance.
Vous parlez souvent d’aller voir dans la vie privée pour débloquer des situations. Pourquoi est-ce si crucial après une rupture ?
Parce que c’est là que tout commence. Après une rupture, même si on garde le sourire au travail, le déséquilibre est là, en profondeur. On traîne une fatigue qu’on ne comprend pas, on perd sa concentration, sa motivation. Comprendre ce qui se passe dans sa vie privée, c’est toucher la racine du blocage. Et à partir de là, on peut reconstruire un équilibre émotionnel solide.
Avez-vous l’exemple d’une personne qui a su rebondir après une rupture ?
Oui. Une jeune femme que j’ai accompagnée. Elle venait pour un programme de remise en forme. Très vite, j’ai senti que sa fatigue n’était pas seulement physique. Elle sortait d’une relation difficile. On a travaillé sur son souffle, sur ses postures… et en même temps, elle a commencé à se livrer. À se reconnecter à elle-même. Quelques mois plus tard, elle avait non seulement retrouvé son énergie, mais aussi le courage de changer de voie professionnelle. La rupture a été son point de départ.
Que répondez-vous à ceux qui pensent qu’on ne se remet jamais d’un grand amour ?
Je leur dis qu’on ne revient jamais à l’état d’avant. Mais on évolue. Un grand amour laisse des traces, c’est vrai. Mais ces traces peuvent devenir un levier. Ce n’est pas l’oubli qui guérit : c’est ce qu’on construit après. On devient plus lucide, plus fort, parfois plus tendre aussi.
Ce qu’on croyait être une fin peut devenir un début.
Enfin, que diriez-vous à quelqu’un qui traverse une rupture aujourd’hui et a l’impression que tout s’effondre ?
Je commencerais par lui dire : yakooo. Ce que tu ressens est légitime. Ne cherche pas à aller “vite mieux”. Ce n’est pas une course. Prends soin de ton corps. Dors. Respire. Écris. Parle. Entoure-toi. Même un peu. Ce vide que tu ressens, c’est un espace. Un terrain neuf sur lequel tu peux te reconstruire. Tu n’as pas à savoir tout de suite où tu vas. Mais avance, un souffle à la fois.
Cette méthode aide à créer un cadre clair, ordonné, où l’on peut mieux se concentrer et limiter le stress, ce qui est très utile même dans la vie personnelle. Quand l’espace est rangé, notre esprit respire mieux.
Propos recueillis par Samirath MOUMOUNI