Il n’est plus à démontrer aujourd’hui que les soins hospitaliers ne suffisent pas toujours face à certaines pathologies. De plus en plus, de personnes se tournent vers la médecine traditionnelle pour obtenir soulagement et guérison. Si le choix entre médecine moderne et médecine traditionnelle divise parfois, une voie de conciliation émerge : celle de leur complémentarité. Boniface N. SEVOH, tradithérapeute, président de l’ONG Le Secret des Plantes, chercheur, boologue et naturaliste de formation, aborde ici la question de l’intégration de la médecine traditionnelle dans le système de santé publique.

FRATERNITE : Quelle est la place actuelle de la médecine traditionnelle dans notre système de santé publique ?
La médecine traditionnelle occupe une deuxième place. Mais permettez-moi de dire aussi qu’elle est variable selon les régions et les pays. Elle est souvent un recours important, particulièrement dans les zones rurales et pour les populations défavorisées, en raison de son accessibilité, de son coût souvent plus faible et de sa perception positive par les communautés locales. Cependant, son intégration formelle dans les systèmes de santé publique est souvent limitée, voire inexistante. Mais c’est une pharmacie endogène cultuelle, culturelle et remplie de vertus infinies qui aide ou donne la main à la médecine moderne. Et surtout, c’est du traditionnel que sont tirés tous les produits modernes.
Quels sont les principaux obstacles à une meilleure intégration entre médecine traditionnelle et médecine moderne ?
Comme obstacles, il y a plusieurs éléments qui entravent une meilleure intégration. Le manque de reconnaissance et de réglementation est un point important, car les tradithérapeutes ne sont pas toujours reconnus officiellement par l’État, et leurs pratiques ne sont pas toujours encadrées par des normes de qualité, de sécurité, voire de droit en vigueur. Il y a aussi les préjugés et les méfiances : la médecine traditionnelle peut être perçue avec scepticisme par certains professionnels de santé, tandis que les tradithérapeutes peuvent se méfier des institutions de santé modernes. À cela s’ajoutent les difficultés de communication et de collaboration, car les barrières linguistiques, culturelles et les approches différentes de la santé peuvent rendre la collaboration difficile. Enfin, les problèmes d’innocuité et d’efficacité jouent un rôle, dans la mesure où l’absence de preuves scientifiques robustes sur l’efficacité et la sécurité de certaines pratiques traditionnelles peut freiner leur intégration.
Pensez-vous que les autorités sanitaires reconnaissent suffisamment le rôle des tradithérapeutes ?
La reconnaissance des autorités sanitaires est généralement perçue comme insuffisante. Ils ne taillent pas souvent d’importance et banalisent complètement, bien que certaines initiatives voient le jour. La reconnaissance formelle et la mise en place de mécanismes de collaboration restent insuffisantes. Souvent, nous sommes confrontés à assez de problèmes qui emportent certains de nos sachants en lieu de détention.
Quelles initiatives existent pour encourager la collaboration entre tradithérapeutes et médecins ?
Plusieurs initiatives existent, telles que des programmes de formation et d’échange, où les tradithérapeutes peuvent améliorer leurs connaissances et compétences, tout en échangeant avec les professionnels de santé modernes. Des partenariats sont également mis en place entre structures de santé et tradithérapeutes, permettant une approche intégrée à travers des collaborations entre hôpitaux, centres de santé et praticiens traditionnels. En outre, des recherches sont menées pour évaluer l’efficacité et la sécurité des pratiques traditionnelles, et pour documenter les connaissances endogènes. Après les différentes formations, nous procédons à des évaluations afin de décerner des présents aux meilleurs sachants selon leur domaine de thérapie.
Quels bénéfices cette intégration pourrait-elle apporter aux populations, surtout en zones rurales ?
L’intégration de la médecine traditionnelle peut apporter de nombreux bénéfices. Elle permet d’améliorer l’accès aux soins, surtout dans les zones rurales où les structures de santé et le personnel médical sont rares. Elle prend également en compte la culture et les besoins locaux, car elle propose des approches souvent plus adaptées aux réalités culturelles et socio-économiques. De plus, elle joue un rôle important dans la prévention et l’éducation sanitaire, les tradithérapeutes pouvant sensibiliser les populations sur les comportements à risque. Enfin, cette intégration permet d’identifier les risques potentiels liés aux pratiques traditionnelles, tout en œuvrant à leur amélioration.
Comment garantir la sécurité des patients lors de cette intégration ?
Garantir la sécurité des patients repose sur plusieurs mesures essentielles. Il faut d’abord une réglementation et un contrôle de qualité efficaces, afin d’encadrer les pratiques traditionnelles et d’assurer la qualité des produits utilisés. Ensuite, les tradithérapeutes doivent recevoir une formation et une sensibilisation adéquates, notamment sur les principes d’hygiène, de sécurité et de prévention des infections. Enfin, la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation permet d’observer les pratiques, d’identifier les risques et d’améliorer les méthodes utilisées.
Selon vous, quelles sont les conditions essentielles pour réussir cette collaboration ?
Pour réussir une collaboration entre médecine traditionnelle et moderne, il est essentiel d’établir une confiance mutuelle, une reconnaissance des expertises de chacun et une communication ouverte et respectueuse. Il faut également définir clairement les rôles et responsabilités des uns et des autres, et veiller à ce que la collaboration soit orientée vers le bien-être du patient et le respect de ses choix. La reconnaissance et le respect des expertises sont fondamentaux, tout comme une communication transparente. Il est important d’intégrer les pratiques complémentaires, de former et de sensibiliser les praticiens, d’impliquer les patients et de favoriser la recherche et l’évaluation. Des exemples de réussite existent déjà, notamment dans le traitement de la douleur par l’acupuncture ou la phytothérapie, dans les soins de santé primaires en zones rurales, dans la prise en charge holistique des patients, dans l’utilisation des plantes médicinales ou encore à travers la formation de praticiens mixtes.
Aviez-vous des exemples concrets de réussite entre médecine traditionnelle et moderne ?
Oui, il existe de nombreux exemples concrets d’intégration réussie entre la médecine traditionnelle et la médecine moderne. Ces exemples montrent comment les deux systèmes peuvent se compléter pour améliorer les soins de santé. Dans de nombreuses régions, les sage-femmes traditionnelles travaillent en collaboration avec les professionnels de santé modernes pour assurer des soins de maternité et de santé infantile, en particulier dans les zones rurales où l’accès aux soins conventionnels est limité. La médecine moderne reconnaît de plus en plus le potentiel des plantes médicinales utilisées dans les traditions de guérison. Par exemple, l’artémisinine, un médicament antipaludique, est dérivée de l’armoise annuelle, une plante utilisée en médecine traditionnelle chinoise. La méditation, la pleine conscience et d’autres techniques de relaxation, souvent issues de traditions spirituelles, sont de plus en plus intégrées dans les programmes de gestion du stress et de traitement de diverses maladies chroniques en milieu hospitalier. La médecine traditionnelle met souvent l’accent sur une approche holistique du patient, en tenant compte de son environnement, de son mode de vie et de ses croyances, ce qui peut compléter la médecine moderne en offrant des soins plus personnalisés et complets. De nombreuses études scientifiques explorent aujourd’hui les mécanismes d’action des thérapies traditionnelles et cherchent à valider leur efficacité et leur sécurité, ouvrant ainsi la voie à une intégration plus formelle dans les protocoles de soins. En résumé, l’intégration réussie de la médecine traditionnelle et moderne peut se traduire par une meilleure accessibilité aux soins de santé, notamment dans les zones reculées, des traitements plus personnalisés et adaptés aux besoins individuels, une approche plus holistique de la santé, en tenant compte des aspects physiques, mentaux et spirituels, et des découvertes scientifiques qui permettent de mieux comprendre et d’utiliser les thérapies traditionnelles. L’objectif est de tirer le meilleur parti des deux systèmes pour améliorer la santé et le bien-être des individus et des communautés.
Propos recueillis par Meuris Véran DANSOU (Coll)